Mohamed Triki: Chef scout et gouverneur de Bourguiba
Comment se forge le caractère d’un gouverneur sous Bourguiba et réussir dans les régions des plus sensibles au cours de périodes très difficiles. Mohamed Triki, 90 ans, nous en livre la recette. Dans ses mémoires intitulées L’ultime bataille (Editions Nirvana), il revient sur son parcours personnel, avec une montée en puissance, à l’aube de l’indépendance, dans ce qu’il a appelé en sous-titre : «L’indépendance, l’édification de l’Etat moderne et la restitution de la souveraineté au peuple.»
Sur près de 700 pages, écrites en arabe dans une langue soignée, Triki retrace d’abord son enfance à Sfax pendant la Seconde Guerre mondiale, dans un moule fondateur, le scoutisme et le patriotisme. Les deux gènes façonnent la personnalité de toute une génération de Tunisiens que Bourguiba saura rallier au Néo-Destour et en faire son fer de lance. Scout un jour, scout toujours, Mohamed Triki fera des préceptes de Robert Baden-Powell, le fondateur du mouvement, une règle de vie, assaisonnée au nationalisme tunisien. Il ne cessera de l’incarner, ce qui lui servira dans sa carrière politique, et sera porté commissaire général des scouts.
Jeune étudiant zeïtounien, engagé au sein de l’Uget et entamant une carrière d’enseignant, il sera appelé par Mongi Slim, à peine nommé alors ministre de l’Intérieur dans le gouvernement des négociations avec la France, pour s’occuper des militants. Taïeb Mehiri, qui lui succédera en avril 1956 et aura la lourde charge de tunisifier les services ainsi que la police et créer la garde nationale, reconduira Triki et l’insèrera parmi le premier noyau de l’administration régionale. Le pied à l’étrier, il est envoyé en 1960 au Kef en qualité de délégué. La guerre d’Algérie se jouait aussi à partir de l’arrière-pays tunisien où le FLN avait installé son QG opérationnel. Le tout jeune délégué qui sera promu gouverneur devait alors épuiser son génie à gérer la situation, attentivement suivi par Bourguiba qui lui rendait souvent visite.
En mission délicate
Ayant gagné ses galons, Triki fera la tournée des régions frontalières, nommé successivement gouverneur à Kasserine, puis Gafsa, qui s’étendait de Sidi Bouzid au Djérid. L’Algérie avait conquis son indépendance et la Tunisie expérimentait le socialisme destourien, avec son nouveau système de collectivisation et de coopératives. Le rôle du gouverneur, très délicat, sera important.
Mohamed Triki s’en sortira à moindres frais, mais devra, avec l’arrivé de Hédi Nouira, quitter la Fonction publique en 1972 et prendre sa retraite administrative à l’âge de 47 ans. Sans jamais partir définitivement en fait. Le voilà de nouveau rappelé à diverses autres fonctions officielles, puis à la tête des scouts.
C’est ce récit passionnant d’une vie intense que nous livre l’auteur. Un témoignage de première main sur le fonctionnement de l’administration régionale sous Bourguiba et, dans une perspective plus large, les rouages de l’Etat durant près de 40 ans. Les photos publiées en illustration viennent en complément utile.
L’ultime bataille
de Mohamed Triki
Editions Nirvana, janvier 2021, 698 pages
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