Tunisie: Une solution à l’éternelle question du dialogue salvateur
Par Youcef Ennebli - Une fois encore la question du dialogue national remonte en surface pour s’imposer comme un sujet d’actualité par excellence. Il est clair, à chaque grande crise, le dialogue national constitue toujours la solution dominante, si ce n’est pas l’unique, qui fait surface. Et les crises ne cessent de s’aggraver et de s’accumuler. Le problème réside dans le fait, et indépendamment que le dialogue a été établi ou non, que rien de changement substantiel et profond n’a été réalisé. Et pour cause majeure, le mouvement islamiste qui détient les ficelles du pouvoir depuis fin 2011, n’a nullement l’intention de se dévier de son projet diabolique consistant à détruire volontairement et méthodiquement, et non par manque de compétence ou d’efficacité, tout le tissu économique et social, et à anéantir l’Etat civil de la Tunisie. Peut-on s’attendre à autre chose d’un mouvement islamiste qui ne croît ni à la démocratie ni même à la notion de l’Etat ?
Nier cette réalité, pour une raison ou une autre, c’est synonyme de ne pas affronter la réalité dure du problème pour ne pas le résoudre et consolider la réalisation du projet d’Ennahdha. On n’est pas contre le principe du dialogue national en lui-même : il constitue une solution pertinente parmi tant d’autres solutions. Cependant, faut-il poser, comme préalable à son déroulement, les conditions nécessaires garantissant la mise en œuvre systématique de toutes les recommandations issues du dialogue. Les solutions sont connues, la finalité du dialogue est donc de mettre tous les acteurs politiques devant l’impératif et l’obligation d’accomplir les solutions déjà préconisées par les experts. Il ne s’agit pas, comme dans la passé, de recourir au dialogue juste pour atténuer la colère et sauver les apparences.
La Tunisie est maintenant au bord du gouffre : c’est l’existence même de l’Etat qui est en jeu. Si le dialogue national représente la seule alternative possible pour sortir du gouffre, faut-il alors redoubler de vigilances et de précautions pour garantir son efficacité (atteindre sa finalité). Si le fameux dialogue national de l’été 2013, malgré la bonne volonté de toutes les forces vives de la nation (qui croient à notions de la république et de la démocratie) n’a fait, et tout au plus, que retarder un peu l’aboutissement du projet de nahdha, que peut-on s’attendre alors de l’efficacité d’un dialogue où la grande majorité des acteurs politiques (l’UGTT, la majorité des partis (supposés démocratiques) et des médias, etc.) n’ont plus cette bonne volonté à agir dans le droit chemin ?!
Faut-il reconnaître que ce n’est pas une tâche facile. Après un temps de réflexion, nous avons abouti à certaines conditions posées comme un préalable nécessaire à un vrai et efficace dialogue national. Celles-ci peuvent être synthétisées et groupées selon sept principes fondamentaux.
1. Aucune exclusion dans le dialogue national, et ce quels que soient les motifs ou les mobiles avancés par un quelconque acteur
L’on peut comprendre les réserves émis par quelques acteurs, tels que la PDL, à l’égard de tout dialogue avec le mouvement islamiste. Le PDL a raison de s’inquiéter sur le sort du dialogue lorsqu’un acteur constitue le problème et non la solution et a toujours fait preuve de manque de volonté à agir dans le sens de l’intérêt du pays. Toutefois, un dialogue national, par définition, perd son sens si l’on admet une exclusion, notamment lorsqu’il s’agit d’un grand acteur tel que le mouvement d’Ennahdha qui, de surcroit, détient les ficelles du pouvoir. Exclure le mouvement du dialogue, c’est lui donner l’opportunité de justifier son refus aux recommandations du dialogue. La solution à ce dilemme consiste à prévoir des conditions permettant d’annuler ou du moins réduire, autant que faire se peut, la tendance de l’auteur du problème.
2. Participation au dialogue est synonyme d’adhésion aux valeurs de la république
Tout acteur qui décide de participer au dialogue est synonyme qu’il croît véritablement à la notion de l’Etat (civil bien entendu) et aux valeurs de la république. Même si l’acteur a fait preuve du contraire dans le passé, il peut bénéficier d’une dérogation, signe de paix et de solidarité nationale, lui permettant d’acquérir une « virginité » et pouvoir participer au dialogue. Il suffit pour cela d’exprimer ses remords quant à son adoption de la pensée islamiste de la confrérie et de s’engager à la voie des valeurs de la république. Si un tel acteur refuse volontairement de participer au dialogue, pour éviter un tel engagement, l’application pure et simple des lois de la constitution à savoir la dissolution du parti serait inévitable ou, du moins, lui faire subir le verdict des experts de la cours des comptes.
3. Décisions issues du dialogue constituent une sorte de mandat impératif pour les quatre pôles du pouvoir politique
Les recommandations issues du dialogue national devaient constituer un mandat impératif pour ceux qui détiennent les quatre types de pouvoir dans lequel ils doivent agir selon les actions et les modalités définies, dans la durée et la tâche, par les membres du dialogue national. Ils ont l’obligation d’appliquer à la lettre les recommandations dans une période de temps bien délimitée. La durée précise du mandat est à définir par les membres du dialogue. Elle ne devait pas dépasser les limites du court terme, à savoir une année. A défaut d’aller au sens strict du mandant impératif par quiconque des quatre pouvoirs, les membres du dialogue doivent définir une autre entité ou groupe de substitution qui lui reviendrait la responsabilité d’accomplir le mandat impératif.
4. Définition précise des membres du dialogue
Bien entendu, tous les grands acteurs politiques doivent participer au dialogue à travers un représentant. On note donc deux représentants des chefs du pouvoir exécutif (le chef de l’Etat et le CG), un représentant pour chacune des composantes du parlement (les partis, les coalitions et les indépendants), un représentant pour chacune des composantes du pouvoir judiciaire ainsi que ceux du pouvoir médiatique (La HAICA et différents types de médias) sans oublier les deux représentants des deux grandes organisations syndicales (l’UGTTT et l’UTICA). Faut-il préciser que le profil de chacun des ces représentants doit revêtir celui d’un expert (compétences aux niveaux théorique et pratique) et non d’un politicien. La limitation des représentants en nombre et en qualité permet un dialogue à la fois opérationnel et efficace, et d’éviter les querelles verbales à la fois inutiles et néfastes. Il est connu chez les chefs politiques de faire usage au discours rhétorique et populiste.
A coté des représentants des grands acteurs politiques sont invités également une équipe d’experts indépendants. Cette équipe doit comprendre des experts d’une spécialité pointue telle que l’expertise comptable, la finance, le droit constitutionnel d’une part, et des experts plutôt polyvalents impliquant l’économie, l’ingénierie managériale, la technologie et le social d’autre part. Le nombre des membres de l’équipe de devait pas dépasser la dizaine.
5. Définition des conditions organisationnelles du dialogue national
Il faut d’abord déterminer qui va avoir la responsabilité (à distinguer du pouvoir) d’organiser le dialogue dans des conditions ambiantes qui sont favorables à sa réussite. Selon, notre humble avis, le poste de la Présidence de la république est le mieux indiqué à cette responsabilité. Nous avons bien dit organiser et non diriger ou superviser le dialogue. L’organisateur ne peut être juge et parti. Ce sont les membres du dialogue qui ont les prérogatives de définir les actions et les modalités à entreprendre par les quatre types de pouvoir. Si le président refuse une telle restriction de prérogatives, le rôle de l’organisation du dialogue pourrait revenir alors à l’UTICA ou à l’une des organisations non gouvernementales. Bien entendu, l’UGTT pourrait assurer l’organisation si elle renonce au véto adressé à quelques partis.
Une bonne organisation consiste à fournir et favoriser les meilleures conditions ambiantes d’un grand et dur travail devant aboutir, dans un espace de temps ne dépassant pas deux semaines, à un accord entre les membres du dialogue. Pour cela, il est primordial de penser à l’aménagement d’un local répondant aux conditions d’un véritable dialogue sans pour autant disperser et gêner l’esprit sur des choses futiles de logistique ou d’interventions des acteurs politiques. L’idéal serait un local fermé de travail (environ 14 heures de travail intense par jour) où les membres seront logés et nourrit sans aucune gêne quelconque.
Bien entendu, le recours au dialogue selon les règles de la pensée critique et constructive ne peut être que recommandé. Si le consensus demeure difficile à obtenir, le vote serait alors nécessaire. Les actions et les modalités majoritaires devraient être retenues comme des recommandations à appliquer impérativement par le pouvoir. L’essentiel est que celles-ci doivent former un tout cohérant et allant dans l’esprit de la finalité du dialogue. Enfin, faut-il soulever la nécessité d’un PV soulignant les avis et les recommandations respectifs des divers membres du dialogue.
6. Publication des recommandations du dialogue national constituant un socle commun pour tous les tunisiens
L’accord final entre les membres du dialogue national au niveau des actions et des modalités à mener par le pouvoir est à considérer comme un socle commun unifiant tous les tunisiens, gouvernés et gouvernants, que chacun, selon la position et la responsabilité qu’il occupe, si petite soit-elle, doit œuvrer à ce qu’il ne dérive pas de son droit chemin. Il est nécessaire alors qu’aussi bien les contours du dialogue (les préalables) avant son organisation que les recommandations découlant du dialogue devaient être publiés et divulgués dans tous les types de médias. Cela permet à toutes les forces vives de la nation de vérifier si les quatre pôles du pouvoir mènent à bien le mandat impératif ou non.
Une lueur d’espoir et d’optimisme
Si un tel dialogue n’a pas lieu, pour une raison ou une autre, ce préalable aurait du moins le mérite de mettre à nu la visée réelle (non avouée bien entendu) des différents acteurs politiques. Cela permet au citoyen de mieux les évaluer, d’agir selon le droit chemin et de lui ouvrir la voie à des solutions pertinentes autres que le dialogue national.
Enfin, faut-il préciser que la Tunisie paisible et aimant la vie, carrefour de plusieurs civilisations, mérite un sort beaucoup mieux que celui voulu par les islamistes. Rien ne manque à la Tunisie pour réaliser et atteindre la joie de vivre, le bonheur et la prospérité.
Youcef Ennebli
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