Tunisie – Covid-19 : le cri de détresse d’un jeune médecin
Rym Ghachem Attia- Un médecin consulte en me rapportant la Chronique d’une garde.
«Dans un petit hôpital de Tunis, j’arrive le matin pour affronter ma garde, assez enthousiaste, retour d’une semaine sans gardes. J’arrive au service Covid, on m’annonce trois décès la veille.
On se réjouit parce qu’il y a deux places au service de réanimation (deux décès) et qu’on pourra transférer deux patients graves.
Dans le service, cinq patients graves dont le plus jeune a 49 ans. Il nécessite 90L d’oxygène, il mobilise donc deux sources d’oxygène, si on le transfère, on a de la place pour deux patients. Est-ce que sa vie vaut celle de deux patients?
Nous avons contacté tous les services de réanimation de Tunis, ils sont tous pleins.
Nous regardons le patient souffrir, suffoquer sans pouvoir rien faire.
Notre service est plein, nous ne pouvons plus accueillir de patients.
Un autre service a été réquisitionné pour la Covid, deux décès lors de la garde de la veille. Ce deuxième service est déjà rempli à 100% de sa capacité. Sept décès en 24h dû à la Covid dans un petit hôpital de Tunis. Lors de mon passage aux urgences, nous avons huit sources d’oxygène disponibles.
J’arrive, six patients sont déjà hospitalisés aux urgences. Deux patientes qui saturent à 85-88% à l’air ambiant arrivent. Elles nécessitent de l’oxygène. Je leur donne les deux dernières sources d’oxygène qui me restent. Je n’ai plus de source d’oxygène disponible. Un patient 50 ans qui arrive en détresse respiratoire, il sature à 59%. Je n’ai plus de source d’oxygène.
Qu’est-ce que je peux faire, moi, médecin, tenue de donner les meilleurs soins possibles à tous les patients?
Enlever l’oxygène à l’un pour donner à l’autre?
Choisir quel patient mérite le plus l’oxygène? Choisir qui doit vivre, qui doit mourir?
Une autre patiente arrive, antécédents lourds, âgée de 80 ans, sature à 79%. Où je dois la classer dans l’échelle de mérite?
Je n’ai plus de source d’oxygène disponible.
Un autre patient 58 ans, qui vient avec sa bouteille d’oxygène, avec ses 15 L à la bouteille d’oxygène, il sature à 78%… Je n’ai plus de source d’oxygène disponible.
Et ainsi de suite…
Les patients souffrent, les familles souffrent, les médecins souffrent, les infirmiers souffrent… »
Oui
Ce n’est plus de la médecine. On ne doit pas avoir à choisir qui a le droit à l’oxygène et qui non, qui a le droit à une place en réanimation et qui non.
Je vous parle d’une réalité, de ce qui se passe dans un petit hôpital à Tunis maintenant. Imaginez si on s’éloignait de la capitale, imaginez dans les hôpitaux sans réanimation.
Ce dont je vous parle est la conséquence du long plateau de la courbe à 2000 cas/jour.
Imaginez ce qui nous attend avec les 3000-4000-5000 cas/jour.
Imaginez les conséquences du nouveau variant qui touche très gravement les nouveau-nés et les jeunes de 20 ans.
Nos hôpitaux n’ont pas les moyens d’affronter cette pandémie. Nous allons à notre propre perte.
Nous avons fermé pays lorsque nous avions 20cas/jour. Pourquoi cette lenteur d’action ou plutôt cette inaction?
Primum non nocere est la première diapositive du cours de médecine légale.
Je n'ai rien pu répondre a cette jeune médecin.
Que dire? Quel traitement donner? Quelle prise en charge pour ce médecin? Elle n’est pas malade.
Comment l‘aider?
Cette jeune médecin pleine de vie et d’enthousiasme que j ai vu travaille dans mon service est rapidement usée par un système dépassé et surpasse.
On ne doit donc pas s étonné de leur fuite
Professeur Rym Ghachem Attia
Hôpital Razi Service Pinel
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Lorsque les dispositifs et les moyens s'amenuisent et que la charge d'hospitalisation est surpassée que peuvent faire les médecins atténués par l'incapacité de gérer en plus de la fatigue accablante qui pèse sur leurs corps ainsi que le moral la faute revient à deux responsables le gouvernement avec sa nonchalance et la désobéissance des personnes aux mesures préventives déclarées depuis l'apparition de se satané virus qui a pris le dessus et continuera à déployer sa force de frappe et causer le nombre faramineux de morts dans les jours qui viennent.
Merci Docteur Pourquoi maintenant la sonnette d alarme, la situation des hopitaux est degradee depuis longtemps. On parle que lorsque il y a du Chaos.