Les Talibans : La résurrection
Par Mohsen Redissi - Une espèce autochtone invasive et coriace. L’arsenal militaire américain après de sanglants combats sur vingt ans, 2001-2021, n’a pas pu éradiquer ce mal. Les frappes ciblées, l’usage de drones et le largage de bombes pesant une tonne n’ont pu venir à bout. Le chantage, la torture et la fortune en échange de la dénonciation n’ont pas réussi à fléchir une race de gens élevés à la dure.
Un gouffre sans fin
La nouvelle administration américaine tient à se retirer du bourbier afghan avant la date anniversaire des frappes simultanées des deux tours jumelles du Trade World Center le cœur battant de New York et le Pentagone.
Une date butoir que l’Etat-major américain doit respecter. Le retrait est mené tambour battant. L’armée américaine annonce avoir procédé à l’évacuation de 90% des GIs déployés laissant derrière eux des terres afghanes meurtrières et abreuvées de sang. Le tribut est lourd en vies humaines. Les chiffres sont effarants. Plus de 165 000 morts entre civils et militaires dont 160 000 afghans, aux alentours de 2 500 américains et au moins 1 790 de diverses nationalités(1) sans compter les dommages collatéraux : les blessés de guerre, les déplacements de population, les sans abris, des terres brûlées devenues incultes, la destruction des infrastructures et des bâtiments…
Le bilan financier est aussi désastreux. Les États-Unis ont déboursé 1 000 milliards de dollars pour en fin de compte abandonner la mission. L’Afghanistan n’a pas été pacifié et le mal est encore enraciné. L’Amérique a tant besoin de ses hommes et de ses dollars. Leur seul mérite est d’avoir éliminé Ben Laden avant le 10éme anniversaire de l’attaque des tours jumelles. Le secret des documents ramassés dans sa retraite, une ville aux abords d'Abbottābād, au Pakistan, gisent avec lui dans les profondeurs de la mer d’Oman.
Une progression inquiétante
Les avions transporteurs de GIs n’ont pas encore quitté l’espace aérien afghan que les Talibans devancent les soldats et les miliciens pro-gouvernementaux en s’emparant des bases et des espaces bien fournis en matériel et munitions laissés à l’abandon par les forces alliées. Leur progression dans les provinces du Nord est fulgurante. Les villes tombent sous le joug d’étudiants qui ont comme option dans leur cursus chef de guerre. Ces prises sans résistance jettent le discrédit sur la capacité des forces armées afghanes à stopper l’avancée des colonnes des Talibans sur la capitale. Les américains ont promis de continuer à fournir des aides humanitaires et des systèmes de sécurité au gouvernement afghan pour mieux affronter la ruée vers Kaboul. Selon eux, le gouvernement afghan est désormais capable de protéger lui-même sa capitale. D’après les accords, les Etats-Unis font maintenir sur le sol Afghan un bataillon de 600 soldats chargés uniquement de la surveillance et de la sécurité de l’ambassade américaine à Kaboul.
Kaboul nous-revoilà !
Les Talibans ne s’encombrent pas de matériel lourd et sophistiqué. Leurs guerres menées contre les troupes russes, plus tard contre les coalisés ont fait des Afghans, des Moudjahiddines et des Talibans des combattants aguerris. Leurs troupes couvrent tout le territoire. Ils se déplacent en mules dans des montagnes difficiles d’accès, capables de monter des opérations dans les villes et sur les chemins escarpés. Maîtres dans l’art des attaques surprises et des embuscades, la connaissance du territoire leur donne un avantage substantiel. Avec le retrait des forces de l’Otan, l’armée afghane est devenue vulnérable. Elle a perdu sa couverture aérienne, élément essentiel dans la traque des assaillants.
Les premiers succès faciles poussent les Talibans à poursuivre leur marche triomphatrice vers la capitale. Ils refusent pour le moment les négociations et le partage du pouvoir tant qu’ils ont le vent en poupe. Seul un feu nourri et la résistance des forces gouvernementales les ramèneraient à la table des négociations.
La menace talibane se précise de jour en jour. Kaboul est prise en tenaille. Les insurgés contrôlent des provinces au nord et au sud de la capitale. Pour certains experts militaires, il y ’ a une réelle possibilité de revoir les Talibans prendre Kaboul et le pouvoir dans les prochains mois. Les vingt années de guerre n’ont fait qu’aggraver la vie des afghans et retarder la reprise de Kaboul par les insurgés. Des jours sombres pointent à l’horizon pour la population. Une interprétation rigoriste de l’Islam et la relégation de la position de la femme dans la nouvelle société sont à craindre comme autant de leur premier règne dans les années 90s. Tout reste en suspens pour ceux qui ont aidé ou collaboré avec l’ennemi.
Mohsen Redissi
1- Chapleau, Philippe. Afghanistan. Vingt ans de guerre et 165 000 morts plus tard… Ouest-France, (14/04/2021) https://www.ouest-france.fr/monde/afghanistan/afghanistan-vingt-ans-de-guerre-et-165-000-morts-plus-tard-8d2285dc-9d1d-11eb-a9c5-320bc750e309
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