Pourquoi Kais Saïed a activé l’article 72 de la Constitution pour dissoudre le parlement
Coup d’accélérateur ou virage significatif du processus politique en Tunisie. La riposte aux parlementaires qui ont bravé la supension de leurs travaux, n’a pas tardé ! L’article 72 de la Constitution, donnant au chef de l’Etat la plus grande légitimité est activé et le parlement dissous. Quelques heures seulement après la réunion à distance, mercredi après-midi, de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et le vote en séance plénière d’une proposition de loi abrogeant tous les décrets et décrets lois pris par le président Kais Saïed, depuis le 25 juillet, le président de la République n’a pas tardé à prononcer la dissolution de l’ARP. Réunissant en fin d’après-midi, le conseil de sécurité nationale, en présence cette fois de la cheffe du gouvernement, il a annoncé solennellement, le visage ferme et le ton martial, sa décision, prise, a-t-il mentionné, en vertu de l’article 72 de la Constitution.
Art. 72 - Le Président de la République est le Chef de l'État et le symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et veille au respect de la Constitution.
« C’est l’article le plus fort, explique à Leaders un constitutionnaliste. Il vient avant l’article 80 et se situe au-dessus de tous les autres. Il donne au chef de l’Etat la plus grande légitimité et en fait, en l’absence d’une cour constitutionnelle, l’unique gardien de la Constitution. » «Le choix n'est pas fortuit, surtout pour un spécialiste, comme Kais Saïed, ajoute-t-il. On l'a vu évoluer d'une dénonciation de nombreuses dispositions de la Constitution, à un usage sélectif de certains de ses articles, au bon moment, à sa convenance.»
Saïed se délie des conséquences procédurales
Quelles sont les suites de la dissolution du parlement et quid des délais impartis à l’organisation d’élections législatives anticipées ? Est-ce dans 3 mois ? « Il faut cesser de raisonner juridiquement, précise un constituant qui se souvient parfaitement du contexte de l’élaboration de cet article et suit de très près la lecture de la loi suprême par Kais Saïed. Il ne s’agit plus d’aller dans les détails et les procédures. Saïed se délie des conséquences procédurales. Il vit sa propre constitution», nous confie-t-il.
Dénonçant un complot contre la sureté de l’Etat et une tentative d’introduire une fitna au sein de la population, il a mis en garde contre tentative de recours à la violence. « Elle sera affrontée par les forces armées et de sécurité intérieure », a-t-il affirmé. Aussi, il a indiqué que le parquet de Tunis a été instruit par la ministre de la Justice pour ouvrir une enquête au sujet de cette réunion de l’ARP et engager les poursuites judiciaires appropriées.
Bras de fer
Tout s’est accéléré rapidement ces dernières 48 heures. Le bureau de l’ARP avait annoncé sa décision de reprendre les travaux (suspendus depuis le 25 juillet) et de se réunir (à distance) sous la présidence de Rached Ghannouchi, en prévision de la tenue ce mercredi d’une séance plénière. L’ordre du jour comporte un point unique : l’abrogation pure et simple des textes édictés par Saïed durant la suspension des travaux. Le chef de l’Etat réunira immédiatement le conseil de sécurité nationale et ne manquera pas de lancer une série de mise en garde. Sur les réseaux sociaux, plusieurs pages favorables au président de la République dénoncent à travers cette initiative « un acte de défi, mettant en cause la légalité et la légitimité des institutions de l’Etat et sapant ses fondements, et qui cherche à enliser la Tunisie dans un modèle bipolaire à la libyenne. » Un véritable bras de fer était lancé.
La séance plénière de l’ARP, tenue sous la présidence de Tarek Ftiti, deuxième vice-président, a été marquée par une longue série d’interventions préliminaires qui ont été l’occasion pour des députés de dénoncer « un abus de droit », « une confiscation de tous les pouvoirs et leur concentration entre les seules mains de Saïed », « une grave dérive démocratique. » Par défi ou par dépit, certains ont exhorté à Saïed à proclamer la dissolution du parlement. « Sur ce point, ils auront obtenu gain de cause», relève un observateur. Passée au vote, la proposition de loi a été adoptée à 116 voix, sans abstention, ni opposition. Elle n'attendait plus, téhoriquement, que promulgation et publication au JORT.
Sauf que…
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