Habib Touhami: Système éducatif et de formation en Tunisie : réforme ou refondation?
Si on faisait le recensement de tous les rapports officiels publiés, de toutes les thèses universitaires soutenues et de tous les séminaires et colloques organisés en Tunisie depuis plus d’un quart de siècle, on s’apercevrait que la plupart traitent de l’emploi et du système éducatif et de formation. Pourtant aucune avancée notable n’a été enregistrée dans ce domaine, ni au niveau de la philosophie générale, ni au niveau du rendement, ni au niveau de l’organisation des entités concernées.
Comment explique-t-on une telle situation ? Est-ce le lot commun à tous les pays dans lesquels il devient impossible de réformer même à l’occasion d’une révolution ? Est-ce un blocage dû au corporatisme et à l’inertie qui règnent dans un secteur traditionnellement conservateur? Est-ce le domaine lui-même qui pose problème en raison de sa complexité et de ses multiples répercussions politiques et syndicales ? Nul ne le sait précisément. Ce dont on est sûr par contre est qu’il n’existe pas de malédiction immanente qui le frapperait au point de banaliser un gaspillage et une médiocrité qui ont trop duré. La peur de réformer a atteint en Tunisie un tel degré que l’on préfère garder le statu quo partout en dépit du blocage qu’il génère dans le processus de développement lui-même.
En vérité, le problème qui est posé aujourd’hui n’est plus de réformer le système éducatif et de formation mais de le refonder sur d’autres bases. A ce stade, réformer le système, c’est-à-dire lui apporter des changements afin de l’améliorer, n’est plus suffisant. Désormais, seule la refondation a un sens. Pour y parvenir, il faut répondre à un certain nombre de questions préalables.
La première question qui se pose est de savoir ce que nous attendons du système éducatif et de formation. S’agit-il pour lui de «produire» de la main-d’œuvre qualifiée pour l’économie ou de «produire» des citoyens au sens plein du terme ? Pour l’heure, le système n’a atteint aucun des deux objectifs. En fait, il se retrouve en «suspension» entre les deux comme diraient les Mutazilites évoquant le musulman qui commet un grand péché.
Concernant les connexions entre l’économie et le système éducatif et de formation, il faut cesser de croire qu’il est possible de réaliser une compatibilité parfaite et durable entre l’emploi et la formation ou alors il faut sortir du système libéral en place pour renouer avec la planification stricte telle qu’elle existait en Urss et ses pays satellites. Il n’empêche que certaines méthodes de projection de la population active sont disponibles pour obtenir une meilleure adaptation de la main-d’œuvre aux besoins de l’économie et inversement.
Pour ce faire, il est essentiel que l’enseignement et la formation s’ouvrent aux compétences extérieures existant dans les entreprises économiques et les institutions officielles comme l’INS, la BCT ou l’Itceq. A force de « statufier » les enseignants et les formateurs, on a rigidifié les structures, appauvri les programmes et la pédagogie et entravé tout espoir de créer une véritable synergie entre l’économie et le système éducatif et de formation.
On le voit, le défi qui attend la Tunisie et son système éducatif et de formation est immense, âpre et source de toutes les polémiques. Au lieu de continuer à palabrer sur une énième réforme qui ne règlera rien de fondamental, il serait plus judicieux de commencer par la redéfinition des missions, objectifs et moyens humains et matériels du système éducatif et de formation. Car sans cette redéfinition, le système sera condamné à produire indéfiniment chômage, illettrisme et incivilité.
Habib Touhami
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