Presse électronique en Tunisie: Faut il faire payer les lecteurs
Les médias électroniques à la recherche d’un modèle rentable
Les mêmes causes produisent les mêmes effets, pour les journaux en ligne aussi. Vivoter des revenus de quelques bannières mises en ligne et de menus autres financements publicitaires générés ne saurait garantir ni développement, ni pérennité de la presse électronique. Certes exonérée des coûts d’impression et de distribution, elle s’acquitte cependant de lourdes charges de personnels, de frais techniques de production et de coûts informatiques et de référencement. Les rares marques de presse électroniques professionnelles s’échinent à survivre afin de livrer un contenu de qualité, gratuit, mais prisé. Songer à faire payer l’internaute tunisien, de plus en plus habitué à lire sans frais un bon contenu disponible sur internet, serait impossible dans les circonstances actuelles. L’avenir est difficile à prévoir.
Est-ce une fatalité?
Les pouvoirs publics sont aux abonnés absents. La Haica attend sa conversion. Les syndicats de patrons de journaux, de stations radio et de chaînes télé ne parviennent pas à se mettre en marche cohérente pour faire aboutir leurs revendications. Les lecteurs se ruent sur les réseaux sociaux, incapables de faire la part entre le vrai et le faux. Les téléspectateurs se délectent de la profusion de chaînes étrangères. Un grand perdant: l’identité nationale, la culture patrimoniale, la pluralité de l’expression, le droit à une information professionnelle, libre et indépendante.
Le moindre espace médiatique fermé est une grosse perte irrattrapable. D’autres viendront l’occuper, gérant alors nos cerveaux, nos cœurs, nos comportements, nos convictions. Demain, il sera trop tard.
Tour de vis
Comme si leur crise financière ne leur suffisait pas, les médias font désormais face à de lourdes menaces pesant sur leur liberté d’expression. Elles proviennent des dispositions du décret-loi n° 2022-54 du 13 septembre 2022 relatif à la lutte contre les infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication. Au titre des infractions relatives aux systèmes d’information et de communication et des peines encourues, elles traitent sévèrement la propagation des rumeurs et des fausses nouvelles, fixant des peines qui commencent à cinq ans d’emprisonnement et une amende de cinquante mille dinars.
«Le décret-loi, indique son article premier, vise à fixer les dispositions ayant pour objectif la prévention des infractions se rapportant aux systèmes d’information et de communication et leur répression, ainsi que celles relatives à la collecte des preuves électroniques y afférentes et à soutenir l’effort international dans le domaine, et ce, dans le cadre des accords internationaux, régionaux et bilatéraux ratifiés.» Il traite, notamment de la violation de l’intégrité des systèmes d’information et des données et de leur confidentialité, de la fraude informatique et la falsification informatique.
S’agissant des rumeurs et fausses nouvelles, l’article 24 est ainsi libellé:
Art. 24 - Est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinquante mille dinars quiconque utilise sciemment des systèmes et réseaux d’information et de communication en vue de produire, répandre, diffuser, envoyer, ou rédiger de fausses nouvelles, de fausses données, des rumeurs, des documents faux ou falsifiés ou faussement attribués à autrui dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou porter préjudice à la sûreté publique ou à la défense nationale ou de semer la terreur parmi la population.
Est passible des mêmes peines encourues au premier alinéa toute personne qui procède à l’utilisation de systèmes d’information en vue de publier ou de diffuser des nouvelles ou des documents faux ou falsifiés ou des informations contenant des données à caractère personnel, ou attribution de données infondées visant à diffamer les autres, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement, d’inciter à des agressions contre eux ou d’inciter au discours de haine.
Les peines prévues sont portées au double si la personne visée est un agent public ou assimilé.
Ces dispositions ont suscité de vives réactions du Syndicat national des journalistes et de plusieurs composantes de la société civile qui ont dénoncé « leur caractère excessif » et appelé à leur retrait.
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