Hommage à Cheikh Othman Battikh: Le dernier mufti de la République?
Aura-t-il été le dernier mufti de la République ? La fonction sera-t-elle maintenue ou disparaîtra avec lui? Toutes les options restent ouvertes. Avec le Cheikh Othman Battikh (17 avril 1941 – 25 octobre 2022), mufti de la République, nous quitte un grand savant de la Zitouna qui s’est acquitté de sa mission éducative et préservé les fondamentaux de l’école zitounienne tunisienne. Il était connu pour sa tolérance, sa piété et son dévouement, particulièrement à sa mère, ainsi que son attachement aux nobles valeurs qui ont toujours été les siennes. Les enseignements reçus de ses maîtres ont constamment guidé ses pas dans les diverses fonctions qu’il avait occupées au sein de la magistrature, ou dans l’enseignement ou encore à la tête de l’institution de l’Iftaa et en tant que ministre.
Cheikh Othman Battikh avait commencé ses études à l’école primaire franco-arabe de Tunis avant de s’inscrire en 1956 à l’enseignement charaïque zitounien à la mosquée Saheb Ettabaa. Il ira ensuite au lycée secondaire zitounien Ibn-Khaldoun où il obtiendra Al halia, puis Attahsil, en 1963. Mais il se décidera de poursuivre des études universitaires en droit à l’Ecole supérieure de droit, où il a été le disciple d’illustres enseignants dont Cheikh Fadhel Ben Achour. Ayant décroché sa licence en 1967, il réussira au concours de recrutement de magistrat et sera affecté en qualité de juge au tribunal de première instance de Tunis (1968-1971).
Sans s’y attarder longtemps, Cheikh Othman Battikh préfèrera renoncer à sa carrière de magistrat pour retourner sur les bancs de l’université à la faculté de la Zitouna. Il y obtiendra une licence en fikh (1972), un doctorat de troisième cycle et un doctorat d’Etat (1982), ce qui le hissera au rang de professeur de l’enseignement supérieur.
Parallèlement à ses études, Cheikh Battikh se portera volontaire pour conduire la prière, notamment celle du Sobh, à la mosquée de la Zitouna, où il sera désigné plus tard troisième imam (2002-2010) et imam de la Jomoaa à la mosquée Mehrez Ibn Khalaf, puis à celle El Abidine à Carthage.
En 2008, Cheikh Othman Battikh sera nommé mufti de la République, succédant à Cheikh Kamel Eddine Djaiet, qui avait exercé ces fonctions de 1998 à 2008, et l’avait recommandé pour cette charge. Il en sera le digne successeur. Cheikh Battikh exercera ses fonctions jusqu’en 2013, lorsque le président provisoire de la République, Moncef Marzouki, le limogera. En 2015, il sera nommé ministre des Affaires religieuses dans le gouvernement Habib Essid. Il se distinguera au cours de son mandat notamment par sa détermination à libérer la mosquée Zitouna de l’emprise de Hassine Laabidi qui l’avait occupée et usurpé sans droit son imamat. Il y rétablira Cheikh Mohamed Cherif. Il en fera de même pour la mosquée Sidi Lakhmi à Sfax, prise par Ridha Jaouadi et Mohamed Affes. En 2016, le président Béji Caïd Essebsi rétablira Cheikh Othman Battikh de nouveau dans ses fonctions de mufti de la République, charge qu’il conservera jusqu’à son décès.
On lui doit une œuvre riche et variée. C’est ainsi qu’il publiera des textes de référence et s’emploiera à recueillir les fatwas, études, articles et recherches de son prédécesseur, Cheikh Kamel Eddine Djaïet, et à veiller à leur publication dans un recueil établi par Mohamed El Aziz Sahli (Editions Dar Sahnoun). Tout en imprimant un nouvel élan à Dar El Iftaa, il la restructurera, créera une page Facebook de l’institution et y publiera ses fatwas. Il reprendra également la parution de la revue trimestrielle «Les Fatwas tunisiennes» qui comprendra des analyses récentes de grande valeur et publiera des textes puisés dans le patrimoine historique, constituant une véritable jurisprudence charaïque.
Cheikh Othman Battikh s’est toujours distingué dans ses fatwas par son adossement à des preuves claires et irréfutables et son attachement à un effort soutenu d’analyse et d’appréciation. Sans cesse, il exhortait ceux qui le consultaient à s’éloigner des allégations propagées par ceux qui ne sont guère aptes à se prononcer légitimement quant à l’interprétation des textes. Sa dénonciation de ceux qui prônent l’extrémisme et le jihad du niqah fera date. D’une immense bonté, il laisse également le souvenir d’un grand érudit.
Allah Yerhamou !
D’après l’hommage rédigé en arabe par Rafâa Ben Achour
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