Fakhreddine Karray, chercheur et entrepreneur de génie, participe à la conception de la station spatiale internationale

Professeur d’ingénierie électrique et informatique depuis 1997 à l’Université de Waterloo en Ontario au Canada, là où ont été, entre autres, pensés le Balckberry de RIM et l’OpenText (utilisé par Yahoo à ses débuts), Fakhreddine Karray est également un entrepreneur accompli avec ses deux entreprises qu’il a  co-créées en 1999 et 2002. L’un des produits de ces entreprises, un système intelligent de reconnaissance vocale,  a été cité dans le top 20 des produits technologiques de la Voice OverIP en 2009. Plusieurs journaux internationaux ont déjà rapporté dans leurs colonnes les succès du Dr Fakhreddine Karray dont AlKhaleej, GulfNews, AlHayat, The Record, Toronto Star, pour n’en citer que quelques uns. Flash-back sur le parcours exceptionnel de ce Tunisien de cœur.

Dans cette boutique de chaussures de la Rue Mongi Slim en plein cœur de la ville de Sfax, un garçon venait passer ici une bonne partie de ses vacances d’été en ce début des années 1970 pour aider son père, Si Othman, un homme respectable, aimé et respecté de tous. Aux heures de faible affluence, le jeune homme se permettait de faire un crochet par la Rue de la Grande Mosquée pour se ruer sur les bouquinistes et lire tout ce qui lui tombait sous la main. Fakhreddine était particulièrement passionné par l’histoire antique, les origines de l’Univers et les biographies des scientifiques. Ses frères et sœurs aînés ont dû longtemps supporter ses questions sur le pourquoi des énigmes de l’espace et de la nature qui nous entoure.

Quant à sa scolarité, Fakhreddine l’effectuera à l’école Anatole-France puis au Lycée Hédi Chaker, plus connu à l’époque par le Lycée de Garçons. Mais cette jeunesse insouciante devait être endeuillée par la mort de Si Othman alors que Fakhreddine n’avait que 16 ans. Le frère aîné, Adel, devait alors prendre, avec succès, les rênes de la famille. Tous les frères et sœurs, Raouf, Slaheddine, Saloua, Samira, Najoua et le jeune Maher, se soudèrent alors autour de leur mère qui, bien que n’ayant pas poursuivi elle-même d’études,  a su leur insuffler la force et le courage d’entreprendre les carrières d’excellence qu’ils ont tous par la suite poursuivi, qui dans la médecine, qui dans l’enseignement universitaire, notamment.

Féru d'astronomie

Son Baccalauréat Maths-Sciences décroché avec brio en 1978, Fakhreddine Karray rejoint les rangs de l’ENIT d’où il ressort ingénieur principal en génie électrique en 1984. Durant ses six années d’études dans cette prestigieuse institution universitaire, dirigée alors par le Professeur Ahmed Marrakchi et qui comptait, entre autres parmi ses enseignants, les Professeurs Refaat Chaabouni et Ahmed Friâa, Fakhreddine s’est distingué dans les activités scientifiques académiques  mais aussi ludiques en intégrant clubs et associations.

En particulier, il a été à la tête du club d’astronomie pendant plusieurs années durant lesquelles lui et ses camarades de l’ENIT ont référencé des centaines d’étoiles et ont développé des tables de prévision des éclipses lunaires et solaires. Durant cette période, il a commencé à développer un algorithme qui vise à prédire, avec une haute précision, le début des calendriers lunaires. Plus tard, il développera ce travail et le présentera en 1987, alors qu’il poursuivait ses études doctorales, dans un symposium international organisé par 48 pays musulmans. Les résultats qu’il avait communiqués alors présentaient de fortes similitudes avec ceux des représentants de la NASA qui avaient participé à ce symposium.

De l’ENIT, Fakhreddine sort brillamment et obtient une bourse de l’Etat tunisien pour poursuivre un Ph-D à la célèbre Université de l’Illinois-Urbana-Champaign aux Etats-Unis. C’est là qu’il soutient son Ph-D à la mi-1989 dans le domaine des Systèmes et Commandes (Systems and Control). Le travail de sa thèse était centré sur les stratégies de contrôle de larges structures dans l’espace que la NASA, qui était dans les premières phases de design de la station spatiale internationale à l’époque, allait utiliser dans la conception de cette station. Par la suite, le Dr Karray travaillera comme chercheur à l’Université de Colombie Britannique dans la conception de certains modules des bras géants robotisés qui ont représenté la majeure contribution canadienne à la station spatiale internationale.

Actuellement, le Dr Fakhreddine Karray est professeur d’ingénierie électrique et informatique depuis 1997 à la Faculté d’Ingénierie à l’Université de Waterloo et directeur associé du centre  des modèles d’analyse et d’intelligence artificielle.  Il est également co-fondateur de deux entreprises dans le domaine des systèmes intelligents dont l’une, la Vestec’s, spécialisée dans les technologies Voice OverIP, est à l’origine d’un produit qui a été très bien accueilli par le monde des télécommunications.

Par ailleurs, le Dr Karray est un auteur prolifique et compte à son actif plus de 250 articles publiés dans des revues et actes de congrès, ainsi que 28 brevets américains dans différents domaines des systèmes intelligents. Il est également co-auteur d’un ouvrage intitulé Soft Computing and Intelligent Systems Design publié en 2004 (par Addison Wesley) et qui aborde  de nouvelles approches de conception des systèmes intelligents. L’ouvrage  a été adopté dans plus de 70 universités à travers le monde.

Dr Karray est aussi éditeur associé de plusieurs revues scientifiques éminentes de sa discipline. Il a présidé et co-présidé plus de 12 conférences internationales  dont celle de l’IEEE sur la logistique et l’automatisme qui s’est déroulée en Chine en 2008 et la conférence internationale sur les systèmes, les circuits et les signaux qui s’est tenue en 2009 en Tunisie. Il est également président de plusieurs sociétés savantes dont certaines sections de l’IEEE.

Son laboratoire de recherche est ouvert aux Tunisiens

En outre, le Dr Karray a été récompensé à plusieurs reprises au niveau national et international. Il a été ainsi reçu deux fois par le Président de la République et a aussi  obtenu  deux médailles présidentielles pour sa contribution aux connaissances scientifiques et pour son rôle de leadership au niveau de la TSS (Tunisian Scientific Society) qu’il a co-créée dans les années 1980 alors qu’il était encore étudiant en doctorat avec d’autres étudiants tunisiens aux Etats-Unis et au Canada. Cette association a permis de drainer plusieurs manifestations scientifiques en Tunisie depuis la fin des années 1980. Dans ce sillage, en Avril 2000, Dr Karray et plusieurs autres scientifiques arabes ont créé la Fondation Arabe des Sciences et Technologies (Arab Science and Technology Foundation) à Sharjah aux Emirats Arabes Unis. Cette fondation, dont il est membre du Conseil et directeur des activités scientifiques, compte 12.000 scientifiques arabes et a déjà organisé plus de 200 activités scientifiques partout dans le monde.

Fakhreddine Karray, qui vit actuellement en Ontario avec sa femme, Néïla, et ses trois enfants, Amir, Malek et Bacem, âgés respectivement de 16, 11 et 5 ans, montre par ses actions qu’il est possible de poursuivre une carrière universitaire au niveau international tout en œuvrant à créer des passerelles entre les différentes universités du Nord et du Sud. Ainsi, il est actuellement en visite parmi nous pour participer au jury de soutenance d’un étudiant tunisien en thèse,  animer un workshop et donner un cours. Il a également invité plusieurs collègues et étudiants tunisiens dans son laboratoire de recherche au Canada, ce qui leur a permis de publier des travaux scientifiques conjoints.

Un exemple d’une carrière qui ne connaît pas les frontières …

Anissa BEN HASSINE