Décret-loi sur la conciliation pénale et l’affectation de ses ressources: Une lecture analytique de Najet Brahmi Zouaoui
1 - Le 20 mars 2022, le Président de la République a rendu publics trois décrets-lois portant respectivement sur la conciliation pénale et l’affectation de ses ressources, la lutte contre la spéculation illégitime et les sociétés communautaires. Renvoyant tous à des décrets d’application, ces trois textes devaient attendre la promulgation de ces textes pour être appliqués. Le décret-loi n°2022/13 est enfin en phase d’application vu la mise en place de ses textes d’application dont notamment le décret présidentiel portant création de la commission nationale de la conciliation pénale. Quelles sont les fonctions de cette commission et comment œuvre-telle ? Sa mission est-elle limitée dans le temps ou susceptible de prolongation ? Qui sont ses membres et doivent-ils répondre de conditions bien spécifiques ? Telles ne sont pas, au vrai, les seules questions que soulève le décret-loi n°2022/13 relatif à la réconciliation économique. D’où l’intérêt d’une lecture analytique des principales dispositions de ce texte.
2 - Composé de 49 articles, le décret-loi n°2022/13 règlemente la conciliation pénale ainsi que l’affectation de ses ressources en cinq titres respectivement intitulés : Dispositions générales (titre 1er), de la conciliation pénale (Titre 2), de l’affectation des ressources de la réconciliation économique (titre 3), l’exécution de la conciliation pénale ainsi que ses effets (titre 4) et le suivi des conventions de la conciliation et de la réalisation des projets dans les régions (titre 5).
3 - Dans les dispositions générales du texte, le législateur définit l’objet du présent décret-loi, la conciliation pénale ainsi que ses effets. L’article 1er prévoit dans ce sens que «le présent décret-loi fixe les procédures de conciliation avec l’Etat. Une réconciliation pénale dans les infractions économiques et financières, faits, actes et pratiques ayant entraîné des avantages illégaux ou illicites et produit un préjudice financier à l’Etat, aux collectivités locales, aux entreprises, établissements et organismes publics ou tout autre partie, et ce, en consécration du principe de la justice pénale réparatrice». Et l’article 2 de définir l’objectif de la conciliation pénale qui consiste à «substituer l’action publique ou les poursuites, procès, peines et réquisitions y découlant, qui ont été ou devant être présentés au profit de l’Etat ou de l’un de ses établissements ou quelconque autre partie, et ce, par le paiement de sommes d’argent ou la mise en œuvre des projets nationaux, régionaux ou locaux selon que de besoin». La conciliation économique profite «à toute personne physique ou morale à l’encontre de laquelle une sentence ou des jugements à caractère pénal ont été prononcés ou qui a fait l’objet d’un procès pénal ou de poursuites judiciaires ou administratives ou qui a accompli des actes pouvant entraîner des infractions économiques et financières. Elle concerne également toute personne physique dont les procédures de confiscation et de récupération des biens de l’étranger n’ont pas été accomplies conformément aux dispositions du décret-loi n°2011/13 du 14 mars 2011 tel que modifié par le décret-loi n°2011/47 du 31 mai 2011» (article 3 du décret-loi).
4 - Le décret-loi n°2022/13 confie la tâche de la mise en œuvre de la conciliation pénale à la Commission nationale de conciliation pénale telle que régie par son titre 2. La commission œuvre sous tutelle de la Présidence de la République et est investie de plusieurs prérogatives dont celle d’avoir accès directement à tous les documents, informations et autres justificatifs des parties concernées. Elle peut à cet effet faire appel à la force publique, conformément à la législation en vigueur» (article 16). La commission est aussi chargée d’arrêter la liste des concernés par la réconciliation pénale pour les actes commis avant le 14 janvier 2011 et jusqu’à la publication du présent décret-loi au Journal officiel de la République tunisienne et les invite à déposer une demande de conciliation dans les 15 jours suivant leur convocation» (article 21).
5 - La Commission nationale de conciliation pénale procède aux investigations nécessaires et effectue des expertises chaque fois que de besoin» (article 24). Elle propose la conciliation au demandeur et négocie avec lui la valeur des montants à payer dans le cadre de la réconciliation pénale. En cas d’accord, la conciliation est conclue dans la limite du montant des sommes détournées, de la valeur de l’avantage acquis ou du montant des dommages causés aux fonds publics tels que déterminés par la commission» (article 26). Le demandeur de la conciliation pénale doit signer le P.-V. de la conciliation séance tenante.
6 - Le contrat définitif de conciliation ne peut être conclu avec la Commission nationale de conciliation économique qu’après dépôt de l’intégralité des fonds mentionnés dans la convention de conciliation dans le compte spécial ouvert au sein de la Caisse de l’Etat conformément à l’article 38 du présent décret-loi» (article 28). Ces fonds sont affectés au financement de de la mise en œuvre de projets de développement en s’appuyant sur la spécificité des régions, les besoins des populations, les priorités nationales et locales et les objectifs fixés dans les plans de développement» (article 30).
Najet Brahmi Zouaoui
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