Aïssa Baccouche: A fleurets mouchetés (I)
Avec un orientaliste obtus
Les représentations de l’Orient que vous réactivez ont été admirablement démontées par Edward Saïd dans son ouvrage sur l’orientalisme.
«L’Occident, écrit-t-il en substance, est prêt à accepter l’Orient à la seule condition qu’il se présente à plat ou à genoux». Alors, ne vous emballez pas? L’humilité, vous en convenez, est une vertu des hommes d’esprit et parfois des hommes de pouvoir.
Le président Roosevelt (1882-1945) s’était adressé au poète libanais Gibran (1883-1931) émigré aux Etats-Unis et auteur, entre autres de «tempêtes» : «Vous êtes la première tempête qui nous arrive d’Orient. Mais cette tempête n’amène à nos rivages que des fleurs».
Mohriz Ibn Khalef (954-1022) l’apôtre de la tolérance naquit à une époque où un juif, Hasdaï Ibn Shaprut, était ministre des affaires étrangères du calife Omeyade en Andalousie, Abderrahmane III dit le victorieux (912-961).
A Cordoue, capitale des arts, des sciences et de la connaissance, les musulmans, les juifs et les chrétiens, s’enrichissaient de leurs différences et participaient à l’éclosion d’une civilisation condensée.
Un brassage culturel a donné ainsi vie à une esthétique resplendissante et un art d’une pureté portée aux cimes du raffinement.
Cette harmonie résulta de la symbiose des trois religions du livre dans une coexistence fructueuse.
C’est jacques Berque (1910-1985) qui a, un jour, appelle à «des andalousies toujours recommencées dont nous portons en nous à la fois les décombres accumulés et l’indissociable espérance».
Avec un futurologue tunisien
Je disais hier que le monde va mal. A la lumière du diagnostic ainsi établi, je me reprends et déclare que le monde est en danger de mort.
Les grandes manœuvres qui se déploient au pôle Nord sont annonciatrices de lendemains que déchantent.
Une nouvelle guerre froide couve sous le soleil.
La fonte des glaces, comme tous les malheurs, a quelque chose de bon. Les changements climatiques ne font pas que de malheureux.
Les maîtres des grandes puissances vont manifestement mettre à profit ces changements et leurs répercussions soit pour damer le pion à leurs rivaux, soit pour étendre leur puissance. Mais, là où le bât blesse, c’est quelles seront les grandes puissances en 2050?
Moi, qui considère, à tort peut être, Ibn Khaldoun comme un maître à penser, je ne miserai pas un dollar sur l’ogre américain d’aujourd’hui.
En revanche, je crois que le vent se lève à l’Est et que la Chine, risque de coiffer tout ce beau monde.
Ainsi va l’histoire. Elle est en rapport étroit avec la géographie on plutôt avec le géopolitique.
Dans votre adresse, si brillante par ailleurs, il manque, à mon goût, un rappel historique. Je ne parle pas de l’histoire des temps modernes mais celle des temps anciens.
L’archéologie peut nous être utile. En l’interrogeant, l’on pourrait trouver des situations analogues et peut être mieux interpréter l’histoire immédiate.
L’avènement de la Méditerranée suite à une dynamique géologique ressemble comme deux gouttes d’eau à l’émergence des voies de l’Arctique.
Alors, éternel recommencement. C’est que, depuis le big-bang c’est-à-dire plus de 14 milliards, ça dure.
La terre n’a pas cessé de tourner, mal ou bien, mais comme disait l’autre, elle tourne.
Avec un premier ministre français
On prétend que les poètes sont des gens rêveurs. Et alors ! Un personnage, comme le général de Gaulle, qu’on ne peut soupçonner de dire des balivernes, a bien écrit dans ses mémoires que «la gloire appartient à tous ceux qui l’ont rêvée».
Vous qui êtes poète à vos heures gagnées sur la politique, avez eu la gloire et le pouvoir. Vous les recouvrirez probablement un jour. Mais n’anticipons pas et revenons à nos moutons.
Dans votre adresse, magistralement clamée et émaillée d’envolées lyriques dont vous êtes coutumiers depuis votre tirade gaullienne à Manhattan-city à la veille du Bush-bang à Saddam-City, vous avez esquissé les concours d’un pôle pan-européen qui ferait pendant au pôle émergent à l’Est.
En bon gaulliste vous incluez la Russie puisque le Général avait l’habitude de rappeler que l’Europe commence à la Manche et se termine à l’Oural.
Or la Russie fait partie, j’aillais dire fait bloc, avec la Chine, l’Inde et le Brésil, de ce qui est communément appelé le BRIC.
D’autre part, vous convoitez dans votre schéma, la Turquie. Or celle-ci semble, par dépit et / ou par orgueil, regarder ailleurs.
Alors, compte tenu de ce qui précède, pensez-vous, Mr le premier ministre de la France de Chirac, que votre carte du vieux continent, ainsi étalée, puisse tenir la route?
Aïssa Baccouche
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