Pourquoi les bébés animaux marchent tôt alors que les bébés humains marchent tard?
Par Professeur Mahmoud Dhaouadi - Sociologue- Université de Tunis.
L’absence de l’étude du phénomène en question
Cet article étudie un phénomène que ni le grand public ni les scientifiques en Occident et en Orient oseraient poser des questions sur son origine malgré qu’il s’agit d’un phénomène qui est à la portée de l’observation de tout le monde! Ce dernier est bien au courant que les bébés humains commencent à marcher trop tard par rapport aux bébés animaux. Mais, c’est la faible curiosité humaine du pourquoi qui y règne partout. Evidement, Il y a certains rares curieux qui se sont posés la question sur le pourquoi de cette différence entre les bébés animaux et humains, mais nous croyons que c’est plus rare encore de trouver ceux et celles qui ont abouti à l’explication que nous offrons ici.
L’étude de l’Homme par les sciences sociales et exactes
La majorité des gens ne se pose pas la question que soulève le titre de cet article, malgré son importance autant pour la curiosité humaine que pour la science. Quant à la réponse crédible à cette question, elle est plutôt à la portée des sciences sociales que celle des sciences dites-exactes. D’abord, personne ne conteste le fait qu’en moyenne les enfants humains ne peuvent pas marcher que lorsqu’ils célèbrent leur premier anniversaire alors que les animaux marchent à la naissance ou dans quelques heures ou jours après leur naissance. Cette simple observation intrigante parait banale et philosophique pour la plupart des humains. Faute de curiosité, ils n’arrivent pas souvent à poser une question sur la raison qui empêche les enfants de pouvoir marcher tôt comme les nouveaux nés des animaux. En effet, je trouve que la question est assez embarrassante quand je la pose à des spécialistes dans le domaine tels que les biologistes et les médecins. L’embarras vient du fait qu’ils ne connaissent pas vraiment la réponse, parce qu’ils sont privés de formation académique crédible portant sur l’Homme en tant qu’un être culturel. Ils se limitent souvent plutôt à l’étudier seulement comme un simple être biophysiologique. Donc, la dimension culturelle humaine de l’Homme ne fait pas vraiment partie du système éducatif des biologistes, des physiologistes et des médecins Par conséquence, ils sont fréquemment portés à donner à cette question embarrassante des explications biophysiologiques peu fiables.
Y a –il un lien entre les traits humains uniques?
Pour cerner le rôle du culturel dans le retard de la marche chez les enfants, on adopte une simple démarche de recherche de deux étapes:1- ce retard est-il unique aux humains ? Et 2- y a-t- il aussi un autre trait unique à ceux-ci. D’une part, l’observation donne une affirmation catégorique à la question 1. D’autre part, l’analyse montre ce que j‘appelle les Symboles Culturels/SC (le langage, la pensée, la religion, la connaissance/ la science, les lois, les mythes, les valeurs et les normes culturelles) sont plutôt aussi des traits uniques à la race humaine. D’où, une hypothèse s’impose : existe-t-elle une relation entre 1&2 qui sont uniques pour les humains ? La réponse à cette question nécessite une compréhension du rôle des SC/la culture chez les humains. La lente croissance corporelle humaine et, par conséquence, le retard de la marche chez les bébés humains pourraient s’expliquer par le fait que la croissance humaine englobe deux fronts : le front biophysiologique et celui des SC. Par contre, les croissances corporelles des autres espèces sont de nature rapide due à l’absence des SC dans les espèces non-humaines. Ceci implique que chacun de ces deux niveaux de croissance humaine retarde le processus de la rapidité de l’autre. En d’autres termes, la croissance des SC chez les humains retarde la capacité des enfants humains de pouvoir marcher tôt comme les jeunes animaux.
L’influence globale des SC
En plus, l’impact des SC/la culture sur l’identité des humains va beaucoup plus loin que le simple retard de la marche des enfants. Il a un effet global sur les humains. Les SC nous permettent de dire que l’Homme est un être culturel. Cette affirmation est basée sur un nombre de constatations majeures sur cinq caractéristiques dont se distingue l’espèce humaine et qui nous aide, par conséquence, à expliquer la relation entre le retard de la marche chez les enfants humains et leur système des SC:
1- La croissance corporelle des humains se caractérise par une grande lenteur comparée à celles des autres êtres vivants.
2- En général, les humains ont une espérance de vie plus longue que celles de plusieurs des autres espèces.
3- L’espèce humaine est distincte radicalement des autres espèces vivantes par son rôle dominant dans ce monde.
4- Les humains se distinguent d’une façon décisive par Les Symboles Culturels (SC).
5- L’identité humaine est faite de deux composantes: le corps biophysiologique et les SC. Elle est une identité bidimensionnelle, alors que les identités des autres espèces sont plutôt unidimensionnelles (biophysiologiques).
La question légitime qui se pose maintenant est la suivante: y a-t-il, d’une part, des liens entre ces cinq caractéristiques humaines et, d’autre part, est-ce que ces liens permettraient-ils de montrer que l’Homme est à priori un être culturel ?
D’abord, il existe une relation directe entre 1 et 2 parce que la lente croissance corporelle chez les humains exige nécessairement une espérance de vie plus longue pour que se réalisent les différentes et les diverses phases de la croissance et de la maturation humaines. Ainsi, le lien entre les deux (1 et 2) est de nature causale.
Quant à l’identité humaine bidimensionnelle, elle est aussi le résultat direct du corps humain (la composante biophysiologique), d’un coté t, et la composante culturelle (SC) de l’autre.
La recherche d’une relation entre la domination de l’Homme dans le monde et ses autres quatre traits distincts montre bien que les facteurs 1 et 2 ne le prédisposent pas d’être le maître dominant unique dans ce monde sur les autres espèces. Etant donné, par exemple, que l’Homme est plus faible physiquement que plusieurs autres espèces. D’où on pourrait faire l’hypothèse que la domination de l’espèce humaine vient directement des caractéristiques 3 et 4 déjà soulignées: l’identité humaine bidimensionnelle et les SC. Sachant que ces derniers (SC) constituent le facteur commun de ces deux caractéristiques (3 et 4) humaines.
Le tableau suivant résume la centralité des SC dans l’entité humaine.
La lacune des sciences dites-exactes
La négligence de la physiologie et de la biologie et, donc, de la médicine de tenir compte des traits culturels/ les SC dans les études des humains ne se limite pas seulement à la lente croissance de ceux-ci qui est derrière leur incapacité de pouvoir marcher tôt comme les animaux. Cette négligence se manifeste aussi dans l’étude du cerveau humain. Ce dernier est strictement étudié en tant qu’un organe biophysiologique et neurologique, alors que le cerveau humain est le centre des SC selon les perspectives des sciences sociales et cognitives modernes. En d’autres termes, les biologistes, les physiologistes et les médecins de notre temps étudient le cerveau humain sans y payer attention à la présence des SC qui occupent une place centrale dans l’identité humaine et jouent un rôle principal par rapport à la domination incontestable de l’espèce humaine sur la terre.
En contraste à ces sciences dites-exactes, les sciences de l’Homme surtout l’anthropologie et la sociologie et la psychologie donnent une importance majeure aux traits culturels dans leurs études des comportements individuels ainsi que collectifs dans les sociétés humaines. Les sciences dites- exactes sont vraiment loin d’être ainsi, parce qu’elles étudient les humains tout à fait vides des SC, alors que ceux-ci humanisent et distinguent la race humaine de toutes les autres espèces et la donnent une supériorité remarquable. D’où, la vision de ces sciences dites-exactes comporte tant de risques qui empêchent d’avoir une compréhension plus équitable des humains. Cet état des choses devrait inviter ceux et celles qui sous-estiment le rôle essentiel des sciences sociales, dans les sociétés à la fois développées et en développement, à réviser leurs points de vue afin de rendre aux sciences de l’Homme leur légitimité ainsi que leur crédibilité dans les sociétés d’aujourd’hui. D’où, le besoin du bon usage conjoint à la fois de plusieurs sciences (l’interdisciplinarité) devient l’alternative nécessaire et sage que les sciences modernes devraient adopter afin d’avoir des meilleures compréhensions des phénomènes.
Professeur Mahmoud Dhaouadi
Sociologue- Université de Tunis
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