Malek Ellouze & Inès Chtourou: La musique en Lettre au paradis
Revisiter la grande musique arabe classique, l’enrichir et la mettre au goût du jour : Malek Ellouze en fait sa passion, sa mission. Cet ingénieur en génie industriel de formation, et diplômé du conservatoire national de musique, banquier et dirigeant d’entreprise de profession, cultive un grand talent qui n’a cessé de s’affirmer au fil des années. Luthiste, compositeur, il avait affiné son don auprès de grands maîtres, Ali Hachicha, Taoufik Triki et Habib Darguech à Sfax et puis Ali Sriti à Tunis, et donné libre cours à sa vocation au sein du Club Farabi. A 57 ans, avec un riche répertoire de compositions et de grands concerts du Club en Tunisie, à Paris, au Caire et ailleurs, Malek Ellouze pose ses marques. Sa récente prestation partagée avec Inès Chtourou, le 29 mars 2023, avec l’Orchestre symphonique de Tunis, devant une salle archicomble au théâtre de l’Opéra à la Cité de la Culture de Tunis, constitue une véritable apothéose dans son parcours. Intitulé «Lettre au paradis», il porte un message pluriel.
Tout y est dans la symbolique. Perpétuer et partager, mais aussi innover et séduire : le concept est soigneusement décliné. Malek Ellouze et Inès Chtourou ont veillé au moindre détail. Au programme, des compositions pour la plupart présentées pour la première fois ainsi que des chansons revisitées du patrimoine musical classique arabe.
Fort d’une cinquantaine de musiciens triés sur le volet, pour la plupart des jeunes, sous la direction de Racem Dammak, 26 ans, une grande révélation confirmée, l’Orchestre symphonique de Tunis était à l’excellence. Trois invités y ont été associés: Mohamed Ben Salha à la flûte, la jeune prodige Mariem Bayoudh à la cithare pour un bref passage avant de céder la place au talentueux Hatem Frikha. L’arrangement a été assuré par Chady Dammak, 31 ans, un virtuose prometteur lui aussi.
De multiples émotions
Le décryptage est intéressant. Malek Ellouze est dans l’innovation (musicale), et la transmission (en encourageant des jeunes). «Je suis impressionné, confie-t-il à Leaders, par cette magnifique jeunesse, que je rencontre un peu partout en Tunisie, férue de musique arabe classique, sensible à notre héritage, et très motivée pour le porter, en y apportant une nouvelle lecture. Le concert ‘’Lettre au paradis’’ en offre une nouvelle illustration».
Ce projet musical, Malek et Inès l’ont conçu, comme un message à ceux qui nous ont quittés, parents, proches et tous, en souvenir, en hommage et pour leur dire que les mêmes valeurs héritées sont conservées, transmises. «Les mélodies expriment de multiples émotions. Les phrases, riches en notes, sont structurées sur des rythmes variés. Le projet est composé de morceaux, d’inspirations différentes, où le vocabulaire arabe est toujours mis en valeur.»
L’ouverture du concert a été assurée par Racem Dammak, avec une nouvelle composition à lui, intitulée «Espoir». Après, une «Farandole» de la composition de Malek, une marche pour luth et orchestre en mode Nahawand, dont la cadence s’apparente à une danse provençale, Malek Ellouze dédie à sa maman qui l’avait initié à la musique un Samâï Hijaz intitulé «Ommi». Sur le même élan, il gratifie le public d’une Lounga Hijâz Kâr, sous le titre de «Ma Muse», un clin d’œil à son épouse, faisant de multiples escapades vers des modes voisins du mode principal Hijâz Kâr.
Malek s’attaque en «Causerie» à un dialogue musical entre plusieurs instruments, dans un morceau construit sur un rythme de 6/8, alternant les modes Nahawand et Kordi, avant de livrer une «Danse du désert», une petite balade en mode Nahawand. L’avant dernière composition n’est autre que «Lettre au paradis». «Que peut-on leur offrir de mieux si ce n’est de poursuivre leur noble mission», ponctue Malek. De la très haute voltige: l’émotion est forte, l’émerveillement est total.
C’est le moment pour Inès Chtourou d’y ajouter avec sa voix suave, et une présence impressionnante, une note exceptionnelle. Enseignante universitaire de profession et diplômée en musique, elle est un pur produit du Club Farabi.
Inès est tout simplement magistrale. En vraie diva, elle excelle dans des tours de chant fort exigeants, sur une composition de Lotfi Bouchnak et autres chef-œuvres oubliés de deux grandes dames de la musique arabe: Souad Mohamed et Fathiya Ahmad. Sa voix invite à un voyage de rêves et de bonheur. Le concert se termine avec un hommage à Asmahan et Farid El Atrache. Le public est conquis.
Des jeunes très prometteurs
Revenant sur le making-of de ce concert, Malek Ellouze révèle qu’il y a pensé lors des confinements successifs du Covid, parvenant à y rallier de jeunes musiciens talentueux, tous des virtuoses. Le travail n’a pas été facile, surtout qu’il fallait tout écrire, allant jusqu’à 12 lignes écrites pour chaque morceau. La mission de Chady Dammak, qui a assuré l’arrangement, a été fort exigeante. Les répétitions et les enregistrements en studio, ainsi que la direction de l’orchestre sous la maestria de Racem Dammak, devaient s’effectuer avec beaucoup de soin et de talent. Mohamed Bouslama, chef de l’Orchestre symphonique de Tunis, a eu l’élégance de céder sa baguette à Racem qui a été absolument génial, réussissant à mener harmonieusement une cinquantaine de musiciens.
Et maintenant ? La réussite de ce concert lui ouvre de belles perspectives en Tunisie et à l’étranger. Malek Ellouze et Inès Chtourou sont confiants: «Plusieurs festivals sont à l’affût de projets de ce genre», concluent-ils.
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