Djerba, patrimoine mondial: Tout commence
Il aura fallu que la Tunisie œuvre pendant 26 ans pour obtenir une nouvelle inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Après le site archéologique de Dougga (en 1997), c’est le patrimoine de l’île de Djerba qui vient d’être adopté, parmi une cinquantaine de sites proposés, par le Comité du patrimoine mondial, le 18 septembre dernier lors de sa 45e session réunie à Riyad, en Arabie saoudite. Le dossier présenté par la Tunisie s’intitule «Djerba : paysage culturel, témoignage d’un mode d’occupation d’un territoire insulaire». L’étendue porte sur 31 éléments constitutifs parmi lesquels sept sont des sites et vingt-quatre des monuments. Parmi les sites, cinq représentent des portions de groupements ruraux de houem – Temlel Khazroun, Sedghiène, Guechéine et Mejmej, les vestiges de Hara Sghira, un quartier résidentiel juif, des parties du centre historique de Houmt-Souk et le bazar voûté Souk Erbaa. Quant aux lieux de culte de différentes religions, ils concernent vingt-deux mosquées de types et de rites différents, la synagogue La Ghriba et l’église Saint-Nicolas.
Avec le ministère des Affaires culturelles et l’Institut national du patrimoine, l’Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba (Assidje) s’est déployée, depuis sa constitution il y a 47 ans, en 1976 pour l’aboutissement de ce projet. «La valeur universelle exceptionnelle tant escomptée pour le dossier de candidature, souligne-t-elle, est constituée à la fois d’établissements humains et de paysages culturels, témoins d’un mode éminent d’occupation du sol et de la longue et intime relation entre les Djerbiens et leur environnement… Ce patrimoine inestimable doit être impérativement préservé et valorisé dans les meilleurs délais.»Le cadre exceptionnel de l’île est mis en valeur, tout comme son histoire, la coexistence entre les religions, les divers monuments (mosquées fortifiées ibadites, églises et synagogues, dont La Ghriba, la plus ancienne d’Afrique), et les caractéristiques naturelles. Aussi, «l’organisation spatiale du territoire de l’île, les houem avec les menzel qui s’articulent autour d’un houch avec les installations de production associées, les habitats de type urbain de l’île, le réseau hiérarchisé de routes qui reliaient les éléments structurels du schéma d’occupation des sols de Djerba, les zones vertes de l'île (jnen, ghaba, fraoua), les zones côtières inhabitées, l’architecture religieuse» constituent-ils des éléments significatifs.
Prestige et engagement
L’inscription sur la liste du patrimoine mondial est à la fois un prestige et un engagement à la préservation du site, à travers le renforcement de sa protection, de sa conservation et de son développement. Le label obtenu ouvre la voie au bénéfice de l’assistance technique et de financements auprès du Comité du patrimoine mondial (Unesco), mais aussi d’autres sources bilatérales. L’élaboration de requêtes et un plaidoyer en leur faveur sont, en effet, nécessaires afin d’accéder à cet appui indispensable à la réalisation des projets. Si l’emblème du Patrimoine mondial vaudra à Djerba une plus forte attraction en tant que destination touristique, il lui appartient désormais de s’appuyer sur ce statut afin d’engager toute une nouvelle dynamique de protection et de développement. Il s’agit d’y rallier les pouvoirs publics, la société civile et l’ensemble de la population.La toute première étape consistera à expliquer la portée de cette inscription sur la liste du Patrimoine mondial et des opportunités qu’elle offre. La deuxième étape est celle d’identifier les différents projets à réaliser, de les estimer financièrement et de les programmer. Puis, s’engager dans la mise en œuvre.De l’urgent au long terme
D’ores et déjà, les enjeux sont multiples: mettre en place des mesures de conservation urgentes pour préserver certains éléments, assurer une source de financement durable, évaluer la capacité d’accueil de Djerba en tant que destination touristique, prévenir une perte des valeurs naturelles reconnues, et autres. Dans son rapport d’évaluation du dossier de Djerba, le Conseil international des monuments et des sites (Icomos) estime que «d’importantes portions des éléments constitutifs sont dans un état fragile et requièrent une attention urgente. Le paysage culturel de Djerba a radicalement changé depuis les années 1960. Le schéma d’occupation des sols traditionnel en tant que système qui prévalait autrefois à Djerba n’est plus lisible à l’échelle de l’île. Les principaux changements dans l’organisation spatiale du territoire comprennent la dense occupation du secteur nord-est de l’île où s’est développée une zone touristique, la croissance des centres urbains au détriment des établissements à vocation rurale, l’étalement de l’urbanisation le long des principaux axes de transport, et l’occupation de zones autrefois naturelles et préservées.» Des recommandations pratiques sont formulées.Tout commence donc pour ce grand projet de Djerba, site du Patrimoine mondial. La Tunisie, qui a réussi cette inscription, doit œuvrer à son plein accomplissement.
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