News - 14.10.2023

Tunisie: La compensation des produits de consommation de base entre peur et irrésolution

Tunisie: La compensation des produits de consommation de base entre peur et irrésolution

Par Habib Touhami - Depuis les dramatiques «émeutes du pain» survenues en Tunisie entre le 27 décembre 1983 et le 6 janvier 1984, tous les gouvernements du pays, sans exception, sont restés paralysés comme frappés par la foudre, incapables de réformer le système de compensation des produits alimentaires de base. Il s’agit pourtant d’un système inique sur le plan social et contre-productif sur le plan économique. De cela, les pouvoirs publics n’en ont cure, me semble-t-il. Quarante ans après, le problème reste posé par eux en termes de coût pour le budget de l’Etat. Outre la peur de revivre les évènements de 1983-1984, c’est l’incapacité des gouvernements successifs à réformer un système devenu ingérable et perverti qui explique son maintien.

Le coût de la compensation constitue-t-il l’essentiel du problème comme on le prétend ? En 1984, la compensation des produits alimentaires de base aurait coûté 10% du budget de l’Etat et constitué 3,1% du PIB. En fait, les chiffres exacts pour 1984 sont: 1,8% du PIB et 10,4% des dépenses de fonctionnement de l’Etat (source: rapports annuels de la BCT). En 2020, année de non-référence pour les raisons que l’on sait, la compensation des produits alimentaires de base a représenté 4,1% du PIB et accaparé 15% des dépenses de fonctionnement de l’Etat. Forte augmentation insiste-t-on avec ostentation, sauf que le surcoût ainsi enregistré constitue pour une grande part la conséquence directe de la stagflation de l’économie nationale. Il aurait suffi que celle-ci soit un peu plus florissante et le Dinar un peu plus ferme pour que les ratios invoqués perdent toute pertinence.

En tout état de cause, le coût de la compensation des produits alimentaires de base telle qu’elle est pratiquée jusqu’ici ne doit pas décider à lui seul de l’abandon ou du maintien du système. Ce sont les autres conséquences de la compensation telle qu’elle est qui doivent être prises en considération. Il est bien évident en effet que celle-ci a causé des torts énormes à la production agricole et céréalière, aidé au maintien des salaires réels à un bas niveau, encouragé la gabegie et le vol et «légalisé» le détournement d’une partie des transferts sociaux au bénéfice des plus nantis. La seule question qui vaille est donc de savoir si le système de compensation des produits alimentaires de base est réformable dans l’état ou si on doit le remplacer par un système qui achemine la compensation de la compensation via les salaires et les revenus.

Disons-le sans ambages, les défauts du système que l’on vient d’énumérer ne peuvent être corrigés, ni par la coercition et les contrôles, ni par une quelconque plateforme électronique, ni par aucune réforme partielle ou parcellaire. En 1983-84, le pays ne disposait pas des outils et des données statistiques nécessaires permettant de remplacer la compensation en aval par la compensation en amont. De nos jours, ce remplacement reste complexe et techniquement difficile à mettre en œuvre,  mais possible. Pour ce faire, des négociations sociales doivent s’ouvrir pour s’entendre avec les partenaires sociaux sur une solution pérenne au problème, et ce dans le cadre de la politique des prix, des salaires et des revenus. Aucune autre démarche n’est pertinente ou viable à terme.

Habib Touhami
 

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