Abdel Kader Fahem: De Nabeul aux tréfonds de l’Afrique (Album photos)
Après plus de 40 ans en tant qu’expert international auprès de l’Unesco et d’autres agences des Nations unies en Afrique subsaharienne, Abdel Kader Fahem est revenu à sa ville natale, Nabeul, se ressourcer et marquer une pause. Mais aussi partager sa passion pour les arts de l’Afrique subsaharienne. En fait, Kader, comme tous l’appellent, a deux amours: la collection d’ouvrages de référence et celle de reproductions d’œuvres sélectionnées. Une véritable richesse, très précieuse. Depuis des années, Kader avait œuvré pour monter en Tunisie une exposition de certaines pièces de sa collection. L’occasion lui a été finalement offerte cet été à la Galerie Jeelen, de Nabeul, grâce à l’accueil de son directeur, Khaled Fekih, et l’assistance de son fils architecte, Sami Fahem. Un franc succès.
«Les œuvres sélectionnées proviennent de ma collection artistique personnelle, en respectant évidemment la réglementation internationale de l’Unesco pour la sauvegarde du Patrimoine mondial culturel matériel», nous indique Kader. «Je me suis rendu compte de la méconnaissance du public tunisien concernant les réalités de l’Afrique subsaharienne, de son histoire (le berceau de l’Humanité), de ses richesses et potentialités minières, agricoles, énergétiques et humaines. D’où la nécessité de mon engagement pour partager et faire connaître au public tunisien ma connaissance de l’Afrique.», ajoute-t-il.
«Ayant passé la plus grande partie de ma vie en Afrique, j’ai en effet bénéficié d’une opportunité exceptionnelle : celle de vivre, d’exercer, de voyager, de découvrir et d’acquérir des objets quotidiens ou cultuels (masques et statuettes notamment) dans la quasi-totalité des pays africains. J’ai ainsi acquis sur place et tardivement une sensibilité, une formation aux multiples formes des arts d’Afrique. Initialement, ce terme latin (origine berbère ?) désignait l’Africa et date de l’antiquité romaine désignant l’actuelle Tunisie et le Constantinois algérien. Ce terme est repris par les conquérants arabes sous la forme d’Ifriqiya puis par les Européens : Africa pour les anglophones et Afrique pour les francophones.
Nabeul me semblait particulièrement indiquée pour une telle exposition puisque c’est ma ville natale, héritière du site romain de Neapolis, une cité réputée pour ses artisans potiers, nattiers, sculpteurs et ses dentellières…
Ma motivation pour cette exposition: une lutte contre le racisme, la xénophobie aggravés ces derniers temps par l’afflux de migrants noirs subsahariens fuyant leur patrie au risque de la mort comme leurs compagnons clandestins tunisiens. Ma conception de l’expo : une vision tunisienne ou même nabeulienne, en raison de la présence à Nabeul d’un institut des beaux-arts et d’un centre professionnel des arts du feu.»
Un parcours pluriel
Je me considère d’abord comme un Africain, un Tunisien de naissance. Sur le plan culturel, je me considère comme un arabo-musulman, occidentalisé, ouvert sur le monde dans sa diversité linguistique, religieuse…
Je suis né en 1937 à Nabeul, 86 ans révolus, donc le produit d’une époque particulière sur le plan politique et social: un sujet né dans la Régence Beylicale sous protectorat français, puis citoyen d’un Etat devenu indépendant avec comme président Habib Bourguiba, un grand visionnaire, puis un citoyen du monde.
Une scolarité primaire à l’école franco-arabe de Nabeul, avec l’obtention du certificat, un titre prestigieux à l’époque pour les garçons, ce qui signifie exemption du service militaire et possibilité d’accès à la fonction publique.
Une scolarité secondaire à Tunis, au Collège Sadiki : une formation multilingue, multidisciplinaire, bénéficiant de professeurs tunisiens et français très qualifiés. Après avoir obtenu en 1955 le diplôme de fin d’études du Collège Sadiki puis décroché en juin 1956 le baccalauréat français délivré par l’Académie d’Alger, j’ai été admis à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Tunis, créée en octobre 1956. J’appartiens ainsi à la première promotion de professeurs d’histoire-géographie (6) formés en Tunisie, avec des enseignants français, à l’exception de Habib Attia.
Puis, j’ai acquis un diplôme d’études supérieures (DES) de géographie à la Sorbonne (Paris). Quelques années plus tard, je suis revenu à l’université, cette fois en tant qu’étudiant à Bordeaux (1965) pour le concours d’agrégation français de géographie-histoire.
Je me suis plus tard inscrit à quatre sujets de thèse de doctorat : le premier portant sur une région et une tribu (Bled el Khmirs), puis un sujet sur l’énergie au Zaïre, puis un thème relatif à la Mauritanie, et enfin une thèse sur le continent africain. Pour chaque thèse, j’ai entamé des recherches de terrain et en bibliothèque. Par ailleurs, ma défunte épouse avait elle aussi commencé une thèse de 3e cycle en géographie portant sur l’agriculture traditionnelle et les marchés vivriers au Zaïre. J’ai dû interrompre tous ces projets de thèse en raison des fréquents changements de poste ou d’affectations dans le cadre du système des Nations unies.
J’ai dû renoncer à toute ambition doctorale puisque l’enseignement de la géographie a été arabisé et que mon niveau en cette langue était insuffisant ou obsolète. Je suis ainsi resté un éternel étudiant, un éternel chercheur: Atlob el ‘Alm mina el mahd ila el lahd (Recherche le savoir du berceau à la tombe !»
Ma carrière d’enseignant, puis d’expert
J’ai commencé ma carrière d’abord comme professeur au Lycée de garçons de Sousse (1959-1964), puis professeur au Collège Sadiki, puis maître-assistant à la faculté des Lettres et Sciences humaines de Tunis.
Une nouvelle vie commencera pour moi en 1968 quand j’ai été recruté comme expert international par l’Unesco (Paris). J’étais ainsi détenteur d’un passeport diplomatique des Nations unies, un passeport bleu sans mention de nationalité…
Ma première affectation sera à l’Ecole normale supérieure (ENS) de Dakar, installée à l’avenue Bourguiba. Son directeur n’était autre qu’Ahmed Mahtar Mbow qui sera plus tard le premier Africain élu directeur général de l’Unesco. J’irai ensuite à Butaré au Rwanda, puis au Zaïre (RDC) à Kinshasa, puis à Kisangani puis en Mauritanie à l’ENS de Nouakchott.
Par la suite, j’ai été recruté par le Pnud comme expert en planification régionale au Sénégal (Dakar), au Zaïre (Kinshasa), et au Togo (à Dapaong, Lama Kara et Lomé) où j’étais directeur de l’Atlas de développement régional de ce pays. Ma carrière s’est poursuivie comme expert par la Coopération française à Kinshasa où j’ai assumé la direction et la publication de l’Atlas du Bas-Zaïre. Dernier engagement, par le Fnuap, comme conseiller régional pour l’Afrique, basé à Abidjan.
A la fin de cette mission, j’ai pris ma retraite. En fait, j’ai entamé une période de consultations internationales, de participation à des congrès, de voyages personnels aux quatre coins du monde, des consultations bénévoles pour de multiples agences : Unesco, Pnud, Dtcd, FAO, Unep, Fnuap, BIT.
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