News - 05.01.2024

Les obligations de la puissance occupante au regard du droit international humanitaire: à propos du conflit israélo-palestinien

Les obligations de la puissance occupante au regard du droit international humanitaire: à propos du conflit israélo-palestinien

Par Mahmoud Zani - Depuis juin 1967, année de l’occupation par Israël du Territoire palestinien (Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza), le conflit israélo-palestinien ne cesse de marquer les relations internationales. Il a pris une dimension tout à fait particulière suite à l’attaque perpétrée par le groupe Hamas en Israël, le 7 octobre 2023, faisant des milliers de victimes parmi la population civile et des prises d’otages. En réplique, Israël a décidé de mener une véritable guerre contre le groupe Hamas et ses dirigeants et d’encercler totalement la bande de Gaza. Suivent des bombardements intenses qui ont fait de nombreuses victimes civiles, notamment des enfants.

Tenant compte de la situation humanitaire dramatique dans la bande de Gaza, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté, le 27 octobre 2023, lors de sa dixième session extraordinaire d’urgence, la résolution sur la «Protection des civils et respect des obligations juridiques et humanitaires» (A/ES-10/L.25) par laquelle elle condamne «tous les actes de violence dirigés contre des civils palestiniens et israéliens, notamment tous les actes de terrorisme et les attaques indiscriminées, ainsi que les actes de provocation, les incitations et les destructions»; et se déclare «gravement préoccupée par la situation humanitaire catastrophique qui règne dans la bande de Gaza et par ses vastes conséquences sur la population civile, largement constituée d’enfants, et soulignant l’importance d’un accès humanitaire total, immédiat, sûr, durable et sans entrave». Par ailleurs, l’organe plénier de l’ONU «prie instamment toutes les parties de s’acquitter immédiatement et pleinement des obligations que leur impose le droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne la protection des civils et les biens de caractère civil, ainsi que la protection du personnel humanitaire, des personnes hors de combat, et des installations et biens humanitaires, et de permettre et de faciliter l’accès humanitaire pour l’acheminement de fournitures et services essentiels à tous les civils qui sont dans le besoin dans la bande de Gaza».

Dans le même sens, elle a décidé conformément  à sa résolution A/RES/77/247  du 30 décembre 2022, de demander à la Cour internationale de Justice (CIJ) «un avis consultatif sur les questions ci-après, compte tenu des règles et principes du droit international, dont la Charte des Nations Unies, le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme, les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du Conseil des droits de l’homme et les siennes propres, et l’avis consultatif donné par la Cour le 9 juillet 2004:

a) Quelles sont les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, de son occupation, de sa colonisation et de son annexion prolongées du territoire palestinien occupé depuis 1967, notamment des mesures visant à modifier la composition démographique, le caractère et le statut de la ville sainte de Jérusalem, et de l’adoption par Israël des lois et mesures discriminatoires connexes?

b) Quelle incidence les politiques et pratiques d’Israël visées au paragraphe 18 a) ci-dessus ont- elles sur le statut juridique de l’occupation et quelles sont les conséquences juridiques qui en découlent pour tous les États et l’Organisation des Nations Unies?»

Le droit international humanitaire (DIH)  «fait obligation à l’occupant belligérant de gouverner de bonne foi le territoire qu’il occupe. Cette bonne foi peut être appréciée en fonction du respect par la puissance occupante des trois principes essentiels régissant l’occupation, tels qu’énoncés ci-dessus: a) non-annexion du territoire occupé; b) exercice de l’autorité à titre provisoire uniquement; c) gouvernance dans l’intérêt des personnes protégées. Par ailleurs, un occupant belligérant qui gouverne de bonne foi doit également: d) se conformer à toute orientation spécifique de l’Organisation des Nations Unies ou autre autorité compétente en ce qui concerne l’occupation et e) respecter les préceptes du droit international, y compris du droit humanitaire et du droit des droits de l’homme, régissant l’occupation» .

En cas d’occupation, comme c’est le cas pour la Palestine, les personnes civiles  qualifiées par l’article 4, alinéa 1 de la IVème Convention de Genève de «personnes protégées», ont droit suivant l’article 27, alinéas 1 et 2 de la même Convention, en toutes circonstances, «au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques religieuses, de leurs habitudes et de leurs coutumes. Elles seront traitées, en tout temps, avec humanité et protégées notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique. Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur».

En tant que puissance occupante, Israël ne cesse de violer les droits humains des palestiniens, particulièrement les règles de droit international humanitaire. Les diverses violations du DIH commises par la puissance occupante, notamment le non-respect du principe de distinction entre civils et combattants et celui de la distinction entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires, constituent un fait illicite de nature à engager sa responsabilité internationale. Celle-ci est engagée «à raison à la fois de tout acte de ses forces armées contraire à ses obligations internationales et du défaut de la vigilance requise pour prévenir les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par d’autres acteurs présents sur le territoire occupé, en ce compris les groupes rebelles agissant pour leur propre compte».Quoique Israël ne soit pas un État partie au Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) de 1998 ni à la quatrième Convention de Genève sur la protection des civiles en temps de guerre de 1949, il est tenu en tant que puissance occupante par des obligations au regard du droit international humanitaire, notamment le respect des dispositions applicables à l'occupation par une puissance belligérante. C’est pourquoi, il importe de de savoir précisément quelles sont les obligations qui pèsent sur l’Etat hébreu à la lumière des principaux instruments normatifs de DIH?  Pour ce faire, nous examinerons, d’une part, les obligations de la puissance occupante résultant du droit de la Haye; d’autre part, les obligations de la puissance occupante issus du droit de Genève et celui coutumier.

I- Les obligations de la puissance occupante résultant du droit de la Haye

Le droit de la Haye comprend les Conventions de la Haye de 1899 et de 1907. Ces deux instruments normatifs portent essentiellement sur les règles de droit international humanitaire régissant la conduite des hostilités. L’Etat d’Israël, puissance occupante, est tenu par les obligations du règlement de la Haye sur les lois et coutumes de la guerre dont la nature coutumière est consacrée par la jurisprudence de la Cour internationale de Justice.  

Le Règlement de la Haye sur les lois et coutumes de la guerre

Le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre  adopté à la Haye, le 18 octobre 1907, comprend une section III dédiée entièrement à l’autorité militaire sur le territoire de l’État ennemi. Cette section fut complétée par la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949. En ce sens, l’article 154 de cet instrument énonce: «Dans les rapports entre puissances liées par la Convention de la Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, qu’il s’agisse de celle du 29 juillet 1899 ou de celle du 18 octobre 1907, et qui participent à la présente Convention, celle-ci complétera les Sections II et III du Règlement annexé aux susdites Conventions de la Haye».

A contrario de la quatrième Convention de Genève de 1949 dont la finalité consiste à prémunir les personnes civiles en temps de guerre au mépris du statut des territoires occupés, le Règlement de la Haye porte davantage sur la sauvegarde des droits de l’État dont le territoire est occupé. De manière concrète, les articles 42 à 56 du Règlement font peser sur la puissance occupante des obligations strictes; en effet, celle-ci doit prendre les mesures nécessaires relevant de sa compétence afin de rétablir et d’assurer, l’ordre et la vie publics, tout en respectant les lois en vigueur dans le pays. De plus, elle doit proscrire de forcer la population d'un territoire occupé à fournir des renseignements sur l'armée ou sur ses moyens de défense , ou à prêter serment à la puissance ennemie; et surtout, conserver l'honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriété privée, ainsi que les convictions religieuses et l'exercice des cultes.

La confiscation de la propriété privée et le pillage sont interdits. «Les biens des communes, ceux des établissements réservés aux cultes, à la charité et à l'instruction, aux arts et aux sciences»  , sont traités comme faisant partie de la propriété privée. Les réquisitions en nature et des services ne pourront être exigés des communes ou des habitants, que pour les nécessités de l'armée d'occupation. A cet effet, l’article 52 du Règlement de la Haye énonce que: «Des réquisitions en nature et des services ne pourront être réclamés des communes ou des habitants que pour les besoins de l’armée d’occupation. Ils seront en rapport avec les ressources du pays et de telle nature qu’ils n’impliquent pas pour les populations l’obligation de prendre part aux opérations de la guerre contre leur patrie. Ces réquisitions et ces services ne seront réclamés qu’avec l’autorisation du commandant dans la localité occupée. Les prestations en nature seront, autant que possible, payées au comptant; sinon, elles seront constatées par des reçus».

Il est aussi réprouvé de prononcer une peine collective, pécuniaire ou autre contre les populations civiles, ou de procéder à toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de monuments historiques, d'œuvres d'art et de science. Selon l’article 50 du Règlement de la Haye: «Aucune peine collective, pécuniaire ou autre, ne pourra être édictée contre les populations à raison de faits individuels dont elles ne pourraient être considérées comme solidairement responsables».

Pour ce qui est de la perception des impôts, la puissance occupante procède au prélèvement des impôts, droits et péages établis au profit de l'État conformément aux règles de l'assiette et de la répartition en vigueur . Elle est tenue de pourvoir aux frais de l'administration du territoire occupé dans la mesure où le Gouvernement légal y était tenu. Dans le cas de prélèvements complémentaires en argent dans le territoire occupé, celles-ci ne peuvent se réaliser que pour les besoins de l'armée ou de l'administration de ce territoire. Pour toute contribution, le contribuable se verra remettre un reçu. En ce sens, l’article 49 du Règlement de la Haye affirme que: «Si, en dehors des impôts visés à l’article précédent, l’occupant prélève d’autres contributions en argent dans le territoire occupé, ce ne pourra être que pour les besoins de l’armée ou de l’administration de ce territoire».

L'armée qui occupe un territoire ne peut se saisir que du numéraire, des fonds et des valeurs exigibles appartenant en propre à l'État, les dépôts d'armes, moyens de transport, magasins et approvisionnements et toute propriété mobilière de l'État de nature à servir aux opérations de la guerre. A ce propos, l’article 53, alinéa 2 du Règlement de la Haye précise que : «…Le matériel des chemins de fer, les télégraphes de terre, les téléphones, les bateaux à vapeur et autres navires, en dehors des cas régis par la loi maritime, de même que les dépôts d’armes et en général toute espèce de munitions de guerre, même appartenant à des sociétés ou à des personnes privées, sont également des moyens de nature à servir aux opérations de la guerre, mais devront être restitués, et les indemnités seront réglées à la paix».

Les câbles sous-marins reliant un territoire occupé à un territoire neutre ne peuvent être saisis ou détruits que dans le cas d'une nécessité absolue . Au final, l'État occupant agit en tant qu’administrateur et usufruitier des édifices publics, immeubles, forêts et exploitations agricoles appartenant à l'État ennemi et se trouvant dans le pays occupé. Il doit préserver le fonds de ces propriétés et les administrer en vertu des règles de l'usufruit.

En pratique, la majorité des obligations du Règlement de la Haye font l’objet de violations de la part d’Israël, puissance occupante. Il en est ainsi, par exemple, de la destruction de ressources naturelles palestiniennes et de la fermeture presque quasi-totale des points de passage entre la bande de Gaza et Israël, ce qui revient à imposer à la population civile de Gaza une punition collective.

La consécration de la nature coutumière du Règlement de la Haye par la CIJ

Bien qu’Israël ne soit pas un Etat partie à la quatrième Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre à laquelle le Règlement fut annexé, il n’en demeure pas moins qu’il reste lié par la nature coutumière de ce corps de règles. A cet effet, la Cour internationale de Justice (CIJ) a fait écho du caractère coutumier dudit Règlement, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 relatif aux Conséquences juridiques de l’édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé, en affirmant que: «Les dispositions du règlement de la Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier, comme d'ailleurs tous les participants à la procédure devant la Cour le reconnaissent».

Dans la même veine, la Cour internationale de Justice a eu l’occasion de réaffirmer la particularité des dispositions du Règlement de la Haye dans deux affaires: d’un côté, dans l’affaire de la Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires en précisant que: «De nombreuses règles coutumières se sont développées, de par la pratique des États, et font partie intégrante du droit international pertinent en l'espèce. Il s'agit des «lois et coutumes de la guerre» - selon l'expression traditionnelle - qui furent l'objet des efforts de codification entrepris à La Haye (conventions de 1899 et de 1907 notamment) et se fondaient partiellement sur la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868 ainsi que sur les résultats de la conférence de Bruxelles de 1874. Ce (droit de La Haye), et notamment le règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, fixe les droits et les devoirs des belligérants dans la conduite des opérations et limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi dans les conflits armés internationaux» . De l’autre, dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda) l’organe judicaire principal de l’ONU a rappelé que «les dispositions du Règlement de la Haye de 1907 ont acquis un caractère coutumier» , et par conséquent, les obligations qui incombent à une puissance occupante au titre du Règlement «relèvent du droit international coutumier, s’imposent aux parties».

A côté des obligations de la puissance occupante résultant du droit de la Haye, celle-ci est tenue également par des obligations strictes à la lumière du droit de Genève et du droit coutumier.

II- Les obligations de la puissance occupante issus du droit de Genève et du droit coutumier

Le droit de Genève  concerne les règles de droit humanitaire précisant le droit des victimes à la protection. Il comprend les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977. En tant que puissante occupante, Israël doit respecter les obligations découlant de la quatrième Convention de Genève sur la protection des civiles en temps de guerre de 1949 et son premier Protocole additionnel de 1977, ainsi que le droit international humanitaire coutumier.

La quatrième Convention de Genève et son premier Protocole

En vertu de l’article 2 de la quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, celle-ci «… s’appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit armé surgissant entre deux ou plusieurs des Hautes parties contractantes, même si l’état de guerre n’est pas reconnu par l’une d’elles. La convention s’appliquera également dans tous les cas d’occupation de tout ou partie du territoire d’une Haute partie contractante, même si cette occupation ne rencontre aucune résistance militaire. Si l'une des puissances en conflit n'est pas partie à la présente convention, les puissances parties à celle-ci resteront néanmoins liées par elle dans leurs rapports réciproques. Elles seront liées en outre par la convention envers ladite puissance, si celle-ci en accepte et en applique les dispositions».

Dans son avis consultatif relatif aux Conséquences juridiques de l’édification d'un mur dans le Territoire palestinien occupé, la CIJ a rappelé que, «selon le premier alinéa de l'article 2 de la quatrième Convention de Genève, celle-ci est applicable dès lors que deux conditions sont remplies : existence d'un conflit armé (que l'état de guerre ait ou non été reconnu); survenance de ce conflit entre deux parties contractantes. Si ces deux conditions sont réunies, la convention s'applique en particulier dans tout territoire occupé au cours d'un tel conflit par l'une des parties contractantes. Le deuxième alinéa de l'article 2 n'a pas pour objet de restreindre le champ d'application de la convention ainsi fixé par l'alinéa premier, en excluant de ce champ d'application les territoires qui ne relèveraient pas de la souveraineté de l'une des parties contractantes. Il tend seulement à préciser que, même si l'occupation opérée au cours du conflit a eu lieu sans rencontrer de résistance militaire, la convention demeure applicable. Cette interprétation reflète l'intention des auteurs de la quatrième Convention de Genève de protéger les personnes civiles se trouvant d'une manière ou d'une autre au pouvoir de la puissance occupante».

Bien que l’article 2 ne définisse pas la notion d’occupation -comme c’est le cas pour les quatre Conventions de Genève de 1949 – la quatrième Convention sur la protection des civils en temps de guerre impose à la puissance occupante certaines obligations s’agissant des habitants du territoire occupé devant bénéficier d’une protection spéciale. En conséquence, les personnes protégées doivent être traitées avec humanité et ne feront l’objet d’aucun traitement inhumain ou dégradant (articles 27 et 31-32); les peines collectives, de même que toute mesure d'intimidation ou de terrorisme, sont proscrites; les mesures de représailles à l'égard des personnes protégées et de leurs biens, y compris le pillage et la prise d’otages sont également interdites (articles 33 et 34).

Du reste, les femmes doivent être préservées contre toute atteinte à leur honneur, le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur (article 27, alinéa 2); les visites aux personnes protégées par les délégués du CICR et les représentants d’autres institutions humanitaires doivent être facilitées par la puissance occupante (article 30, alinéa 3).

Plus globalement, la quatrième Convention de Genève consacre pas moins de 31 articles (47-78) aux territoires occupés en détaillant les obligations de la puissance occupante. Parmi celles-ci, il convient de mentionner les interdictions ci-après:

Le transfert forcé et la déportation des populations du territoire occupé (article 49);
L’implantation de ses propres ressortissants sur le territoire occupé (article 49);
La modification du statut personnel des enfants et leur enrôlement dans des formations ou organisations dépendant d'elle (article 50);
L’annulation des mesures préférentielles en faveur des enfants et de leurs mères concernant la nourriture, les soins médicaux et la protection contre les effets de la guerre (article 50);
L’astreinte des personnes des territoires occupés à servir dans ses forces armées ou auxiliaires ; ou à un travail qui les obligerait à prendre part à des opérations militaires (article 51);
La destruction des biens mobiliers ou immobiliers sauf si elle est rendue absolument nécessaire par les opérations militaires (article 53);
La modification du statut des fonctionnaires ou des magistrats du territoire occupé ou de prendre à leur égard des sanctions ou des mesures quelconques de coercition ou de discrimination (article 54);
La sauvegarde de la législation pénale du territoire occupé déjà en vigueur (64);  
La privation des personnes condamnées à mort du droit de recourir en grâce (article 75).

A l’occasion de son avis consultatif de 2004 (affaire du mur), la CIJ a souligné à propos de la quatrième Convention que, «…des points de vue divergents ont été exprimés par les participants à la procédure devant la Cour. Contrairement à la grande majorité des autres participants, Israël conteste en effet l'applicabilité de jure de la Convention au Territoire palestinien occupé. Au paragraphe 3 de l'annexe 1 au rapport du Secrétaire général intitulée « Résumé de la position juridique du Gouvernement israélien», il est en particulier précisé qu'Israël ne considère pas que la quatrième Convention de Genève «soit applicable au territoire palestinien occupé», dans la mesure où «le territoire n'était pas reconnu comme souverain avant son annexion par la Jordanie et l'Egypte et où, en conséquence, il ne s'agit pas d'un territoire d'une Haute partie contractante au regard de la convention» . Et d’ajouter: «La quatrième Convention de Genève a été ratifiée par Israël le 6 juillet 1951 et qu'Israël est partie à cette Convention. La Jordanie y est aussi partie depuis le 29 mai 1951. Aucun des deux États n'a formulé de réserve pertinente au cas particulier. La Palestine s'est par ailleurs engagée unilatéralement, par déclaration du 7 juin 1982, à appliquer la quatrième convention de Genève. La Suisse, en qualité d'État dépositaire, a estimé valable cet engagement unilatéral»; «qu'aux termes de l'article 1er de la quatrième Convention de Genève, disposition commune aux quatre Conventions de Genève, «[l]es Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter et à faire respecter la présente Convention en toutes circonstances». Il résulte de cette disposition l'obligation de chaque État partie à cette convention, qu'il soit partie ou non à un conflit déterminé, de faire respecter les prescriptions des instruments concernés».

De concert avec ce qui précède, le Protocole additionnel I du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux comprend un certain nombre d’obligations applicables à la puissance occupante. Certes, Israël n’est pas partie au Protocole I mais il reste tenu par la clause de Martens énoncée dans son article premier, paragraphe 2, précisant que: «Dans les cas non prévus par le présent Protocole ou par d'autres accords internationaux, les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et sous l'empire des principes du droit des gens, tels qu'ils résultent des usages établis, des principes de l'humanité et des exigences de la conscience publique».

De manière concrète, le Protocole I oblige la puissance occupante à se conformer à certaines prescriptions, telles que la facilitation pour les organismes civils de protection civile dans les territoires occupés l'accomplissement de leurs tâches; l’interdiction de les contraindre à accomplir leurs missions d'une façon préjudiciable en quoi que ce soit aux intérêts de la population civile; le non-détournement des abris mis à la disposition de la population civile ou nécessaires aux besoins de cette population (article 63). Elle est tenue d’assurer dans la mesure du possible et sans aucune distinction de caractère défavorable, la fourniture de vêtements, de matériel de couchage, de logements d'urgence, des autres approvisionnements essentiels à la survie de la population civile du territoire occupé et des objets nécessaires au culte (article 69); de garantir les normes minimales de protection prévues dans l’article 75 du Protocole I, une sorte de «sommaire de la loi» dans le cadre des garanties judicaires en faveur de diverses catégories de personnes  (ressortissants d’États non parties aux conventions; ressortissants d’États non parties au conflit; ressortissants d’États alliés ; réfugiés et apatrides; mercenaires; autres personnes à qui le statut de prisonnier de guerre est refusé; personnes protégées soumises à l’article 5 de la IVème Convention).

En fin de compte, la puissance occupante doit proscrire en tout temps et en tout lieu les actes portant atteinte à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, principalement le meurtre; la torture sous toutes ses formes; les peines corporelles; les mutilations; les atteintes à la dignité de la personne; la prise d'otages ; les peines collectives, etc. Le fonctionnement de la justice dans les Territoires arabes occupés doit tenir compte de certaines garanties judiciaires, telles que le procès équitable, le jugement par un tribunal impartial et indépendant, la présomption d’innocence et l’exercice des recours judiciaires.

De manière concrète, le catalogue des violations des dispositions de la quatrième Convention de Genève par Israël est long; il convient de mentionner, à titre d’exemple, la destruction des biens des Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza; la maltraitance et la déportation des populations civiles; la destruction délibérée des habitations dans le nord et l'est de la bande de Gaza, etc.

Le droit international humanitaire coutumier

En dehors du droit conventionnel, un État reste lié par les règles de droit coutumier au mépris du critère de ratification. Dans son étude de 2005 sur le droit international humanitaire coutumier, le CICR a répertorié 161 règles de droit coutumier  applicables tant aux conflits armés internationaux que non internationaux. Ces règles portent sur la distinction entre civils et combattants (1-6); la distinction entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires (7-10); les attaques sans discrimination (11-13); la proportionnalité dans l’attaque (14); les précautions dans l’attaque (15-21) et contre les effets des attaques (22-24).

En application de la Règle 51, la puissance occupante doit respecter la propriété privée qui ne peut être confisquée que pour d’impérieuses nécessités militaires; administrer la propriété publique immobilière conformément à la règle de l’usufruit. Par contre, la puissance occupante peut procéder à la confiscation de la propriété publique mobilière de nature à servir aux opérations militaires. Par ailleurs, la puissance occupante ne peut pas procéder au transfert ou à la déportation des populations du territoire occupé, ni à l’implantation de ses propres ressortissants sur ce territoire (Règle 130); il lui est également interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile (Règle 54).

D’autres obligations s’imposent à la puissance occupante; celle-ci ne peut procéder au pillage des biens (Règle 52), ni imposer des peines collectives aux populations des territoires occupées (Règle 103). En cas de déplacement, les personnes civiles concernées doivent être accueillies dans des conditions satisfaisantes de logement, d’hygiène, de salubrité, de sécurité et d’alimentation (Règle 131), tout en respectant leurs droits de propriété (Règle 133).

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Le conflit actuel entre l’armée israélienne et les militants du groupe palestinien Hamas dont les principales victimes sont les enfants a remis sur le devant de la scène internationale, la pertinence des dispositions du droit international humanitaire régissant les conflits armés. A cet égard, en tant que puissance occupante, une multitude d’obligations à la fois de comportement et de résultat pèsent sur l’Etat d’Israël par rapport aux principes énoncés dans les instruments examinés se rapportant au droit de la Haye et celui de Genève, ainsi que le droit international humanitaire coutumier.

En pratique, la puissance occupante ne cesse de violer ses obligations juridiques au titre des instruments normatifs de DIH comme en témoignent tout récemment les bombardements aveugles sur Gaza ayant causé le décès de milliers d’enfants palestiniens et de personnes civiles. Pourtant, divers organes onusiens (Assemblée générale, Conseil de sécurité et Conseil des droits de l’homme) continuent de dénoncer l’occupation illégale du Territoire palestinien et les diverses violations des règles de droit international, des droits de l’homme et du droit international humanitaire par Israël, puissance occupante. 

En définitive, l’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale doivent conjuguer leurs efforts afin de diligenter de manière prompte des enquêtes pour établir les responsabilités de part et d’autre sur les crimes commis à l’encontre des civils, singulièrement les enfants. D’où l’importance de décréter un cessez-le-feu humanitaire immédiat comme le propose, Monsieur António Guterres, Secrétaire général de l’institution New-yorkaise. Hélas, cet appel a été voué à l’échec suite au rejet  par le Conseil de sécurité de l’ONU du projet de résolution présenté par les Emirats arabes unis, le 8 décembre 2023, en raison du veto des Etats-Unis d’Amérique.

Mahmoud Zani
Docteur en droit international public de l’Université de Genève
Professeur de droit public et directeur du Centre de droit international et européen (CDIE) de Tunis

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