Mohamed Amouri: Visionnaire, gestionnaire
Par Mounir Ben Miled - Si Mohamed le professionnel, le gestionnaire, l’investisseur, nous quitte. Il était tout cela à la fois et respectait sa profession de la manière la plus noble. Il était profondément estimé par ses pairs et particulièrement respecté par ses collaborateurs.
Après avoir brillamment terminé ses études en France, il intégra la Société hôtelière et touristique de Tunisie (Shtt) en tant que cadre. À cette époque, la Société s’apprêtait à ouvrir les tout premiers palaces de Tunisie, conformément au choix stratégique du pays qui avait misé sur le tourisme de luxe. Dès la fin des travaux de construction, leur gestion fut confiée à une société étrangère spécialisée dans les hôtels de ville, qui échoua à atteindre les objectifs fixés. Le contrat fut alors résilié.
Mohamed Amouri et ses collègues se virent alors confier la mission de prendre en main ces établissements. Ils relevèrent avec brio le défi de remplacer cette chaîne et d’assurer la continuité de leur exploitation.
Si Mohamed fut à la fois directeur des hôtels Ulysse Djerba et Miramar Hammamet. Jamais avare ni de son temps ni de sa peine. Ses qualités professionnelles l’amenèrent à gravir les échelons et à occuper le poste de directeur d’exploitation de toute la chaîne.
Il rejoignit ensuite son frère Omrane pour bâtir ensemble l’hôtel Les Colombes, un excellent trois- étoiles. Il fonda ensuite une société de gestion hôtelière qui le conduisit à superviser, mais aussi à gérer, plusieurs établissements.
Cette expérience considérable l’encouragea, dans le cadre du programme des jeunes promoteurs et avec le soutien de l’État, à se lancer dans une nouvelle aventure: la construction de son premier hôtel à Sousse, le Hasdrubal. Suivirent le Hasdrubal Djerba, ainsi qu’un trois-étoiles à Zarzis. Il poursuivit son expansion avec Hasdrubal Hammamet et Hasdrubal Prestige Djerba.
C’est à ce moment-là que l’on découvrit pleinement son double talent: un sens aigu de la gestion et une vision de développement et de perfectionnement poussée au plus haut niveau.
Sa quête d’idées nouvelles, sa recherche d’excellence dans l’art de la conception et la qualité du service l’amenèrent à parcourir le monde, accompagné de ses bureaux d’études (architectes, décorateurs, ingénieurs en structure, électricité, plomberie, climatisation, etc.), afin d’enrichir sans cesse ses établissements et d’offrir à ses hôtes des séjours incomparables.
Autre preuve de son exigence: Si Mohamed était le seul hôtelier à imprimer ses contrats de collaboration avec les agences de voyages en y incluant des tarifs fixes pour les trois saisons. Quant aux prix, ils n’étaient pas négociables, tant la qualité de ses services était à la hauteur.
Homme de terrain, il n’hésitait pas à remplacer lui-même les directeurs de ses hôtels pendant leurs congés afin de vérifier personnellement toutes les activités: contrôle de gestion, commercialisation, installations techniques, ambiance parmi le personnel, etc. D’un sérieux irréprochable, il ne se présentait jamais dans un hôtel sans un costume sobre, une cravate et une élégance particulière.
Il convient également de rappeler qu’au sein de la Shtt, des dirigeants visionnaires tels que feu Mohamed Ben Smail, Mokhtar Fakhfakh ou Naceur Malouche avaient instauré une tradition : l’achat d’œuvres authentiques de grands maîtres pour orner les hôtels. Cette initiative permit à l’École de peinture de Tunis de se développer et de révéler de grands artistes. Si Mohamed reprit et développa cette pratique à sa manière, enrichissant ses établissements de toiles superbes, conservées avec soin jusqu’à aujourd’hui par sa famille. À cet égard, il faut rendre hommage à son fils, qui a su préserver ce patrimoine et l’a parfois exposé dans de grandes villes européennes lors de manifestations touristiques ou culturelles.
Si Mohamed Amouri a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire du tourisme tunisien. Son professionnalisme, sa vision et son exigence de qualité continueront d’inspirer les générations futures.
Adieu Si Mohamed.
Mounir Ben Miled
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