News - 16.02.2011

Mustapha Kamel Nabli : comment éviter le dérapage économique, désastreux pour la révolution tunisienne

Faisant le point de la situation économique en Tunisie, deux mois après le déclenchement le 17 décembre de la première étincelle de la révolution et un mois après la chute, le 14 janvier de l’ancien régime, M. Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie a mis en garde contre un dérapage économique aux lourdes conséquences, appelant à la reprise de l’activité des entreprises, pour la préservation des emplois,  la reconquête des marchés extérieurs et le maintien du positionnement concurrentiel des exportations, difficile à rattraper. Jusque-là, estime-t-il, lors de la conférence de presse qu’il a donnée mercredi après midi, l’économie tunisienne résiste bien aux perturbations enregistrés, affichant nombre d’indicateurs à la limite de la normale, mais aborde la période à venir avec beaucoup d’appréhension. 

Seule la restauration de la sécurité, la rapidité de la reprise du travail, la sérénité du climat social et le redéploiement des exportations, peuvent améliorer les perspectives et faire aboutir les aspirations économiques de la révolution. Se gardant de livrer des détails chiffrés précis, tant que les évaluations et analyses sont en cours d’affinement, il a dessiné les grandes tendances observées.

Deux autres questions ont été au centre de la conférence de presse du gouverneur de la Banque centrale, à savoir l’endettement des entreprises du clan Ben Ali vis-à-vis des banques tunisiennes et la création d’un Fonds Citoyen pour la collecte des dons et leur emploi, sur la base d’une gestion par des représentants de la société civile en toute indépendance du gouvernement et de l’administration, et selon des règles rigoureuses de contrôle, d’équité et de transparence.

Répondant à une question sur les biens et avoirs détenus par le président déchu et son clan à l’étranger, il a indiqué qu’une commission spécialisée s’y emploie activement, œuvrant à mettre en place un cadre juridique et des mécanismes appropriés et que les démarches ne cessent de s’intensifier à travers le monde afin d’écourter autant que possible, les différentes procédures nécessaires et d’éviter qu’elles ne prennent de longs délais.

Jusque-là, un rythme ralenti, quasi-normal, mais...

  • Malgré les difficultés rencontrées tant au niveau de la sécurité que des perturbations diverses, les opérations monétaires et bancaires se sont poursuivies à un rythme, certes ralenti mais quasi-normal
  • Les retraits de dépôts observés durant les premiers, ont été limités.
  • Les opérations bancaires avec les clients, particuliers et professionnels, se sont poursuivies, bien que les banques aient subi des dégâts significatifs au niveau de nombre de leurs agences (105 agences) et de leurs DAB (280 distributeurs dont 74 seulement ont été remis en service).
  • La BCT a continué à fournir la liquidité nécessaire aux banques et le marché monétaire   qui a poursuivi son activité, les transactions ayant repris à la bourse de Tunis, avec une baisse acceptable du cours de certaines valeurs ainsi que du Tunindex.
  • Aucune pression significative n’a été observée sur la monnaie et le cours de change du dinar se poursuit de façon normale.
  • Les réserves en devises, qui étaient de 13 Milliards de dinars,  fin décembre 2010, couvrant 147 jours d’importations, se sont cependant réduites à 12.2 Milliards de dinars, soit l’équivalent de 139 jours d’importation.

Des facteurs déterminants

Malgré ces indicateurs, l’économie tunisienne fait face à une situation difficile marquée par :

  • Des perturbations importantes dans les activités, en raison des arrêts de travail, la réduction de la production et de l’exportation, l’arrêt quasi-total du tourisme, le ralentissement de l’investissement intérieur et extérieur et, sur le plan international, l’abaissement des notations souveraines. Jusque-là, l’économie tunisienne est en mesure de faire face à la situation. Mais, les perspectives et les craintes pour la période à venir risquent de s’aggraver et la BCT continue à  observer la situation avec vigilance et à analyser les différentes projections d’ici la fin de l’année, même si la visibilité demeure réduite en raison de l’incertitude de nombre de facteurs.
  • Les facteurs déterminants sont :
  • La rapidité et la nature du retour à la normale dans les entreprises productives en surmontant les troubles sociaux et les problèmes de financement
  • La capacité de reprendre pied sur les marchés extérieurs qu’il s’agisse des produits, ou du tourisme et des autres services
  • Le maintien du positionnement compétitif en termes de coûts, de délais et de qualité
  • La préservation des équilibres financiers, tant pour les finances publiques que pour le financement extérieur.

Comment éviter le dérapage économique ?

Le grand défi  à relever est celui d’éviter le dérapage économique dont tous les aspects ne seraient pas actuellement perceptibles mais dont l’impact se fera bientôt durement ressentir. Notre révolution ne peut s’accomplir sans pouvoir lever ce défi économique, garant du maintien des emplois et de la création de nouveaux emplois tant réclamés. Dans cette démarche, le préalable du retour de la sécurité est fondamental, tant les aspects sécuritaires et économiques sont intimement liés.

Au sujet des revendications sociales, le gouverneur de la Banque centrale a indiqué qu’elles sont très variées, pouvant être classées en trois catégories. La première,  porte sur des demandes légitimes et acceptables qui appellent à des solutions immédiates qui ne sauraient attendre encore plus longtemps. D’autres, aussi légitimes qu’acceptables, sont en les additionnant, difficiles à trouver réponse actuellement. Une troisième catégorie de revendications sont totalement inacceptables et ne représentent, pour le moment aucune urgence.

Dans tous les cas, l’essentiel est de revenir au travail et de permettre aux entreprises de reprendre leurs activités, tout en prenant en charge l’étude des revendications légitimes et raisonnables exprimées.

L’économie tunisienne est en train de subir des pertes significatives que la persistance des troubles sociaux ne fera qu’aggraver. A cet effet, il a lancé un appel à l’esprit de responsabilité afin de préserver les emplois et les capacités de production des entreprises.

L’inflation : un risque réel

Evoquant les risques d’inflation aggravée, M. Mustapha Kamel Nabli a indiqué que trois facteurs importants sont à prendre en considération, à savoir :

  • L’augmentation sensible du cours mondial des matières premières
  • La politique monétaire facilitatrice pour fournir la liquidité au système bancaire tunisien
  • Les dépenses additionnelles exigées par la situation, ce qui accroîtra le déficit budgétaire, et se répercutera sur la demande intérieure alors que la production est en baisse.
     
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7 Commentaires
Les Commentaires
khlifi - 16-02-2011 20:22

je souhaite que l'UGTT lise ce document et prenne ses responsabilité devant le peuple et l'histoire.

Sahim JAAFAR - 17-02-2011 09:19

... le mot d'ordre général pour les tunisiens et tunisiennes: travailler et travailler davantage nous aurons les fruits de la révolutions incessamment...

mohamed Riahi - 17-02-2011 09:57

Il faut reprendre le travail pour assurer la reprise des exportation et limiter les importations. Une campagne en ce sens est à mener par les pouvoirs public pour "consommer tunisien". Il y a lieu aussi de revoir la politique de l'achat des enseignes etrangeres qui coutent cher et ne rapportent rien à l'economie du pays notamment dans le secteur commercial. C'est une veritable hemorragie de devises sans ceation de richesses pour le pays c'est une simple source d'enrechissement pour les beneficiaires de la marque et de ses proprietaires.

Hédia Karray-Grislain - 17-02-2011 10:21

Excellente analyse, avec une vue pleine de modération et de recul, mais très réaliste. personnellement, je pense qu'une accélération de d'opération de reprise des biens mal acquis, apporteraient une accalmie sociale.

Gasmi Lamine - 17-02-2011 16:37

Travail ,travail et rien que le travail qui peut nous faire échaper à cette situation économique "desastreuse".Je souhaite de tout mon coeur que les syndicalistes lisent bien cet article d'expert en l'occurence le gouverneur de la BCT pour en tirer les conclusions qui s'imposent pour sauvegarder l'interet national et l'opportunisme conjoncturel qui ne conduit quà la faillite . PLS KEEP IN MIND THE NATIONAL INTEREST FIRST AND ONLY . Vive la Tunisie

Moncef Guen - 18-02-2011 03:19

C'est un plaisir de voir le nouveau Gouverneur de la BCT analyser d'une maniere professionnelle la situation actuelle de l'economie. Pour la premeire fois de son histoire, la BCT a a sa tete un technicien de l'economie de grande valeur. Avant lui ils etaient soit des politiciens cagoules en economistes soit des courtisans. J'espere qu'il aura l'occasion de renforcer la BCT et son role primordial qui est la stabilite des prix et la defence de la monnaie nationale. La BCT doit affirmer de plus en plus son independance. Jusqu'ici, l'ajustement a pese de tout son poids sur le dinar dont le taux de change a fortement degringole. Je me rappelle encore du temps ou le dinar valait plus de 4 fois le dollar US. Dr.Moncef Guen

Abdennadher Nacef - 18-02-2011 10:26

Le défi imposé au niveau du commerce extérieur est d'autant plus important que l'année 2011 est considérée comme une année de reprise pour la croissance mondiale (4% prévu par le FMI) ce qui consititue une opportunité pour nous (re)placer sur le marché mondial. Si la reprise s'avèrerait compromise, la Tunisie risque de perdre durablement ses parts de marché. En ce qui concerne l'inflation, tout ce qui se passe actuellement est de nature à la nourrir (revendications salariales, baisse de la production, politique monétaire facilitantes, accroissement du déficit budgétaire). Seule la croissance économique, corollaire du retour immédiat au travail permet d'amortir le choc inflationniste.

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