Opinions - 07.03.2011

Nul n'est prophète dans son pays

Dans la foulée de la couverture médiatique du rapatriement du raz-de-marée tunisien en provenance de la Libye, certains médias tunisiens n’ont pas manqué, parfois par méconnaissance, parfois par inertie, de dévaloriser le métier de diplomate, au point de saigner à blanc son identité et de compromettre son image et surtout son avenir !

Hélas ! Cet évènement majeur a servi de prétexte à certains médias embourbés depuis le 14 janvier dans un populisme primaire, pour donner un tout autre son de cloche, aussi dissonant que disproportionné du travail des diplomates tunisiens et ce, à coups de manchettes foudroyantes et de reportages poignants, dignes d’un réquisitoire passionnel dépourvu d'informations vérifiables et vérifiées. C’est de la pure extrapolation et c’est même un mauvais procès.

Ces médias déterminés à entendre la vérité dans les arrières halls de l’aéroport, les bas-fonds des ports et sur les lèvres chancelantes d’une certaine frange de rouspéteurs et des francs tireurs bien triés, passent sous silence les mises au point de l’ambassade et des responsables du Ministère des Affaires Etrangères. Une attitude à l’abri de toute déontologie. Malheureusement, ils se trompent de cible et de combat.

Loin de moi l’idée de m’attarder sur la performance médiatique, il ya lieu, tout de même, de relever que ce marécage médiatique, a entre autres, maintenu vivants des clichés éculés et des poncifs usés sur « le diplomate », désœuvré, confiné aux mondanités, se prélassant dans les réceptions. Cela est gros, voire grossier.

Malgré tous les problèmes qu'ils ont connus, les diplomates tunisiens, gardiens d’un idéal et d’une conscience et porteurs d’une longue tradition, sont souvent guidés par la recherche de l’intérêt de la Tunisie en recourant à tous les leviers en leur disposition pour représenter, protéger, informer et promouvoir.  En effet, être diplomate, c’est baliser la voie aux entrepreneurs tunisiens, c’est amadouer les investisseurs étrangers, c’est fleurer la culture nationale, c’est courtiser les intellectuels et les journalistes, c’est idolâtrer la colonie, c’est organiser les conférences internationales, c’est lancer les initiatives mondiales, et j’en passe.

Sachons tout de même que ces diplomates passés au peigne fin de concours nationaux, « ne se sont pas improvisés diplomates ». Ils ont su forger, dans l’adversité, une identité professionnelle spécifique, en s’inspirant du vieux fonds du patrimoine diplomatique tunisien, légué par une génération,  de Bourguiba Junior, Mongi Slim, Béji Caid Essebssi, Béchir Gueblaoui, Sadok Mokaddem, Mahmoud Mestiri, Zine El Abidine Mestiri, Taieb Sahbani, Néjib Bouziri, Noureddine Mejdoub et autres figures dont la touche ne se dément jamais.

La réalité est loin d'être idyllique. Etre diplomate, c’est prier chaque soir, en pleine guerre à Baghdad ou à Belgrade pour échapper aux bombes larguées sinon aux  snipers embusqués, c’est esquiver les « jeunes Patriotes » qui sillonnaient les rues d’Abidjan, c’est s’immuniser contre la Polio à Bamako, le  Paludisme à Kinshasa et la Lèpre à New Delhi, c’est participer à cinq réunions onusiennes simultanées à New York et à Genève pour donner une voix à la Tunisie, c’est garder le sourire face à des centaines d'expatriés un dimanche à Marseille et Nice. C’est vivre à des milliers de kilomètres de chez soi à Islamabad et à Brasilia

Etre diplomate, c’est supporter le joug de l’expatriation synonyme d’instabilité familiale, de déracinement des enfants et de sacrifice professionnel des conjoints, le tout, en étant incapable de joindre les deux bouts d’un mois, en raison d’un salaire des plus bas de tous les diplomates du monde. Le  drame, c’est de tomber malade ! A défaut d’une assurance-maladie, le retour à Tunis devient un choix irréversible. Quelle ironie !

En ces temps, où le  mot  d'ordre est  à la reconstruction,  le diplomate tunisien doit donner pleinement la mesure de ses capacités et sortir des arcanes de l’ingratitude et de la marginalisation et d’être  libéré des clichés et des préjugés dans lesquels on l’a longtemps confiné.

Kais Kabtani
 

Vous aimez cet article ? partagez-le avec vos amis ! Abonnez-vous
commenter cet article
5 Commentaires
Les Commentaires
Afif - 08-03-2011 05:40

Un bel article cher Kais.

adnane - 08-03-2011 09:36

Il ne manquait plus que ça! même nos diplomates se lamentent !! et quoi, encore ?

seif - 08-03-2011 12:59

Cher Kais, tu as parfaitement et brillammant décris la situation lamentable de la diplomatie tunisienne....les diplomates étaient toujous le bouc émissaire de tous les maux et les abus de l'ancien régime. le citoyen tunisien dois aujourd'hui connaitre la réalité.

A. Mcharek - 08-03-2011 14:04

A l'image de tous les corps de l'État, La diplomatie est mal jugée par plusieurs sur la base de l’agissement d'une minorité d’opportunistes parachutés a ces Corps. J’en ai connu une dizaine au cours de mes séjours à l’Étranger, un dévouement et un patriotisme exemplaire !! Garder le sourire dans des conditions de travail aussi difficiles est Certes difficile, mais ils le font comme même. J’aimerais bien voir nos Medias interviewer des retraités de ce Corps afin d’accomplir un Devoir d’Information nécessaire sur l’importance de la Diplomatie !!

Habib OFAKHRI - 22-03-2011 12:45

IL est vrai qu'à chaque profession sont conférées des contraintes , des devoirs et des gratifications .Mais de grâce, soyez nuancé . .Tout comme la diplomatie, la presse ploie sous des pesanteurs.Toutefois , la presse ne fait pas son travail dans l'ombre , mais en plein jour , ce qui fait qu'elle est toujours sous les pleins feux .Son activité , contrairement à la diplomatie ne se déroule dans les salons feutrés, le catimini de la valise dite" diplomatique", des caisses noires et autre polychromie, du privilège de l'immunité ... et j'en passe. Personne n'a prétendu que la presse tunisienne est la meilleure du monde . Nous venons à peine de mettre le pied à l'étrier du pluralisme... L' ’évènement de Ras jedir qui vous a servi de base pour la faire couler ( la presse) , dans "le marécage" constitue un mauvais exemple ,car le gap fut profond entre ce que nous avions entendu "des rouspeteurs " et des propos lénifiants... Le consul général ,B.FRIDHI semble avoir bien géré le désarroi de plus de 500( Bien cinq cent) compatriotes qui ont trouvé refuge aux locaux exigus du consulat à Benghazi..Mais , ne pouvait être au four et au moulin,il mérite toute la reconnaissance pour son humanisme , lequel semble occulté dans la mission que vous assignez au diplomate .Sinon qu'est ce à dire que vous représentez l’interet national, si vous ne protégez pas celui du Tunisien , dans le pays d' accréditation? "Idolâtrer la colonie" , bien vous ne manquez d'humour . Je ne savais pas que nous avions des colonies à l'étranger , logées à l'enseigne du panthéon.de votre diplomatie . Vous étiez , je pèse mes mots, des représentants peu glorieux de l'ex président Ben ALI AND CO à l'étranger, tout comme la plupart des médias nationaux en étaient les zélateurs , à l’intérieur. Alors que chacun fasse sereinement son mea culpa , car les hommes , aussi grands fusent ils passent mais , LA TUNISIE DEMEURE .Des pères et mères se sont trompés de choix ( politique ) .Normal , avant le 14 janvier , la politique ( la participation aux affaires de la cité était au degrés zéro )t d'autres n'ont pas trempé , certains ont connu l'enfer sur terre ( torture et autres crimes dégradants... mais leurs rejetons, toutes tendances et régions confondus, ont réalisé la plus grande Révolution du 21 ème que les annales de l'Histoire doivent retenir comme " le siècle Tunisien ". Mieux ,un siècle qui sera Tunisien - pour les damnés encore sur cette terre-ou ne sera pas.!.Ainsi , disait le prophète Inconnu Aboul kacem CHEBBI , Enfin , personne ne sera content des médias.Le journalisme n'est pas et ne sera jamais une science exacte, mais tout le monde en aura besoin .. Agissez pour que notre presse , dans l'art et les techniques soit citoyenne , car nous sommes , en définitive tous des journalistes si nous respectons les règles de l'éthique, de la rigueur et du respect de la diversité .Sans adversité.A chacun son rôle et son apport qu'il importe de juger avec tolérance et à l'aune de la sincérité et ne pas à chaque fois chercher et trouver le bouc émissaire dans les médias qui ne sont , en définitive que le miroir de la médiocrité ou de la non médiocrité de toute société . Amicalement.

X

Fly-out sidebar

This is an optional, fully widgetized sidebar. Show your latest posts, comments, etc. As is the rest of the menu, the sidebar too is fully color customizable.