Moins de 'chacun pour soi' et plus de 'chacun pour Nous'
Outre les changements politiques, économiques et Sociaux largement débattus, certains changements dans nos approches et nos comportements conditionnent également le redressement de la nation.
Il s’agit pour chacun de nous d’une application généralisée
de trois principes ou règles de vie en société :
• Moins d’individualisme et plus de considération de l’autre
• Plus de communication et de transparence pour plus de confiance et de crédibilité
(il nous suffit de dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit)
• Plus d’écoute, de respect et de proximité avec les citoyens
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C’est ainsi qu’une nouvelle démocratie plus participative pourra sauver notre Tunisie.
Notre nouvelle Tunisie sera forcément meilleure que celle qui nous a vu naître et grandir, nous ne savons pas encore comment ni avec quels moyens mais une chose est sûre, la révolution a projeté le Citoyen en avant et nous ferions de nouveau fausse route si la construction de la Tunisie ne plaçait pas le Citoyen au cœur de ses préoccupations de la planification à l’exécution.
De nombreux modèles commencent à se dessiner progressivement dans nos têtes et nous l’espérons également dans les programmes de nos partis politiques et dans les priorités de ceux qui nous gouvernent.
Le modèle qui retient encore notre attention aujourd’hui est celui où le Citoyen serait la priorité de tous. Mais le respect de soi et/ou de l’autre et le sens du service au Citoyen ne sont pas des exercices faciles. Nous avons parcouru un sacré chemin depuis quelques mois et certains parmi nous pourront toujours attribuer les éventuels échecs de la transition à des facteurs indépendants de notre volonté, aux difficultés de la Libye ou à la crise financière à l’international… alors que nous savons bien que nous devons faire un travail profond sur nous-mêmes pour éviter d’être nous-mêmes les premiers freins au succès de notre transformation et de la transformation de notre Tunisie «?? ???? ???? ?? ???? ??? ?????? ?? ??????? ». Tout le monde s’accorde sur la nécessité d’un tel changement, notamment quand il concerne les autres.
Doit-on pour autant se braquer quand il s’agit de soi ?
Nombreux sont ceux parmi nos entrepreneurs qui imputent leur réussite davantage à leur compétence et à leur travail sans reconnaître la part significative de l’égocentrisme qui les a consciemment ou inconsciemment animé et qui leur a souvent permis de doubler les autres. Ceci n’enlève rien au respect que nous leur devons en tant que Citoyens en premier lieu et au regard des nobles objectifs portés par leurs missions mais ne serait-il pas permis d’espérer une inflexion de leurs sensibilités par rapport aux autres Citoyens et de les voir adopter une attitude de partage avec des méthodes et des comportements plus en phase avec le temps et la dignité de notre jeunesse ?
Certains se sont habitués à diriger à l’ancienne tous leurs sujets, employés, partenaires et même clients. D’autres se sont réveillés depuis quelques mois avec une âme de nouveau commandeur de la nation (à ne pas confondre avec serviteur de la nation) et se sont engagés dans la course au pouvoir avant d’analyser laquelle des constructions répondrait le mieux aux aspirations de la majorité de nos Citoyens. Ces Citoyens qui étaient ravis de changer d’air au début de l’année continuent à être inquiets de ne pas savoir qui fait quoi, comment, pour combien et dans l’intérêt de qui à la tête de l’état ou de ses institutions ? Heureusement pour une grande majorité de nos Citoyens qu’ils ont la Foi, le Dieu qui les a débarrassés des anciens pharaons de la Tunisie peut-il les livrer à de pires pharaons ?
Le manque de transparence à tous les étages de notre gouvernance actuelle est néanmoins ponctué de quelques informations partielles annonçant de temps à autres la tombée de certaines décisions. Ces informations restent insuffisantes pour expliquer la logique et rassurer le Citoyen sur le fait que c’est bien son intérêt qui est considéré en priorité pour un meilleur avenir de la Tunisie. Et pourtant c’est simple de dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit, a fortiori quand on n’a rien à se reprocher. Si seulement on pouvait ériger cette règle simple en obligation pour ceux qui nous gouvernent à tous les étages et en exiger l’application en commençant par le haut et en descendant progressivement jusqu’au Citoyen.
Dans quelle mesure l’opacité et l’obscurité qui nous entourent cachent-elle une vraie maîtrise de la situation ou une grande considération pour le Citoyen ? Ce Citoyen qui se trouve en obligation de douter, surtout que ce sont ses impôts qui paient et paieront l’ensemble des fonctionnaires et la majorité des décideurs de son avenir. C’est donc bien légitime de réclamer pour nos Citoyens le rang de Client et nous savons bien que dans les marchés qui avancent, le Client est Roi.
Nos citoyens continuent à ne pas être directement consultés sur les priorités des divers changements qui se préparent en Tunisie. Certes une petite partie de nos Citoyens a eu l’occasion de s’exprimer depuis quelques mois, souvent en réaction aux propositions avancées notamment par les partis politiques dont l’approche n’est pas plus consultative que celle des décideurs.
En effet, s’il tarde pour les Citoyens de vivre en démocratie participative avec une construction partagée dans le cadre d’une gouvernance légitime, la compétition entre partis est partie trop vite et ces derniers cherchent surtout à se faire entendre par le plus grand nombre, sans prétention d’écouter plus que ceux qui sont proches d’eux, ceux qui les écoutent ou les suivent, ceux qui réagissent parfois à leurs propositions et qui restent relativement minoritaires.
L’une des menaces de la réussite de notre révolution se cacherait-elle au fond de nous-mêmes, dans l’attitude légèrement informative et peu consultative notamment chez nos leaders, dans notre façon de considérer la sensibilité et l’avis de l’autre, comme si l’extrapolation de nos analyses et nos perceptions de nos propres besoins, opinions et aspirations pouvaient être représentatives de ceux de l’ensemble de la population ou pouvaient se substituer à ces derniers ?
Ce danger comportemental qui se manifeste comme une forme de malvoyance ou de surdité sélective en temps d’ouverture et de communication et qui représente un véritable risque pour notre transformation politique, notre relance économique et notre développement social, est malheureusement ancien et ce serait une erreur de l’attribuer uniquement aux anciens du RCD. Ce mal avait gagné de nombreuses couches sociales, de nombreux secteurs et métiers, de nombreuses générations et avait causé de nombreux désastres, notamment dans le tourisme à titre illustratif.
Notre tourisme s’est enfoncé dans sa crise structurelle parce qu’il n’a pas su mettre ni son client, ni son serveur ni même son infrastructure au centre de ses préoccupations. A l’exception du reste du monde, un projet touristique est déjà réussi en Tunisie dès que son porteur a obtenu l’accord bancaire pour son crédit. Même si les fonds mis à disposition pour l’investissement initial sont en partie déviés de leur destination, ces derniers ne sont pas perdus pour tout le monde… Une fois l’hôtel en exploitation, quand les nuitées sont bradées auprès des tours operators, il reste peu de marge pour offrir un service de qualité au Client consommateur/Touriste et encore moins un salaire décent ou une prime aux meilleurs Serveurs pour les encourager à mieux faire leur travail et réserver leur meilleure hospitalité aux Clients. En revanche, certains dirigeants dans certains hôtels pensent tirer leur épingle du jeu en sauvant leurs intérêts personnels, et ce à travers une commission qui leur serait versée par leur Client payeur, le tour operator, en devise et en toute discrétion à l’étranger. C’est ainsi que notre chacun pour soi s’est révélé destructeur pour tout un secteur.
Au Maroc et en Turquie où le Tourisme s’écrit avec un plus grand T, les dirigeants ont trouvé un meilleur équilibre entre leurs intérêts personnels, ceux des forces vives qui donnent à l’hospitalité tout son sens, les infrastructures d’accueil des touristes, les services complémentaires à l’hôtellerie de base et tout ça bien entendu sans sacrifier la satisfaction des clients consommateurs qui de ce fait seraient contents de recommander la formule et la destination autour d’eux et reviendraient eux-mêmes volontiers.
Notre tourisme est en crise notamment parce que nous avons confondu hospitalité et égoïsme/médiocrité/supercherie alors qu’ils ne sont pas miscibles. D’ailleurs nous avions pensé sauver la saison touristique 2011 en poussant plein gaz les ventes sans adresser comme il se doit la question cruciale de la sérénité/sécurité des Citoyens/Clients. Malheureusement, les taux de remplissage faibles (et je souhaite vivement pour nos Citoyens qui vivent du tourisme que les taux de remplissage remontent le plus tôt possible) viennent confirmer que les clients ne sont pas dupes. La promotion décalée que nous faisons de notre tourisme est non seulement peu efficace mais peut même aggraver notre image auprès de ceux qui seraient tentés de qualifier notre publicité de mensongère.
Nous avons besoin plus que jamais de réconcilier l’image que nous voulons donner de nous-mêmes avec notre réalité d’une part puis avec la perception du reste du monde et notamment les consommateurs de notre Tourisme et les autres investisseurs potentiels dans notre économie. Il nous suffit d’appliquer les mêmes règles de bonne réception de nos meilleurs amis dans nos espaces privés. C’est également là une forme de meilleur respect de l’autre que nous gagnons à développer et à partager.
Alors que l’emblème de notre Tunisie (qui n’a pas été remis en cause par notre révolution) porte les valeurs d’Ordre, de Liberté et de Justice, nous affichons une détermination molle pour maîtriser la sécurité et rétablir une justice à la hauteur des aspirations de nos Citoyens après la révolution. Le gouvernement provisoire expédie les urgences et les affaires courantes depuis 6 mois et nous finissons par admettre qu’il ne peut engager des réformes structurantes malgré un plan ambitieux de relance économique annoncé dès le mois d’avril. Le gouvernement qui lui succèdera nous expliquera probablement que la situation s’est aggravée depuis et qu’elle devra mettre beaucoup plus de temps et consommera beaucoup plus de moyens pour se corriger. Et le Citoyen la dedans ? Il devra patienter, gober ce qu’on lui annoncera avec un sentiment d’avoir été trompé et payer plus d’impôts pour alimenter une machine plus lourde ce qui ne nous épargnerait malheureusement pas de nouvelles sorties dans la rue.
Aussi compliqué et délicat que cela puisse être, la préservation de l’espoir et le retour à la sérénité doivent être dans nos actions les plus prioritaires et dans les urgences de notre gouvernance dès la phase transitoire. Le chantier est long, nous avons déjà consommé 6 mois et si les investisseurs étrangers ont des difficultés à faire le premier pas faute de sérénité partagée, le financement de notre relance économique devra passer davantage par un endettement a fortiori plus coûteux.
Chacun de nous peut gagner bien plus en considérant les intérêts de l’autre. Il y a quinze ans le monde de l’entreprise entamait sa révolution pour placer le client au centre de ses préoccupations et un nouveau métier est né, celui du CRM… Pour beaucoup de managers et d’employés, le CRM était pendant longtemps du chinois. Certaines entreprises ont mis une décade avant de réussir leur orientation client, développer une écoute, une sensibilité et des services attrayants et fidélisants. D’autres entreprises ont mal négocié leur virage et certaines ont quitté l’arène par la petite porte. Souvenez-vous de la décadence puis de la renaissance d’IBM, Apple… ou plus près de chez nous la leçon que Tunisiana a imposé au marché Tunisien et son impact sur la culture d’achat du consommateur.
Ce consommateur que nous avions vite appelé Client s’est retrouvé Roi, avec un pouvoir grandissant qu’il n’avait pas forcément réclamé au départ mais ce rendez-vous devenu historique s’est imposé à lui par la mondialisation, l’ouverture des marchés (et des supermarchés), les innovations technologiques et la culture de l’information à la portée d’un clic de chacun. Cette considération du Citoyen n’a pas privé Tunisiana de faire des bénéfices records, ce qui vient confirmer la pertinence de ce modèle dans lequel on peut aller plus loin et réussir mieux en respectant l’autre, le Citoyen.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous pressentons qu’un rendez-vous historique approche, il fera du Citoyen Arabe le nouveau Client/Roi de sa Ville, Région ou Pays… Cette évolution inéluctable dans notre décade fera la grandeur de ceux qui vont l’anticiper ou la conduire, s’imposera à ceux qui vont l’accompagner en hésitant et fatiguera ceux qui vont s’y opposer. Kadhafi et Assad n’ont pas encore envie de comprendre, Mohamed VI lui a choisi d’anticiper… Tout est question d’ouverture et d’agilité d’esprit. Bien au-delà des discours, nos politiciens et nos leaders doivent écouter nos citoyens exprimer leurs besoins et leurs attentes et tenir compte de leurs sensibilités, a minima au titre du respect de l’autre.
Nous comprenons mieux aujourd’hui qu’avoir la Tunisie en haut du classement des pays compétitifs en Afrique n’a pas fait le bonheur du Citoyen Tunisien et que beaucoup d’investisseurs étrangers qui ont considéré une implantation au Maghreb depuis une décade ont ignoré ce classement et sont allés plus facilement au Maroc pour la plupart. Que doit-on faire pour être en phase avec l’image que nous voulons donner de nous-mêmes et en harmonie avec le reste du monde ? Changer d’indicateurs ? Changer d’approche et de démarche ? Changer de Lunettes ? Changer de thermomètre ? Probablement changer tout à la fois, à commencer par notre regard sur l’autre. C’est alors que la nouvelle démocratie de la Tunisie pourrait voir grandir sa dimension participative.
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Mounir Beltaifa
Président Bridgers One
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