Blogs - 22.08.2011

Chute de Kadhafi: Sales temps pour les dictateurs arabes

Décidément, il ne fait pas bon  être dictateur dans le monde arabe aujourd’hui : après Ben Ali, Moubarak, c’est au tour « du doyen des chefs d’Etat dans le monde », si l’on excepte la Reine d’Angleterre et le roi de Thaïlande, c’est l’inénarrable Mouammar Kadhafi qui se voit contraint de quitter le pouvoir après 42 ans de règne sans partage. Un dictateur fantasque comme seules les sociétés arabes sont capables d’enfanter.

En 1969, la Libye était un pays en pleine déliquescence où le pouvoir n’était pas à prendre, mais à ramasser.  Et comme la nature avait horreur du vide, le 1erseptembre, un groupe « d’officiers libres »,  renversait le vieux roi Idriss Essenoussi. Son chef, le colonel  Kadhafi, un disciple de Nasser se proclamera quelque mois plus tard chef d’Etat. Il avait 27 ans. Personne ne se doutait que ce jeune officier idéaliste qui ne rêvait que de rendre leur dignité aux Arabes après la débâcle  de de la guerre des « six jours » allait se métamorpher au fil des années en monstre  dont la capacité de nuisance s’accroîtrait au fur et à mesure des échecs enregistrés, faisant reculer à chaque fois les limites de la déraison humaine.  Il était  Don Quichotte, Idi Amin Dada  et Hitler réunis dans la même personne.

 Au départ, il avait une idée fixe : l’unité arabe, comme son mentor, Nasser. Après la disparition de ce dernier, il prit sur lui de poursuivre l’œuvre du maître, s’octroyant le titre « d’Amin el Kawmiya El Arabya ». Suivra une série de tentatives unitaires toutes mort-nées, avec l’Egypte, la Syrie, le Soudan, la Tunisie, le Maroc et…Malte. Jamais à court d’idées, il se lancera à partir des années 80, dans le terrorisme international finançant à tour de bras tout ce que le monde comptait comme mouvements révolutionnaires comme  l’IRA, le mouvement Moro du sud des Philippines, l’ETA, les séparatistes corses, les opposants de maints pays africains dont la Tunisie et organisera les attentats de Lockerbie et de l’avion d’UTA abattu au dessus du Tchad…avant de se tourner vers l’Afrique en devenant le héraut de l’unité africain, allant jusqu'à se faire intrôniser roi des rois d'Afrique par une assemblée de chefs traditionnels. Pendant quatre décennies, Kadhafi fera parler de lui, défrayant  la chronique par son comeportement excentrique lors de ses visites à l’étranger  où il se faisait accompagner par une véritable smala composée notamment d’une centaine d’amazones à titre de gardes du corps,  et de sa fameuse tente high tech qu’il n’hésitera pas à planter dans les parcs des résidences mises à sa disposition.

Le bilan sur le plan intérieur n’est pas plus reluisant. Il fera de son pays le laboratoire des expériences les plus insensées (la troisième théorie, le règne  des foules ou jamahirya, la suppression de la propriété privée), modifiera le calendrier musulman. Il changera même de look,  endossant  tantôt le boubou africain, tantôt l’habit traditionnel revisités bien sûr par le plus grands couturiers européens ou  encore l’uniforme de général d’opérette constellé de décorations à la manière des vieux maréchaux soviétiques.   Mais c’est sur le plan des libertés que le bilan apparait comme le plus désastreux avec des milliers de dissidents liquidés, pourchassés jusque dans leur exil, sur les bords de la tamise,  jusque dans leurs geôles sans autre forme de procès,  une presse aux ordres,  tout juste capable de chanter les louanges du génial guide de la révolution.

Que restera t-il de Kadhafi ? beaucoup de gesticulation, du sang, des larmes, le  sentiment d’un gâchis immense  et un peuple exangue qui était venu à se demander pourquoi il était si pauvre, malgré les richesses pétrolières dont regorgeait son sous sol. C’est dire qu’à part ses obligés, il ne se trouvera pas beaucoup de monde pour le regretter, ni dans son pays, ni chez les voisins, Tunisie comprise, elle qui a eu par le passé à souffrir de  ses frasques. Les Tunisiens, notamment, ne sont pas près d’oublier ses attaques contre  leur révolution au lendemain du 14 janvier.

La Libye est peut-être le pays arabe le plus proche des Tunisiens. A chaque fois que ça allait mal, c'est vers nos voisins du sud, qu'on se tournait. Ce fut le cas en 1881 et dans les années 50. La réciproque est aussi vraie. En 1911, des milliers de Tripolitains comme on les appelait traversaient la frontière tunisienne pour trouver refuge dans notre pays après l'invasion italienne. Beaucoup  d'entre eux y ont fait souche. Un siècle plus tard, leurs enfants et petits-enfants refaisaient le même itinéraire pour échapper à la répression du régime de Kadhafi. En suivant les développements de la crise libyenne, beaucoup de Tunisiens ont été surpris par le nombre élevé de dirigeants de la révolution portant des noms bien de chez nous. Les Chammam, Ghariani, Zlitni, Tarhouni, Mosrati, Zaoui, Gmati sont en fait des noms libyens. Sait-on que Bourguiba est lui-même d'origine libyenne ? Les deux révolutions nous ont davantage rapprochés. Elles nous ont fait prendre conscience de la nécessité de conjuguer nos efforts. Sans doute dans ce monde globalisé, les relations de bon voisinage et la coopération classique entre deux pays voisins ne répondent plus  aux aspirations des deux peuples. Il faut aller plus loin, penser par exemple à une union économique et même plus si affinités.

Hédi Béhi

 

 

 

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8 Commentaires
Les Commentaires
Essahli - 22-08-2011 13:03

J'ai vécu trois années en Libye et je ne peux qu'adhérer à ce bilan négatif du règne de ce fou-furieux qu'était le "Guide", mais de là à y voir un Hitler, c'est un peu osé quand même, il n'avait de but d'extermination que celle de ces opposants, ce n'est pas peu, certes, mais enfin cela ne fait pas un peuple, la preuvre il aura résister 40 ans à la tête de son pays dont il a fait une ruine!

mahmoud Bédoui - 22-08-2011 19:35

Excellent article qui a bien résumé l'évolution de ce clown sanguinaire. Dommage qu'il ne soit pas signé. C'est curieux quand même de constater cela à chaque fois. Est-ce une décision de la direction de Leaders ou pas ?

Neila Charchour Hachicha - 22-08-2011 22:45

Je vois qu'on revient aux articles anonymes ...

Bibi - 23-08-2011 17:00

Peut être avec le départ de Ghadaffi, de nouveaux projets de développement économique inter pays arabes et africains verront le jour, par exemple une voie ferrée de Casablanca au Caire, un marché commun de produits agro-alimentaire et industriels, de la coopération inter africaine, j'espère la révolution en ces pays donneront une nouvel espoir aux rapprochements des peuples, à la coopération, la collaboration et la solidarité, donc le départ de Ghaddafi pourrait être avantageux sur ce plan pour faciliter les échanges entre les pays de la communauté arabe.

Lin jbalia - 25-08-2011 16:00

je félicite le peuple libyen du départ du leur sanguinaire, j espère qu il sera capture et juge! Quel bonheur de voir d' autre tête tomber dont leur peuple vivent dans la misère et une minorité du sérail profite de fortune de leur pays, je souhaite qu un jour on verra naitre un union saine entre les deux pays car on est complémentaire

patriote - 28-08-2011 13:32

Il faut constater que les lybéens n'ont pas de chance: un pays désertique sans moyens en apparence ,peu peuplé,des gens paisibles et qui ont été tout le temps persécutés par des invasions diverses et des guerres (la dernière est la 2° guerre mondiale) malgré eux .La lybie historique consernait le nord ouest le plus peuplé et le plus fertile et faisait parti de l'empire carthaginois, romain (elle a même founi à Rome un emperreur: Septime sévère) et plus prêt de nous les aghlabites et les hafçides.Il a fallu l'arrivée d'un opportuniste écervelé avec l'envolé de l'or noir pour tout récupérer à lui seul .En 40 ans de pouvoir il n'a dans son actif que le renversement d'un vieux roi malade et son remplacement par un fou imaginaire qui n'a aucune logique dans sa tête que tuer et emprisonner et jeter par la fenêtre les revenus du pétrole partout dans le monde (sauf chez ses voisins).On était tous étonné par la masse salariale du monde entier qui quittait le pays au début de la révolte et dont l'activité est superflue qui n'a aucune valeure ajoutée ni pour le peuple de lybie ni pour ses voisins.Espérant que le bon sens l'emportera cette fois-ci et avec le peu de moyens qui sont restés, la barre sera redressée pour le bien du peuple lybéen et ses voisins car ils sont au fond le même peuple et sont condamnés à avoir le même sort.

tifan - 13-10-2011 21:07

Bon article tout de même où l'essentiel est dit !Il fallait insister sur le fait qu'il tenait à faire hériter ses progénitures , ce qu'il reprochait au roi Senoussi !

tifan - 17-10-2011 16:23

J'aurais titré : temps hivernal pour les sales dictateurs arabes !

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