Success Story - 12.09.2011

Slaheddine Jourchi : «Les indépendants et la société civile doivent peser de tout leur poids»

Curieux parcours que celui de Slaheddine Jourchi ! Très jeune, à 16 ans, il s’engage dans l’action islamique à peine émergente, début des années 70, se joint à Rached Ghannouchi, Abdelfatteh Mourou, Hmida Ennaifer et d’autres militants pour fonder la Jamaa Islamique (qui donnera naissance au Mouvement de la Tendance Islamique), quitte la Jamaa dès 1977, prend ses distances par rapport à Ennahdha mais se retrouve pourtant impliqué dans le premier procès des nahdhaoui (1981) et condamné à la prison. Neuf avocats assurent sa défense bénévolement dont Radhia Nasraoui, Alia Chammari et Taoufik Bouderbala. Il découvre alors l’ampleur du combat pour les droits de l’Homme. A sa sortie de prison, Khmaies Chammari l’incite à participer à la création de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (1982). Il se présentera aux élections et s’y fera élire sous la présidence du Dr Saadoun Zmerli, aux côtés de Hamouda Ben Slama, Dali Jazi, Mohamed Charfi, Midani Ben Salah, etc. Il est aujourd’hui le plus ancien membre du comité directeur de la LTDH.

Par passion, il s’engage dans le journalisme dont il fera son métier. On le retrouve à Al Maarifa, puis congédié, il sera à Erraï, Le Maghreb, puis Haqaeq, avant d’être interdit d’écriture dans cet hebdomadaire et contraint à chercher de quoi nourrir sa femme et ses 4 enfants. Commence alors un long parcours de journaliste free-lance pour le compte de nombreuses publications arabes, de consultant et expert auprès d’organisations régionales, se constituant une précieuse réputation d’indépendance et de sincérité. Le 12 janvier 2011, il est à Doha, face à Hillary Clinton, lors d’un panel du Forum Al Mustakbel, face à 25 ministres des Affaires étrangères représentant le G8 et des pays arabes. Avec sa franchise naturelle, il dénonce le silence américain alors que des civils sont lâchement tués en Tunisie. La secrétaire d’Etat américaine se rattrape, lui rend un hommage personnel, puis exprime une condamnation solennelle du régime tunisien, alors au pouvoir.

Quelques jours après, Jourchi, de retour à Tunis, est reçu par le Premier ministre, M. Mohamed Ghannouchi, qui lui propose d’emblée de rejoindre le gouvernement en qualité de secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, proposition qu’il déclinera poliment, comme bien d’autres, même s’il est convaincu de la nécessité de soutenir le gouvernement de transition. Gardant sa liberté, il apporte sa contribution, sur divers fronts, à la réussite de cette transition. Un parcours exceptionnel et des positions très spécifiques qui méritent éclairage

«Ma relation avec le mouvement Ennhadha est assez compliquée, confie-t-il à Leaders. D’un côté, j’ai rompu tout lien organique et ce, depuis belle lurette. Et de l’autre, je défends deux questions essentielles qui le concernent. La première, c’est sont droit légitime à l’existence légale et à l’action. La seconde, c’est la nécessité de le voir changer de discours. En fait, nous avons le choix entre soit le pousser dans un angle mort qui ne l’incitera qu’au repli sur lui-même et l’extrémisme, ce qui aura de lourdes conséquences sur l’ordre public et la stabilité. Soit, l’amener à développer ses positons et les faire progresser de manière à les faire éloigner le plus possible des zones de l’extrémisme».

Slaheddine Jourchi ne s’en cache pas : bien qu’il s’oppose au mouvement Ennhadha, il n’hésite pas à contribuer à la maturation de ses points de vue et l’élévation de ses pratiques. Comment en est-il arrivé là. Un long combat.

«Je suis né dans une famille très modeste d’origine mauresque qui avait fui l’Espagne pour s’établir en Afrique du Nord. Mon arrière-arrière-grand-père était arrivé à Tunis il y a plus de 300 ans et a élu domicile à la rue Sidi Ben Dhrif, près de Bab Lakwes, dans les faubourgs de Bab Souika. Pour voisin mitoyen, nous avions la maison des parents de Si Béji Caïd Essebsi, et pas loin, celle de Si Bahi Ladgham. Mon père, sans grande instruction, travaillera comme compagnon Hrairi dans un atelier de tissage de sefsari avant de rejoindre la SNT, toute proche.

Mes premiers contacts avec la politique

Deux grands évènements ont marqué ma prime jeunesse et constitué un vrai tournant dans ma vie plus tard. Le premier, c’est l’arrestation de mon jeune cousin Taoufik, impliqué avec les militants de Perspectives, lors du procès de 1967-1968, dans la reconstitution d’une cellule du parti communiste, alors interdit, dans le quartier. Impliqué, il écopa de neuf mois de prison. Ce fut pour moi, à 15 ans, le premier contact avec la politique et l’action militante.

Le deuxième évènement, ce fut mon adhésion aux groupes islamiques et ma rencontre avec Si Hmida Ennaifer. Comme les autres membres de la famille, je faisais mes prières sans plus, mais j’étais avide d’enrichir mes connaissances et commençais alors à m’intéresser aux questions de la religion. C’est ainsi que passant un jour devant la mosquée Sobhan Allah, un individu que j’ai connu plus tard, Fayçal Battikh, s’est approché de moi et m’a invité à écouter un prêche à l’intérieur de la mosquée. L’orateur n’était autre que Cheikh Abdelfettah Mourou qui m’a subjugué par la fluidité de son discours, la clarté de ses idées. C’était le premier style pratiqué par Jamaat Ettabligh, pour recruter les militants, juste en les invitant à suivre des halakat dars. Rached Ghannouchi était rentré de Syrie, prônant l’attachement aux Frères Musulmans. Mais, ma rencontre la plus impressionnante a été celle avec Hmida Ennaifer qui, lui, rentrait de Paris après avoir terminé ses études de 3ème cycle à la Sorbonne. Naquit alors entre nous une relation indéfectible qui se poursuit à ce jour.

Ghannouchi créa la première cellule qui se réunissait à la mosquée Sidi Youssef, derrière la Berka. J’étais choisi pour en faire partie avec Salah Karker, Fadhel Beldi, Salah Ben Abdallah et d’autres. Notre action était clandestine pour ce qui est des réunions internes et au grand jour pour ce qui est de l’encadrement des élèves, étudiants et autres. Encore élève en 4ème année secondaire au Lycée Ibn Charaf, je me suis retrouvé à encadrer des aînés parmi les étudiants en dernière année, des professeurs, des ingénieurs et autres. Grâce à la charge psychologique et intellectuelle de la formation reçue, on se sent capable, au-delà des considérations de niveau scolaire ou d’âge, on devient capable de faire face à l’opinion publique, de tenir des débats et de former des militants.

Ma première expérience journalistique et nos divergences avec la Jamaa

Un élément particulier mérite mention : mon père étant à la SNT, je bénéficiai d’une carte de transport gratuit, ce qui m’a permis de sillonner le pays de long en large, durant les vacances scolaires, pour aller animer des halaket dars dans les mosquées, recruter des militants et créer des cellules un peu partout. De retour à Tunis, je voulais écrire à tous ceux que j’avais rencontrés, pour les remercier et surtout les encourager à persévérer sur la même voie. J’ai rédigé alors ma lettre-type et l’ai montrée à Si Hmida Ennaifer. Elle lui a tellement plu qu’il décida de la publier in extenso dans la revue «Al Maarifa» qu’il dirigeait, m’encourageant à écrire dans la revue. Du coup, j’ai rejoint l’équipe et j’en suis devenu le secrétaire de rédaction. Si Hmida ayant été éloigné de la revue, je lui ai succédé à la tête de la rédaction avant de finir par en être écarté, moi aussi.

En fait, les tensions avec la Jamaa islamya avaient commencé dès le début de 1977. J’avais écrit un livre sur l’expérience des islamistes progressistes qui a été édité en Egypte mais a suscité beaucoup de remous au sein de la Jamaa. C’était une analyse intellectuelle au moment où des questions de forte acuité se posaient à nous. Sur deux plans au moins, structurel et intellectuel.

Avec certains compagnons de route, nous avons acquis la conviction que le type d’organisation adopté ne favorisait pas le développement de la personnalité et n’offrait pas aux membres la liberté requise soit dans le choix des dirigeants, soit dans l’élaboration des politiques, ce qui conduit inéluctablement à des dissensions et des dissidences.

Sur le plan conceptuel et intellectuel, nous avons considéré que l’école des Frères Musulmans ne peut pas assimiler la spécificité tunisienne ni apporter des solutions appropriées. Bien au contraire, elle peut nous en créer beaucoup plus que ce qu’elle est capable d’en résoudre. Ce fut le début d’une révision radicale de la pensée de Sayed Qotb et Hassan Al Banna et la remise en question du projet entier des Frères. Cela nous a conduits à découvrir la pensée réformiste tunisienne et là nous avons appris avec stupéfaction que si nous avons de bonnes connaissances pour ce qui est de l’Egypte, nous ignorons presque tout de ce qui est notre patrimoine tunisien, culturel, religieux et intellectuel. Nous nous sommes livrés à la critique de la pensée salafiste dans son ensemble pour réhabiliter la pensée des Mootazela, ainsi que l’école rationnelle d’Ibn Rochd, et engager le débat sur la relation du rationnel avec le texte et la relecture du Hadith. Nos analyses ont dépassé le cadre politique pour poser la question de la réforme de la religion dans sa profondeur, ce qui n’a fait qu’élargir mes champs d’intérêt et enrichir mes connaissances.

Le journalisme mène à tout…

Ayant quitté «Al Maarifa», et voulant persévérer dans le journalisme, je me suis adressé à Erraï où feu Si Hassib Ben Ammar m’accueillit chaleureusement. C’est là où j’ai appris le vrai journalisme, objectif et non idéologique et pu affûter ma plume, tout en participant aux actions militantes. Durant les interdictions d’Erraï, je me réfugiais à Al Mostakbel, le journal du MDS fondé par Ahmed Mestiri. Omar S’habou m’a proposé de diriger la rédaction de la section arabe du Maghreb, puis après sa fermeture, j’ai assumé les mêmes fonctions à Haqaek (Réalités), jusqu’à ce que Ben Ali ait demandé, en 1997, mon départ, pressant son directeur de se débarrasser «des plumes envenimées.»

Ayant fait de ma plume mon unique gagne-pain, j’ai dû me résoudre à aller chercher des piges dans la presse arabe en me spécialisant dans trois domaines, à savoir la culture islamique et les mouvements islamiques, les droits de l’Homme et la société civile.

Cette prise de conscience des droits de l’Homme et de la société civile, je l’ai acquise lors de mon procès avec les islamistes en 1981. La solidarité manifestée en ma faveur par un collectif de neuf avocats entre nasséristes, baâthistes, islamistes, de gauche et indépendants, m’a révélé la puissance que peut représenter une coalition militante contre l’oppression et pour les droits de l’Homme. C’est pourquoi, dès ma sortie de prison, et comme pour m’acquitter d’une partie de cette dette, j’ai répondu favorablement à l’invitation de Khemaies Chammari et rejoint la Ligue dès sa naissance.

Sur cette lancée, je dirige actuellement une équipe de recherche basée à Beyrouth, dans le cadre du réseau des ONG arabes de développement et fais partie du conseil des administrateurs de l’Organisation arabe des droits de l’Homme, après avoir été le coordonnateur du réseau des démocrates arabes. En outre, je suis expert auprès de l’Instit arabe des droits de l’Homme et du Centre Al Kawakibi des transitions démocratiques.

L’hommage d’Hillary Clinton et sa ferme dénonciation de la dictature

Mercredi 12 janvier 2011, Slaheddine Jourchi était à Doha, invité au Forum Al Mustakbal et choisi pour représenter la société civile à un panel auquel prenait part la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton. «L’animateur, nous dit-il, m’a rapidement passé la parole pour parler de la situation en Tunisie et je n’ai pas manqué de dire à chaud que le pays passe par une épreuve très difficile dont il doit sortir le plus tôt possible et avec le minimum de dégâts, insistant sur l’action menée par les militants des droits de l’Homme.

Profitant de la présence de Mme Clinton, j’ai critiqué la politique américaine dans la région et stigmatisé le silence de l’administration américaine alors qu’un feu nourri est tiré sur des jeunes à mains nues, sans qu’il y ait une véritable dénonciation claire et ferme. D’emblée, Hillary Clinton prit la parole, d’abord pour m’adresser une salutation particulière, soulignant mon engagement militant, mais aussi pour exprimer une dénonciation très affirmée. Pouvais-je en espérer plus pour mon pays, surtout devant les représentants de haut niveau de 25 pays dont le secrétaire d’Etat tunisien aux Affaires étrangères, et sur Al Jazeera ainsi que nombre d’autres chaînes TV ?.

J’étais de nouveau sur Al Jazeera, jeudi soir, avant de prendre l’avion, vendredi 14 à l’aube pour Tunis. Arrivé dans la capitale vers 14h, j’ai immédiatement senti une atmosphère exceptionnelle et que la situation atteignait un haut degré de gravité. Multipliant les contacts, j’ai acquis la conviction que l’heure de la délivrance était proche, mais ne savais sous quelle forme. Pour être franc, je ne m’attendais pas à la fuite de Ben Ali. Je me disais qu’il allait peut-être faire d’autres concessions, appeler Ahmed Néjib Chebbi et d’autres dirigeants de l’opposition pour convenir des solutions appropriées. Dès que j’ai appris sa fuite, j’ai eu peur. Peur d’un coup d’Etat militaire, même si j’écartais cette hypothèse, ne croyant pas qu’il y ait au sein de l’armée des aventuriers politiques.

Mais, je me disais qu’il se pourrait que l’armée se trouvât contrainte de prendre la situation en main pour éviter l’effondrement de l’Etat et que cela pût se faire avec un soutien occidental ou une protection américaine, surtout. Les choses vont évoluer et je me suis trouvé favorable au soutien du gouvernement Ghannouchi, par souci de préserver l’existence même de l’Etat. Je voyais tous les risques qui le guettent et je ne voulais en aucun cas voir disparaître l’Etat.

En fait, je n’ai commencé à réaliser les exigences de l’Etat révolutionnaire que de manière progressive et demeure à ce jour convaincu que nous devons oeuvrer pour fonder une démarche qui n’étouffe pas la contradiction entre la révolution et la réforme, car je sais quel danger représente une rupture qui aboutit au grand vide. Ce qui s’est passé en Tunisie porte à mes yeux des traits d’une révolution, mais sans révolutionnaires. Je le pense parce que je considère que l’élite tunisienne, à travers ses différentes composantes, est une élite réformiste en profondeur. C’est là le sens de mon soutien au gouvernement de transition, dans un souci d’appui au nouveau processus, de peur que ne s’opère une rupture conduisant à la disparition de l’Etat».

J’ai cru alors que c’était de mon devoir de rencontrer le Premier ministre, M. Mohamed Ghannouchi, qui a été visiblement ravi de me recevoir et m’a surpris en me proposant, de suite, un poste de secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme au sein du gouvernement d’unité nationale qu’il s’efforçait de constituer. C’était à la veille d’un voyage à l’étranger dans le cadre de mes activités internationales. Evidemment, je lui ai expliqué que j’étais honoré de sa confiance, mais que mes différents engagements professionnels et militants m’empêchent d’y donner suite, l’assurant de ma disposition à contribuer à l’oeuvre de la transition.
 

Ce qui m’inquiète le plus

Quel rôle joue-t-il actuellement ? Sera-t-il candidat à la Constituante et sur quelle liste ? Qu’est-ce qui pose problème à la révolution tunisienne? Slaheddine Jourchi y répond avec clarté.
 

Pourquoi avez-vous décliné la proposition de rejoindre le gouvernement ?

J’estime que je ne saurais être utile dans l’action gouvernementale, surtout lors d’une période transitoire comme celle-ci. Mon rôle, comme celui de nombre d’indépendants, sera beaucoup plus fécond au sein de la société civile, dans l’édification d’une opinion publique en appui au projet d’un régime démocratique en Tunisie.

Quelles sont vos occupations actuelles?

Je suis sollicité de partout, mais j’essaye de me concentrer sur quatre grands axes qui m’accaparent fortement. D’abord, je suis journaliste et je le resterai. C’est ce que je sais faire le mieux et j’entends poursuivre jusqu’à la dernière minute l’exercice de ce métier que je tiens en véritable mission. C’est pourquoi j’ai accepté de participer à cette aventure de lancement d’un nouveau quotidien en langue arabe, Al Moharrir» (Le Libérateur), en attendant la publication d’un hebdomadaire dont on m’a proposé la rédaction en chef.

Il y a aussi le Forum Al Jahidh que je préside. Il demeure capable de jouer un rôle actif dans la période à venir, surtout que nous sommes en train de revoir sa stratégie afin qu’il contribue à la construction d’une culture politique approfondie en Tunisie. Il restera toujours à vocation culturelle et ne se convertira pas en parti politique. Notre objectif est de jeter les fondements de l’équation à laquelle nous avons toujours cru depuis notre scission du Mouvement de la Tendance Islamique, à savoir une relation dialectique et complémentaire entre la réforme de la religion et celle de la politique. Autrement dit, la culture islamique sera un facteur d’appui à la transformation profonde qui commence par la primauté de la liberté individuelle par rapport aux partis, jusqu’à l’édification d’un régime démocratique qui incarnera la souveraineté du peuple.

Je m’investis dans un troisième pôle d’activités, à savoir la poursuite de mon engagement au sein des réseaux d’ONG tunisiennes et arabes. J’ai d’ailleurs relevé à ce sujet qu’après le déclenchement de la révolution, les Tunisiens commencent à plonger beaucoup plus dans la situation interne sans prise réelle sur un danger qui guette la révolution tunisienne dans son ensemble. S’il n’y avait pas de révolution en Egypte et si la situation ne s’était pas déclenchée en Libye et au Yémen, l’avenir de la révolution tunisienne aurait été complètement différent.

Chaque révolution a besoin d’un contexte régional qui l’entoure et la soutient, sans lequel elle s’expose à de multiples risques d’étouffement et d’avortement. J’estime, d’ailleurs, que l’avenir de la révolution dépend de la réussite de ces révolutions arabes. D’où mon inquiétude, que je partage avec de nombreux autres dont ceux qui conduisent la transition démocratique, du scepticisme des voisins qui ne réalisent pas suffisamment ce qui s’est passé en Tunisie.

Seriez-vous candidat à l’Assemblée nationale constituante ?

Certains m’incitent à m’y porter candidat et je ne vous cache pas que jusqu’à présent j’hésite encore. Même si je considère que la nouvelle assemblée, aura aussi bien besoin d’un rôle effectif des partis politiques que de l’apport de nombre d’indépendants. A la condition, cependant, que ces indépendants soient en mesure de jouer un rôle d’intermédiaire positif entre les différentes composantes de la société civile et l’assemblée, afin que l’expérience de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution ne se répète pas. La prochaine Assemblée constituante dont j’espère la mission réduite dans le temps, sera déterminante dans la transition démocratique. L’essentiel pour moi est que si jamais je me décide de me présenter aux élections, ma démarche ne soit pas perçue comme la recherche d’un siège derrière lequel je n’ai jamais couru et ne le ferai jamais.

Si vous vous présentez aux élections, ce sera avec un parti ou sur une liste indépendante ?

J’ai été clair avec tous : je suis très jaloux de mon célibat politique. Mon expérience précédente au sein des partis m’avait créé un grave conflit : je me refuse d’endosser les erreurs des partis et d’être entraîné au titre de la discipline partisane, à travers les décisions prises, dans des positions qui ne m’agréent pas. C’est d’ailleurs l’une des raisons de la crise de l’action des partis dans le monde arabe. Nous constatons une impuissance à créer des partis à même de préserver la liberté de leurs adhérents en leur sein. Plus, les partis ne considèrent que leur propre logique et intérêt, quitte à sacrifier celui de l’individu. Au moindre conflit, c’est l’adhérent qui est exclu. Je dois reconnaître que nous n’avons pas réussi à construire de grands partis avec des ailes différentes, couvrant diverses sensibilités. En plus, si au sein d’un parti, émergent deux ou trois grands leaders, les dissensions ne tarderont pas à éclater conduisant souvent à des scissions.

Ce que je souhaite, c’est que l’expérience démocratique contribue à rendre mature l’action des partis et libère ceux-ci de leur caractère uniformiste qui accable la créativité.

Qui sera capable, d’après-vous, de jouer un rôle important dans la période à venir ?

Les indépendants et la société civile auront sans doute un rôle déterminant à l’avenir. L’un des éléments de l’équation compliquée en Tunisie est la capacité de la société civile de recomposer le paysage et conduire la transition, en toute indépendance des partis politiques. J’y accorde, personnellement, une grande importance et y place un grand espoir. Je vois émerger un esprit de volontariat et de bénévolat et, en face, un appétit démesuré pour le pouvoir, comme s’il était facile à exercer. Mon grand souci est de savoir à quel point les élites tunisiennes seraient capables d’aller pour saisir cette opportunité historique de la révolution et la convertir en transformation effective qui changera la Tunisie.
 

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5 Commentaires
Les Commentaires
monia - 13-09-2011 15:42

Monsieur JOURCHI, je compte beaucoup sur votre ésprit participatif avec d'autres Indépendants pour assurer la bonne transition démocratique en tunisie, certes les partis constituants le paysage politique en tunisie,telle qu'elle soit leur idéologie, sont affamés et veulent immédiatement arriver au pouvoir qui resterait toujours leur premier objectif et c'est pour cela que vous faites allusion au role trés important de la socièté civile dans ce processus assez compliqué et délicat pour l'instauration d'un systeme politique démocrate pouvant satisfaire tous les tunisiens . Néanmoins dans ces conditions assez particuliéres , serait il primordial pour ces tunisiens de se demander : qui est en fait notre société civile? de quelles associations ou organisations est elle composée , que sont ils leurs prérogatifs en ces moments et dans cette conjoncture bien déterminée . Personnellement j'en vois pas beaucoup mise à part les quelques "femmes démocrates " faisant l'interessant ces jours ci par des appels insolants à la destruction de tout ce qui fait distinguer notre société actuelle.

laabed - 13-09-2011 22:48

après le 14 janvier, il est présent sur les médias , et il joue le rôle délicat et indispensable de modérateur .a mon avis il le réussit parfaitement puisque à mon connaissance il n'est pas contesté dans cette mission difficile et ingrate.heureusement pour les tunisiens qui trouvent des volontaires à ce travail dans les moments difficiles.bref,nous avons encore besoins de types comme lui

anonyme - 13-09-2011 23:59

une révolution avec des révolutionnaires debouche sur des dictatures comme a Cuba.l' ere des idéologies est révolue meme en occident c 'est le pragmatisme et comment lutter contre la financiarisation des économies.les soucis des tunisiens : vivre en sécurité ; justice sociale concréte;retour de l 'ascensseur social;remplir le couffin pour sa famille .les discussions politiciennes ou yajouz et la yajouz sont le cadet de leur soucis

ouahchi - 14-09-2011 11:17

J'ai lu avec interet votre article,je vous felicite pour la clarte et la transparence de vos propos.La societe civie se doit d'etre un rempart en beton contre toute tentative de derive ,notre tunisie en a besoin.

khlifi - 14-09-2011 13:01

Je suis vraiment content que cet intellectuel libre ne fait plus parti d'Ennahdha et n’adhère à aucun autre parti politique .Je souhaite qu'il participe à la mise en place d'une conférence permanente à laquelle participerait particulièrement les intellectuels, penseurs, philosophes, scientifiques, historiens, linguistes... surtout maghrébins pour une lecture correcte du Coran et de la Sunna reconnue comme telle .Cet aéropage permettra de dégager un consensus sur ce que le musulman du XXI éme siècle est tenu de respecter s’il veut appartenir à l’Islam. Ce consensus jouera sur le plan politique un élément stabilisateur de nature à conforter le développement économique et civilisationnel de nos peuples. Le jeune issu de parents musulmans veut un Coran où chaque terme a une signification unique (Exemple : il est dit dans le Coran que le mari peut « frapper » son épouse mais cette lecture littérale ne serait pas exacte, car Dieu aurait voulu dire « s’en éloigner » ce qui est complétement différent !).Certains contestent « la Charia » comme le Professeur Taalbi. Il est possible de parvenir à limiter la Charia à ce qui n’est contesté par personne nonobstant le fait que cette Charia soit postérieure au décès du Prophète et qu’il aurait interdit de la consigner de son vivant. Les réformes engagées par la Tunisie indépendantes (interdiction de la polygamie, autorisation de l’interruption volontaire de la grossesse dans la limite de trois mois) gagneraient à recevoir l’accord de cette Conférence. Peut-on aujourd’hui interdire aux banques de servir et de percevoir des intérêts ? Doit-on célébrer la prière de l’Aïd en dehors des mosquées et laisser aux imans de légiférer ? Peut-on partager son patrimoine à égalité entre filles et garçons ? Le jeune musulman a soit de textes clairs et de pratiques incontestées adaptés à notre environnement d’aujourd’hui.

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