Success Story - 18.09.2011

Naceur Hidoussi : Pourquoi HexaByte veut s'introduire en Bourse

Il garde soigneusement en poche, telle une précieuse relique, le premier dollar qu’il a gagné à Los Angeles et ses deux cartes de visite d’ingénieur chez Hughes Space Communication, puis Boeing Satellite System, ses premiers employeurs. Naceur Hidoussi, 36 ans, fondateur d’HexaByte, 4e fournisseur de services internet (FSI) et premier de la catégorie à s’introduire en Bourse (sur le marché alternatif), incarne une superbe success story comme les Américains aiment s’en délecter.

Doubler sa part de marché actuellement de 8%, étendre son réseau de distribution pour le porter à 50 Hexabyte Stores et poursuivre l’innovation technologique: les objectifs de cette augmentation de capital de 5 MD, dont 2 MD par offre à prix ferme (OPF), sont clairs. Une grande détermination : réussir encore plus. Comment y est-il parvenu ? Pourquoi veut-il aller en Bourse et quels sont ses projets ? Il se confie à Leaders.

Le berceau de son enfance, juste après sa naissance en Tunisie, c’est la Guinée-Bissau, le Sénégal et la Mauritanie. Son père, Aissa Hidoussi, alors expert de la FAO (avant de devenir banquier, notamment PDG de la BH, puis de la Best Bank), y était affecté. Dans ces pays lointains, Naceur, plongé dans son enfance, avait deux grands rêves. Le premier, à force de prendre l’avion, est de devenir pilote, une manière de prendre sa liberté, de s’évader dans le ciel et de revenir au pays, quand bon lui semble. Le second, c’est, à force de suivre feuilletons et films américains, d’aller vivre aux Etats-Unis. Deux rêves qu’il réalisera.

Un PFE qui lui ouvre la voie royale

Les « années africaines » de Naceur cultivent son imaginaire et lui permettent de sauter deux classes, gagnant ainsi deux années d’études primaires. De retour avec la famille à Tunis, il poursuit ses études secondaires au Lycée Pères Blancs et décroche son bac (1991), à seize ans. Une bourse lui était accordée pour aller à l’INSAT Lyon, mais il décide à la dernière minute de rester à Tunis, s’inscrire à l’Institut préparatoire, à peine ouvert à Nabeul (dirigé par Taher Lakdhar, futur fondateur d’Esprit) avant d’être admis à l’Ecole supérieure des PTT (ancêtre de SupTelecom).

Comme projet de fin d’études, il choisira avec Zied Belhadj et Amel Benazza un sujet très ambitieux qui lui ouvrira la voie royale : le traitement de l’image pour l’analyse des données radar (Classification of radar images in polarimetric remote sensing) avec comme application la forêt des Landes en France. Utilisant des technologies innovantes à partir de données brutes, les trois jeunes chercheurs ont pu aboutir à des informations de biomasse, permettant par exemple de quantifier le bois de la forêt ou encore l’humidité du sol, etc. Poussant plus loin leur prouesse, ils ont eu le courage de proposer à la prestigieuse revue de l’IEEE la publication d’un article scientifique issu de leur recherche. Double surprise, l’article est publié et ses auteurs sont invités à présenter leurs travaux lors de la convention annuelle devant se tenir à Chicago (1998). Premier contact avec les Etats-Unis et coup de foudre.

Diplôme de l’ESPTT en poche, Naceur Hidoussi décide de s’offrir une année sabbatique à la découverte du pays de l’Oncle Sam. Pour tout viatique, il n’a emporté avec lui que mille dollars, un billet de retour prépayé et l’adresse d’un ami de quartier (Ould Houma) établi à Los Angeles. Arrivé en Californie et bien accueilli par son ami, il se met rapidement à chercher du travail. Premier job décroché, celui de livreur de sandwichs, pour le compte d’un restaurateur coréen. Chaque matin, il part faire sa tournée dans les studios de production cinématographique d’Hollywood, découvrant les plateaux de tournage de Channel 5, Fox, Paramount, et autres Majors. Quelques jours seulement après qu’il a commencé son travail et avant même de toucher son premier salaire pour la semaine, le premier pourboire lui tombe entre les mains. Il n’oubliera jamais le visage de cette dame qui lui offre ce précieux premier dollar qui lui porte bonheur et constituera l’origine de sa future fortune. « Là j’ai senti le goût de chaque dollar gagné à la sueur de son front et la saveur de savoir le dépenser/investir utilement. C’est absolument extraordinaire comme expérience ! », confie-t-il.

Une somnolence qui lui attire le soutien de son professeur, compatissant

Naceur a rapidement compris qu’aux Etats-Unis, il faut progresser très vite et saisir toutes ses chances. S’il a fait le voyage et choisi de travailler, c’est certes par esprit de découverte, mais il doit surtout poursuivre ses études universitaires et tirer avantage de l’avancée technologique. Un grand handicap, cependant, le prix élevé des frais d’inscription. Naceur découvre en effet que ces frais augmentent en fonction du statut de l’étudiant, avec des avantages pour les originaires de la Californie, moins pour les Américains des autres Etats et le plein tarif pour les étrangers. Travaillant 50 à 60 heures par semaine, wee-kend compris, et déterminé à préparer un mastère en génie électrique à la California State Polytechnic University (à Pomona, 45 km de Los Angeles), il n’a pu se payer que le package minimum de 8 heures de cours. N’empêche, il mettra les bouchées doubles, malgré la grande fatigue du travail, obtenant à chaque examen la note maximum et espérant pouvoir se payer plus de cours pour décrocher rapidement son diplôme.

Mais voilà qu’une somnolence viendra le délivrer de cette rudesse et lui ouvrir de nouveaux horizons. Succombant à la fatigue, Naceur s’est laissé allé un moment, en plein cours, entre les bras de Morphée pour un petit somme. Il ne s’est réveillé qu’a l’appel affectueux de son professeur, qui apprécie bien son assiduité et ses bonnes notes et a rapidement compris les difficultés financières de son étudiant. Du coup, il le proposa pour l’unique bourse de mérite offerte chaque année par l’université, mais il restait à Naceur de la remporter parmi des centaines de candidats. Et il la décrochera.

Sa première start-up et son deuxième rêve

Soulagé, rassuré sur le financement du reste de ses études, Naceur pouvait respirer un peu et améliorer son quotidien. Ayant connu nombre de Tunisiens formant notre petite communauté en Californie, Naceur était souvent sollicité pour des conseils en matière d’immigration, quant aux démarches en vue de régulariser une situation, faire venir un parent ou conseiller à quelqu’un comment postuler à la grande loterie que l’Administration américaine venait juste de lancer. Chaque année, près de 55.000 visas de séjour sont en effet mis en loterie, suscitant des milliards de candidatures. Pour en décrocher une, il faut juste savoir remplir correctement un formulaire et se fier à sa bonne étoile. C’est alors que Naceur a eu l’idée d’offrir ses conseils aux candidats, à partir d’un site internet 100% dynamique, moyennant une modeste somme, et créa à cet effet sa première start-up, Diversity Visa Services (www.dvs-usa.com qui existe encore).

Alors là, les choses commencent à changer pour Naceur et l’opulence à poindre. L’argent arrive, à petites sommes certes, mais à bon flux. Avec cet « excédent de trésorerie », il s’offre alors la réalisation de son deuxième rêve : devenir pilote. C’est ainsi qu’il prendra des cours et obtiendra sa licence. La vie commence à lui sourire : à 24 ans, il vit déjà ses deux rêves d’enfance. Il ne lui restait qu’à boucler son mastère et décrocher un travail, ce qui ne va pas tarder.

Au lancement de Thouraya 2

Mastère obtenu, il se rend au salon de l’emploi en plein boom de la demande qu’organise l’université et tombe sur deux offres qui l’intéressent le plus. La première chez Hughes Space Communication qui travaillait sur le lancement du satellite Thouraya 2 pour le compte des Emirats Arabes Unis, et British Aerospace. Confiant en ses capacités, il mettra les deux employeurs aux enchères et finira par signer avec Hughes. Naceur, immédiatement opérationnel grâce à sa double formation tunisienne et américaine, se joint à l’équipe de 40 ingénieurs qui forment le noyau dur et n’a de cap que sur le compte à rebours du lancement.

«Vous ne pouvez jamais réaliser cette émotion et cette joie que j’ai ressenties avec toute l’équipe lorsque Thouray 2 a décollé et le lancement réussit, confie-t-il. Personne n’arrivait à retenir ses larmes ». Hughes sera rachetée par Boeing Satellite System et Naceur y sera promu, devenant parmi les top-paid. Bref, les Etats-Unis et plus encore la Californie lui déploient tous leurs charmes : un bon poste high-tech, un salaire élevé et la possibilité de louer un petit avion pour aller faire un saut au Mexique ou à Las Vegas et prendre l’air frais en plein torse ! Mais, ce doux farniente américain ne durera pa longtemps. Naceur commence à penser au retour en Tunisie, mariage avec sa bien aimée, installation et lancement de son projet. « Vous savez, nous dit-il, les Tunisiens ne sont pas comme les Libanais, par exemple, qui se fixent là où la chance leur sourit. Très attachés au pays, nous ne pensons qu’à y revenir et ne saurions résister longtemps à cet appel pressant en nous ».

La décision la plus difficile à prendre

Apprenant qu’un appel à candidature allait être lancé auprès de jeunes promoteurs pour l’octroi de 3 nouvelles autorisations de fournisseurs de services internet à Sousse, Sfax et au Nord-Ouest, il y verra une excellente opportunité, lui permettant de mettre à profit son savoir technologique et de lancer un bon projet. « Ce fut pour moi la décision la plus difficile à prendre, nous dit-il. Tout laisser tomber en Californie, mon poste, la qualité de la vie et la tranquillité, ou se lancer dans la course en Tunisie et relever un grand défi ? Mais, j’avais cette détermination de rentrer, de m’y investir et de réussir ».

Retour donc à Tunis, préparation du dossier de candidature avec le choix de Béja comme lieu d’implantation, malgré toutes les difficultés d’infrastructures technologiques, les démarches pour le montage financier, avec le concours de la Sodino, en capital risque. Bref, toute l’angoisse au ventre du jeune promoteur. « J’y ai mis toutes mes économies, jusqu’au dernier dollar rapporté des Etats-Unis, mais aussi tout mon espoir, répondant aux sirènes de l’appel à l’investissement au pays et faisant confiance aux promesses d’aide et d’encouragement. Et ce ne fut guère aussi facile que je m’y attendais».

« A force de vivre dans un pays très structuré comme les Etats-Unis avec des règles claires et bien fixées, on devient un peu candide. Face à la réalité des choses que j’ai commencé à apprendre à connaître en Tunisie, j’ai dû faire beaucoup d’effort pour m’y adapter, payant souvent un prix fort. Déjà le marché était écrémé par les deux premiers FSI historiques, Planet et Gnet. Ensuite, l’éloignement à Béjà pose des difficultés de débit (2 mégas en tout et pour tout), et d’étroitesse du bassin de recrutement de la clientèle. En plus de toutes les autres contraintes. Sans me laisser décourager, l’autorisation obtenue, je me suis lancé avec 4 collaborateurs seulement à construire la plateforme et démarrer l’entreprise ».

Deux longueurs d’avance

« Dès le départ, poursuit Naceur Hidoussi, j’ai opté pour une technologie de pointe et surtout une mentalité différente me garantissant au moins deux longueurs d’avance sur mes compétiteurs : le travail collaboratif en ‘open space’, les logiciels partagés (web based, OS free, device free) et beaucoup d’idées en tête. Quand je parlais à certains de mes interlocuteurs dans l’Administration tunisienne, à l’époque de full IP ou streaming IP, j’avais l’impression d’être un extraterrestre qui débarquait d’une autre galaxie ».

« Le lancement effectué et les difficultés contournées, au jour le jour, il fallait me battre pour obtenir auprès de Tunisie Télécom un tarif égal à celui accordé à mes prédécesseurs du secteur, aller chercher les clients un à un, continuer à investir dans la technologie et le marketing, ouvrir un point de vente à Tunis, établir un système probant de relation-client, assurer le SAV, etc. Je ne vous le cache pas : ce n’était guère facile et l’argent ne rentrait pas suffisamment, ne serait-ce que pour payer les charges courantes. Les fins de mois étaient si dures que j’ai dû une fois me résigner à vendre l’une des deux voitures de HexaByte à l’époque pour payer les salaires de mon équipe. Sans me décourager pour autant, bien au contraire, l’ampleur du défi à relever ne faisait que galvaniser mes énergies».

«Aujourd’hui, le plus dur est derrière nous ! L’effort et la détermination ont fini par payer. Si le démarrage a été très difficile, nous obligeant à arracher les abonnements sans brader les prix, lésiner sur la qualité de service ou sacrifier la relation-client, nous sommes à présent sur une bonne rampe de lancement. Avec 8% de part de marché (40 000 abonnés) sur un marché à fort potentiel (500 000 abonnements adsl sur plus de 2.3 millions de foyers), nous avons de larges perspectives devant nous. Et nous devons saisir cette opportunité».

D’où vient le nom HexaByte ?

« J’étais dans l’avion de Los Angeles, sur le chemin du retour à Tunis, taraudé par le choix approprié. Il fallait à la fois me distinguer des autres FAI, dont les appellations se terminent toutes par net, comme Planet, Gnet, puis Topnet et Tunet, mais aussi exprimer de nouvelles ambitions numériques. Hexa veut dire 5, et byte, c’est 1 octet de 8 bits. La multiplication de 5 x 8 donne 40, soit la taille du pack IP le plus petit, et c’est parti pour HexaByte ! Après cette trouvaille, j’ai pu dormir un peu jusqu’à l’escale en Europe ! ».

Le choix de la Bourse

Pourquoi voulez-vous vous introduire en Bourse ?

Jack Welch disait : changez avant que vous ne soyez obligés de le fai¬re. Le modèle économique des FSI s’apprête à connaître de profondes mutations. Il faudrait se convertir soit en opérateur data, soit en Mobile Vir¬tual Network Operator, comme Virgin Mobile, ou M6. Dans les deux cas, il faut se recapitaliser. Le premier pas est d’investir dans la distribution, pour être plus proche du client, là où il se trouve et lui apporter un service de proximité. Le deuxième est à travers le développement vertical en diver¬sifiant les produits. Si on ne franchit pas ces deux pas, on ne peut creuser l’écart avec la concurrence ».

L’extinction inévitable dans quelques années de l’ordinateur portable fait émerger les tablettes et autres an¬droïdes. Il faut dire aujourd’hui au client que s’il n’a pas un ordinateur, il peut se contenter d’une tablette qui, à un prix nettement moindre, peut faire l’affaire. Et là, par exemple, nous proposons une tablette Coby Kyros à moins de 300 DT TTC. Pour y par¬venir, vous pouvez imaginer l’effort de conception, de négociation à l’achat, et de développement d’ap¬plications appropriées ».

«Autre diversification produit, un pe¬tit appareil GPS qui vous permet non seulement de localiser un véhicule de votre flotte ou votre enfant, mais aussi de parler et cela à un prix de 99 DT TTC. Et ce n’est qu’un avant-goût de ce que nous allons offrir à travers notre réseau de distribution ».

Quels sont vos objectifs marketing?

Actuellement, nous avons 12 Hexa¬bytes Stores, les tout derniers vien¬nent d’ouvrir à Monastir, Mahdia et au Kef. Notre objectif est d’atteindre rapidement 50 magasins, en plus de tous nos revendeurs et d’accroître notre part de marché à 13-14%, soit 150.000 abonnés, d’ici 2016.

Tout ce développement exige un finan¬cement approprié que nous n’avons pas intérêt à solliciter auprès des ban¬ques, cherchant à bénéficier de coûts nettement meilleurs. Et c’est ce que peut nous offrir le marché financier à travers une introduction en Bourse.

Comment se présente la recapitali-sation ?

Nous avons procédé en deux temps, dans le cadre d’une augmentation du capital pour un montant total de 5 MD. Nous avons d’abord accueilli trois fonds d’investissement : le «Tu¬nisian Development Fund», «ATID Fund1 : fonds d’investissement tuni¬so-saoudien» et Challenge Sicar qui ont souscrit à hauteur de 3 MD. Nous mettons 2 MD en offre au public (Of¬fre à Prix Ferme «OPF») portant sur 333 334 actions nouvelles à émettre, soit 16 % du capital après augmentation. Le Conseil de la Bourse vient de don¬ner son accord sur l’admission du titre sur le marché alternatif et nous finali¬sons à présent les démarches néces¬saires pour obtenir le visa du CMF sur le prospectus de l’OPF.

Forts de cette recapitalisation et de notre cotation en Bourse, nous abor¬dons alors notre développement sur des bases solides et avec des atouts précieux. Une bonne maîtrise des coûts, tant pour la production de nos équipements (routeurs, tablettes, GPS, etc.) que de nos financements et charges, une vision distinctive et innovante, un réseau bien déployé, une taille humaine qui nous permet de contrôler la qualité de notre rela¬tion client et beaucoup de détermi¬nation : nous sommes prêts pour la compétition ».

Bourse : l’offre à prix ferme

Le Conseil d’administration de la Bourse a donné, lors de sa réunion du 28 juillet 2011, son accord de principe pour l’admission au marché alternatif de la cote de la Bourse des 1 750 000 actions constituant le capital actuel de la société HexaByte, ainsi que des 333 334 actions nouvelles souscrites à émettre dans le cadre de l’augmentation de capital, soit au total 2 083 000 actions de nominal un dinar chacune.

• Diffusion des titres offerts : l’Offre au public (Offre à Prix Ferme «OPF») porte sur 333 334 actions nouvelles à émettre, soit 16,0% du capital après augmentation. Intermédiaire introducteur
• L’introduction d’HexaByte sera assurée par l’intermédiaire en Bourse TSI.
• L’évaluation a été réalisée par United Golf Advisory Services «UGAS».
 

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2 Commentaires
Les Commentaires
ben yaghlane - 19-09-2011 20:30

félicitation naceur bonne chance avec la bourse

Mansour Lahyani - 23-09-2011 10:26

Très intéressante interview, et jolie success story. Un bémol, toutefois : le nom Hexabyte semble relever d'une erreur de calcul. Hexa signifie six et non pas cinq. L'explication 5x8=40 est donc à revoir. A part ça, BRAVO !

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