Sortir du marasme actuel n'est pas qu'affaire de financement !!!
D’un côté, une situation économique et sociale inouïe. De l’autre, un débat politique qui s’enferre et s’enlise dans des questions sociétales stériles, certes, il est vrai sur fond de provocation obscurantiste.
Le corps social n’en finit pas de se débattre dans les contradictions héritées du système. L’opinion publique est en quelque sorte prise à témoin entre d’une part les tenants d’une moralisation de la société et des mœurs perçus comme un préalable, et de l’autre une classe politique qui faute de vision programmatique s’empêtre déjà dans des jeux politiciens. Autant le dire crûment, le spectacle est affligeant. Le nouveau gouvernement provisoire donne l’impression de ne pas savoir s’émanciper de pratiques opaques et arbitraires, sorte de legs du passé, tandis qu’en face une frénésie ardente de rassemblement ralliement s’est emparé des exclus du pouvoir, mais dont on a peine à comprendre les tenants et les aboutissants. Atterrant et consternant, et à l’évidence très loin des espoirs et des attentes de tout un peuple en quête de solutions concrètes.
Mais où est donc passé ce magnifique souffle de la révolution, celui du rendre possible l’impossible, celui de la volonté de surmonter tous les obstacles dans un élan commun.
Il est vrai que les choses ne sont pas si simples : les caisses sont vides ou presque. Entendons-nous : le pays ne devrait tout de même pas sombrer dans une crise de type subsaharienne (non paiement des salaires, risque de famine), mais il n’y a pas, à l’évidence, d’argent « frais » du moins du côté de l’Etat.
Cette prémonition lancinante communément partagée était déjà perceptible dans les programmes économiques et sociaux dont les différences n’avaient le plus souvent pas plus d’épaisseur que celle d’une feuille de papier. Sans argent point de salut ! Haro sur les financements de l’aide étrangère, sans lesquels le pays ne résistera pas longtemps.
Ce n’est pas simplement dans l’air du temps, mais bien profondément ancré, tant dans l’esprit des agents et des opérateurs économiques, que de celui des élites.
Et si cette aide ne venait pas! Et si à mieux y regarder les bailleurs de fonds publics comme privés se détournaient de notre pays, il est vrai « petit confetti », à l’échelle de la planète ? Serions-nous pour autant livrés à un sort inexorable, condamnés au déclin et à la ruine ? Voilà bien des questions « éludées », sorte de cauchemars enfouis, horreurs cachées au plus profond du subconscient de nos élites du moment!
L’élan émancipateur n’est pas mort, il ne demande qu’à être réactivé et rasséréné. La Tunisie ne recèle-t-elle pas suffisamment de ressources en elle-même ?
Qu’adviendrait-il dans l’hypothèse d’un désintérêt pour notre jeune transition dite démocratique ? Les amis et frères se détournant ? Tout simplement impensable ! Et pourtant l’histoire est pleine expériences douloureuses, de pays au bord du gouffre ayant du affronter d’immenses difficultés et qui ont su se ménager des portes de sortie, on ne peut plus honorables.
Il est vrai que dans l’imaginaire, les uns se voient comme un « futur Dubaï » quand d’autres s’imaginent une « nouvelle Suisse ».
Il y a mieux à faire: Accepter une austérité vertueuse, sorte de rigueur économiquement viable, équitablement partagée, empreinte de la même logique que celle qui prévalait dans les premières années d’indépendance : sacrifices et privations librement consentis, allocation parcimonieuse de ressources rares, volonté réaffirmée de lutte contre la précarité et les inégalités devenues insupportables. Il faut avoir été pour ainsi dire épargné par les fléaux de notre société, inconscients des drames, pour croire que l’issue réside encore dans les recettes du passé. Et pourtant !
Les signes manquent, pire ils ne sont pas au rendez-vous du moment
Le nouveau gouvernement découvrant l’étendue des dégâts (un Titre II plombé anémique) aurait été bien mieux inspiré en envoyant des signes de rigueur que de se lancer dans une tentative désespérée de fuite en avant quémandant lignes de crédit et autres subsides extérieurs. Il aurait pu annoncer une réduction du train de vie d’une administration pléthorique, de lutte contre des gaspillages indécents qui recèlent plusieurs dizaines de millions d’économies. Il aurait pu jouer sur quelques curseurs de taxes dans l’arsenal existant, générant ici aussi des ressources réaffectables. Il aurait ainsi attesté et avertit de ses choix immédiats et de son orientation.
Et quand bien même, on ne peut tout attendre de l’Etat et de son gouvernement actuel, les organisations professionnelles, patronales et syndicales, seraient tout aussi inspirées si d’aventure elles osaient tenter un rapprochement : pause salariale contre embauche, effort sans précédent de formation qualifiante.
Tout le monde semble buter sur la seule question des moyens, comme si des redéploiements n’étaient pas tout aussi urgents.
Pas de locaux, mais pourquoi ne pas utiliser ceux existants pour des cours du soir. Pas d’enseignants, mais pourquoi ne pas faire appel au bénévolat indemnisé ?
Il va sans dire que ce ne sont que de simples illustrations, métaphores en raccourci de ce qui reste dans l’ordre du possible. Irréaliste, utopique et romantique…à des années lumière de ce que les uns et les autres sont près de consentir.
L’exemple pourrait pourtant venir d’ailleurs et s’imposer brutalement. L’austérité de droite comme la rigueur de gauche en Europe pourrait bien nous obliger à revoir nos propres turpitudes inavouées de consumérisme outrancier, du gaspillage outrageux de ressources naturelles, de toutes ces pratiques sociales mimétiques d’un occident repu.
Façonnées des années durant par l’individualisme libéral, nos élites semblent comme enfermées dans leurs indéboulonnables poncifs. Incurie qui pourrait bien se révéler dévastatrice.
Hédi Sraieb,
Docteur d’Etat en économie du développement
- Ecrire un commentaire
- Commenter