Terreur salafiste à la Manouba
De mémoire d’enseignant sur le point d’achever la trente neuvième année de sa carrière, je ne me souviens pas avoir été témoin d’une journée aussi cauchemardesque que celle que je viens de vivre ce mercredi 7 mars. Il m’a été donné d’assister sous le régime de Bourguiba et de Ben Ali à de nombreuses crises, à des moments dramatiques à l’université mais je n’ai jamais vu des scènes aussi terrifiantes où une faculté, des enseignants et des étudiants sans défense ont été livrés par les autorités à l’hystérie d’un groupuscule politique. Des étudiants rcédistes ont, certes, pu parfois attaquer des institutions universitaires à l’occasion d’élections des représentants des étudiants au sein des conseils scientifiques mais ces agressions n’ont jamais été perpétrées par des milices rcédistes et les enseignants ont toujours été épargnés.
Ce groupuscule politique qui a pris en otage aujourd’hui notre faculté était composé d’une centaine de salafistes et de membres du parti Ettahrir, arborant les drapeaux de leurs partis respectifs. Ces miliciens dont certains ont été reconnus comme des commerçants ayant pignon sur rue dans des quartiers populaires voisins de la faculté et qui rappellent par leur uniforme – habit afghan et brodequin militaire – , leur comportement violent, leurs chants, les groupuscules fascistes et extrémistes qui ont sévi dans d’autres contrées, sont venus réclamer le départ du doyen élu de la FLAHM. Bloquant l’accès à la faculté, ils ont empêché tous les étudiants d’en franchir le seuil et interdit aux voitures d’y pénétrer.
Cette interdiction a suscité la rage de beaucoup d’étudiants désireux de rejoindre les salles de cours, très critiques à l’égard de l’autorité de tutelle accusée de connivence avec les partisans du niqàb, mais impuissants devant les menaces des salafistes, impressionnants par leur force physique, grossiers à souhait et dont le regard, les gestes et les propos arrogants dissuadaient de nombreux étudiants à persévérer dans leurs tentatives de forcer le blocus. Ce barrage humain érigé par les salafistes semblait plaire à quelques étudiants arabisants auxquels on a fait accroire que la détermination des enseignants à refuser les niqabées avait engendré l’impasse, les avait privés de cours et qu’il fallait les faire plier en recourant à la politique du pire.
Vers dix heures et demie, l’obstination de la majorité habituellement silencieuse renforcée par des militants de l’UGET a fini par avoir raison du blocus. Mais seuls quelques cours ont eu lieu à cause du forfait de nombreux étudiants craignant dès le départ de se mesurer aux salafistes et préférant rentrer chez eux et en raison de la décision prise par les militants de l’UGET d’organiser une assemblée générale devant l’administration centrale pour contrecarrer la démonstration de force des salafistes.
La joute verbale, par assemblées interposés, opposant salafistes et ugétistes se transforme en une altercation sur le toit de l’ancien poste de police lorsque des salafistes ont enlevé le drapeau tunisien et l’ont remplacé par le drapeau noir du parti Ettahrir. Cette profanation de l’emblème national, perçue comme une atteinte à l’unité de la Nation et un affront à ses valeurs et au sang versé par ses martyrs a suscité une réaction très noble et très héroïque chez une jeune étudiante qui, contrant le sectarisme du salafiste, s’est précipitée pour hisser à nouveau le drapeau national et qui, bien que sauvagement bousculée est parvenue à ses fins avec l’aide d’autres camarades.
Ce sacrilège n’est pas sans rappeler une autre scène où l’un des sit-ineurs, en tenue de combat, brandit dans une attitude iconoclaste, après s’être hissée sur le socle élevé de la sculpture baptisée « Michket el Anouar » (la lanterne du savoir) et située au milieu du parc , ce même drapeau noir du parti Ettahrir. Cette scène qui s’est déroulée à la fin des examens semestriels, et qui est emblématique des enjeux de l’affaire du niqàb, signifie la politisation de l’université, son asservissement aux idéologies, l’intention d’en faire l’instrument d’une idéologie sectaire, d’une propagande pour un nouveau projet de société inspiré d’une lecture dogmatique de l’Islam qui exclut les autres interprétations considérées comme des hérésies. L’élément nouveau aujourd’hui qui réside dans la profanation de la bannière nationale confirme ce projet sectaire.
Ces salafistes, après un échange d’accusations et d’insultes mutuelles avec les ugétistes, pourchassent ces derniers à l’extérieur de la faculté, blessant deux d’entre eux selon des témoignages concordants. De retour à la faculté, ils essaient de semer l’épouvante à l’intérieur de l’établissement. Alors que j’étais en train de discuter de la situation avec un groupe de trois collègues, l’un des salafistes qui semble avoir mis les pieds à la faculté pour la première fois, plus hystérique que les autres et suivi par une horde déchaînée, courant à une allure vertigineuse vers l’administration centrale qui abrite le bureau du doyen, toise notre groupe et nous dit : « L’un d’entre vous est-il le doyen mécréant ? » et il nous aurait agressé sans l’interposition énergique de l’un des étudiants qui a craint le pire. Une niqabée vocifère : « Où est le doyen ? Je vais le frapper d’un coup de couteau »,. Et le groupe de continuer sa course folle vers le bureau du doyen à qui je téléphone et qui m’apprend qu’il n’est plus dans son bureau.
A peine sorti de la faculté, je suis témoin de la cavalcade d’un groupe conduit par une jeune fille et pourchassé par un groupe de barbus. Bien qu’essoufflée et en proie à une grosse panique, elle m’informe qu’elle est journaliste freelance, qu’elle travaille pour la BBC et qu’elle est poursuivie, elle et son groupe, pour avoir filmé les salafistes en train de tabasser un étudiant de l’UGET, l’objet de la poursuite étant bien entendu la confiscation de la caméra du groupe pour récupérer le film accusateur . Un citoyen remarquant le désarroi arrête sa voiture et nous avons le temps de nous y engouffrer.
Que les salafistes sèment la terreur à la faculté, qu’ils menacent de mort le personnel, qu’ils cherchent le doyen pour l’agresser ou le poignarder, tout cela n’émeut nullement les autorités qui se murent dans un silence complice. Les requêtes du doyen auprès des autorités sollicitant l’intervention des forces de l’ordre pour mettre fin à l’attaque des salafistes et au chaos qu’elle a générée n’ont pas été prises en considération. Nous sommes devenus coutumiers de cette attitude qui n’étonne plus venant d’autorités qui nous ont aussi habitués à prendre la défense des agresseurs ou qui nient le réel en évoquant la fabulation des enseignants ou le déforment en parlant de l’amplification des faits. Vers dix sept heures, le sit-in est levé par les sit-ineurs eux-mêmes selon les informations qui me sont parvenues.
Cette journée dramatique a entamé, il faut l’avouer, le moral des collègues les plus jeunes mais la détermination à sauver l’année universitaire et à défendre les valeurs universitaires a pris le pas sur la fatigue constatée chez le personnel enseignant un peu éprouvé par trois mois d’un combat stoïque. C’est le constat qui a pu être fait à l’occasion de l’assemblée syndicale tenue aujourd’hui qui sera suivie d’autres assemblées générales d’évaluation lors des prochains jours.
Habib Mellakh,
universitaire, syndicaliste.
Département de français, Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)
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On sème le vent, on récolte la tempête.
Tenez bon. Courage et merci.
Il faut continuer le combat et par la force si il le faut ! Si on cède devant ces fous alors la liberté si chèrement acquise par le sang des martyrs sera morte !
Aucun n'a levé le doigt - quand l'hymne national est hué dans les stades. - quand La femme est molestée dans les transports publics, exploitée dans les campagne par son mari, harcelée dans son travail, - quand l'environnement des habitants du grand Tunis, est détérioré, par les poubelles, les eaux usées, le gaz carbonique des voitures surtout mal entretenus. . toute cette tollé pour un bout de tissu!!! Sachons évaluer les choses et ne précipitons pas vers les solutions policières ou de justice uniquement parce qu'ils s'habillent différemment. Soyons tolèrent et acceptons de discuter et débattre de nos problèmes au lieu de reculer son échéance. On doit agir comme s'ils étaient vraiment nos enfants. Cessons cette manière d'expulser l'autre au lieu d' accepter la différence. Sinon on va voir revenir la dictature de l'opinion unique du parti unique. Ce doyen qui n'a pas su débattre de ses problèmes avec ses étudiants et donne des ordres sur les plateaux de télévision est la source du problème.
"MR Le PRESIDENT MARZOUKI ...... BOUGEZ VOUS , BON SANG ----- FAITES APPEL AUX MILITAIRES ET RE-METTEZ CES VOYOUS DE SALAFISTES ET CES PORTEUSES DE NIQAB (EX- MARIE-COUCHE-TOI Là) EN TOLE ! ELLE EST Où L'AUTORITé ? Zut enfin ! "---- COURAGE LES ENSEIGNANTS ET BRAVO DE LA PART DE VOTRE SOUTIEN EN FRANCE
Cet alarmisme avec un titre si racoleur qui n'est pas innocent ne sied pas à un enseignant!"une faculté, des enseignants et des étudiants sans défense ont été livrés par les autorités à l’hystérie d’un groupuscule politique".Une diffamation de plus mesurez vos propos Monsieur les autorités ont renvoyées dos à dos les protagonistes et la justice suit son cours rien ne sers d'envenimer la situation!Vous etiez certainement ailleurs sous le régimes des deux dictateurs les opposants Monsieur l'enseignant étaient emmenés en douce pieds et poings liés des facs aux geôles torturés et tués arrêtez d'insulter les martyrs de l'époque!Faites honneur au syndicalisme au lieu de politiser cette situation détestable pour tous!Le doyen fait appel aux autorités et quand les forces de l'ordre arrivent on leur refuse l'entrée dans les lieux croyez vous que le gouvernement a le temps de jouer au chat et à la souris avec deux extrémismes!La justice tranchera et les enquêtes éclaircisseront les dessous de ce feuilleton de la fac de la Manouba elle reste la seule fac qui pose probléme bizarre bizarre...Vous ne trouvez pas.
Sans vouloir banaliser le danger du salafisme jihadique il me semble que le "salafisme de la gauche intolérante" représente le plus grand danger pour notre pays car il puise ses idéaux et ses ressources de derrière la méditérannée.