Au Professeur Mohamed Fourati : Hommage du Conseil National de l'Ordre des Médecins,
Honorable assistance, Mesdames et Messieurs,
En ce haut lieu du savoir médical et à la louable initiative de la Faculté de Médecine de Tunis, nous voilà rassemblés pour honorer la mémoire d’un illustre et grand médecin, Si Mohamed Fourati, rappelé, il y a peu, à Dieu
Au nom du Conseil de l’Ordre des Médecins, représentant de l’Ordre et de l’ensemble des médecins de Tunisie, c’est au confrère que je viens rendre hommage ; puisse cet hommage être à la hauteur du mérite et de l’œuvre accomplie par ce grand Maître de la Chirurgie tunisienne au parcours professionnel et humain exceptionnel.
Si Mohamed était pour moi un vrai frère, un aîné que j’ai toujours admiré et respecté. Proches, nous l’étions par le Sfax de nos racines et par « le cœur ». Le destin a voulu que je sois interne chez mon Maître le plus cher, le Pr Mohamed Ben Ismaïl, lorsqu’en 1968 fut réalisée la première CEC en Tunisie. C’était à Tunis au Service de chirurgie de l’Hôpital Habib Thameur ; Si Mohamed Fourati en était le jeune chef , et il continuera sur la lancée, menant de main de maître la chirurgie cardiaque de prouesses en exploits.
La première greffe cardiaque, réalisée en janvier1993 par son équipe à l’Hôpital Militaire de Tunis, fut donc dans la logique des choses, un succès qui relève du défi, un acte historique venu confirmer la haute performance de la Médecine tunisienne et asseoir son excellente réputation. Ses collaborateurs témoignent qu’il a fallu, en plus du savoir et du savoir faire, la trempe du chef qu’était Si Mohamed, pour réussir l’exploit
Au delà de ses aptitudes de médecin et de ses qualités de leader, l’homme était aussi aimable qu’autoritaire, alliant la fière allure à la modestie, toujours affable derrière un "sourire charmeur" inoubliable, discret et rayonnant à la fois.
Il était fervent patriote attaché à son pays et à ne servir que lui, engagé et actif dans les justes causes et les actions humanitaires.
Il aimait la vie au point de s’être appliqué à lui donner un sens.
Modeste, il minimisait son mérite personnel pour, disait-il, « l’englober dans la volonté et les efforts de tout un peuple, de tout un pays » et expliquait ses exploits par ce qu’il appelait « les ingérences du hasard dans notre destinée ».
En fait, toute œuvre humaine subit la loi du hasard avec son lot de chance ou de contrariétés, au gré des lieux et du moment, des coïncidences et des rencontres.
« Le hasard ne favorise que les esprits préparés » déclarait Louis Pasteur dans un discours inaugural de 1854, à la Faculté des Sciences de Lille. C’est justement à Lille (en 1955) que Si Mohamed est allé faire des études médicales auxquelles il ne se prédestinait pas et c’est là qu’il choisit de fonder son foyer familial, le nid de son bonheur et de sa réussite.
Dans ce parcours remarquable, il y a d’abord le mérite de l’homme qui a eu (pourrait-on dire) la chance d’être audacieux et travailleur, intelligent et doué. Le hasard, il y était bien préparé.
Avec son ami de toujours, le Pr Mohamed Ben Ismaïl, la collaboration féconde entre le grand chirurgien et de l’éminent cardiologue retrace l’histoire d’une complicité toute naturelle entre pionniers, facilitée par les origines communes et les aspirations partagées. Cela se fit entre Sta, au vrai sens du terme, le Sta, ou m3allem, étant le maître confirmé dans son art.
Pour que ces performances soient possibles, il a fallu la contribution volontaire et le mérite évident d’un peuple traditionnellement ouvert à la modernité, qui a consenti des sacrifices et investi dans le savoir ; il y avait, faut-il le rappeler, l’euphorie et l’élan nationaliste de l’indépendance fraîchement acquise qui furent judicieusement canalisés par des choix politiques intelligents axés sur l’enseignement et la santé. Marquante était l’empreinte du visionnaire, le grand Bourguiba, si grand que la décence impose qu’on lui pardonne ses quelques dérapages et ultimes faiblesses. La médecine -si bien partie- résistera aux aléas des deux dernières décennies et elle continue d’être l’une des fiertés nationales.
En cette émouvante circonstance, le Conseil de l’Ordre, garant de la qualité et du prestige de la Médecine, se fait un devoir de mémoire et de reconnaissance envers tous ceux qui ont fait de la Médecine tunisienne, dès ses débuts, ce qu’elle est aujourd’hui. Déterminant fut en ce sens le rôle des premiers maîtres, bâtisseurs et pionniers, parmi lesquels le Professeur Mohamed Fourati se trouvait en première ligne.
A sa mémoire nous devons une éternelle reconnaissance.
A toute sa famille nous venons au nom de l’Ordre des Médecins transmettre l’expression de notre affliction la plus sincère.
Nos pensées émues vont particulièrement à Madame Michèle Fourati, la Grande Dame qui l’a si bien accompagné dans toute une vie familiale et professionnelle exemplaires.
Toutes nos pensées et notre sympathie vont à sa digne descendance, ses quatre enfants les Docteurs Kamel et Samy, ainsi que Sonia et Neïl.
Puisse Dieu donner à tous et à toutes la force de supporter la peine ressentie par la perte cruelle de l’être si cher, un être irremplaçable qui laisse en héritage une œuvre grandiose dont on ne peut qu’être fier et la troublante consolation des souvenirs heureux.
Le souvenir et l’image si chaleureuse et rayonnante de Si Mohamed Fourati resteront à jamais présents dans nos esprits et nos pensées.
Que Dieu lui accorde son Infinie Miséricorde et l’accueille en son Eternel Paradis.
Pour le Conseil National des Médecins de Tunisie,
Docteur Mohamed ALOULOU
Cérémonie d'hommage au Professeur Fourati, Faculté de médecine de Tunis, le 7 avril 2012
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