L'économie tunisienne : la situation est difficile mais encore jouable
Depuis juillet 2011, de très nombreuses contributions analysant l’économie tunisienne se veulent alarmistes. Le ton pessimiste de ces tentatives de réflexion dont les auteurs étaient d'éminents professeurs qui ont déjà façonné, en grande partie, les stratégies d’orientation de notre économie et formé la majorité des cadres et universitaires tunisiens, s’est accentué depuis 5 mois au point de nous offrir une vision apocalyptique de l'avenir.
Je me permets, modestement et avec beaucoup de considération à leur égard de m’inscrire à l’opposé de leur approches s'agissant de certaines problématiques. Je me suis d’ailleurs, toujours interrogé sur la pertinence des présupposés politiques de ces analyses, sur les réelles motivations idéologiques : Dettes, chômage, récession, souveraineté, etc. ces mots qui sont lourds de sens et de concepts peuvent perdre de leur valeur lorsqu’ils sont utilisés pour défendre des orientations idéologiques et politiques personnelles plutôt que défendre l’intérêt suprême de l’Etat et de la nation. Trois questions seront particulièrement examinées dans cet article: la dette, le chômage et les investissements étrangers.
1/La dette tunisienne peut-elle devenir une épée de Damoclès ?
1.1/ De la soutenabilité
Pays | Dette 2011, en % du PIB | Dette brute 2011, en milliards d’euros | Evolution de la dette sur 10 ans | Déficit budgétaire 2010, en % du PIB | Notation |
Allemagne | 82,6% | 2.122,44 | 63,9% | 4,3% | AAA |
Royaume-Uni | 80,8% | 1.473,64 | 209% | 10,3% | AAA |
France | 86,8% | 1.726,70 | 89,6% | 7,1% | AA |
Espagne | 67,4% | 733,2 | 91,3% | 9,3% | AA- |
Italie | 121,1% | 1924,4 | 40,6% | 4,6% | A |
Portugal | 106% | 181,55 | 140,6% | 9,8% | BBB- |
Grèce | 165,6% | 365,64 | 130,1% | 10,6% | CC |
Bulgarie | 17,8% | 6,83 | -26,6% | 2,6% | BBB |
Hongrie | 76% | 71,12 | 125,9% | 4,2% | BBB- |
Tunisie | 46% | 14 | -20% | 6,6% | BBB- |
Sources : Synthèse élaborée sur la base :
1/ Les Echos, spécial bilan, l’année de l’économie, janvier 2012, P. 22/23
2/ Site de la banque centrale dans la rubrique les comptes de la nation ainsi que certains articles économiques in la Presse et le site leaders.com.tn
D’après le tableau ci-dessus nous pouvons constater que la situation tunisienne n’est pas si alarmiste que le laissent supposer certaines analystes. Exemple, la dette de l’Allemagne représente près de 83% de sa richesse produite. Les 14 milliards euros de dettes tunisiennes sont "une goûtte d’eau" comparés aux 366 milliards euros grecs ou les 1.727 milliards d’euros français. Evidemment, la Tunisie ne dispose pas de la structure économique française ni du potentiel d’innovation de ce pays mais je veux montrer par là que notre marge de manœuvre demeure possible. La dette marocaine est de près de 20 milliards d’euros ; le déficit budgétaire égyptien représente 10% du PIB contre 6,6% pour la Tunisie. De plus, notre situation s’est dégradée seulement en 2011, car l’année 2010 avait enregistré un déficit budgétaire d’à peine 1,3% et la dette n’a représenté que 40,5% du PIB (in le site de la BCT). Mieux encore, la Tunisie a réduit sa dette de 20% dans les 10 dernières années. Le Dr Moncef Guen écrit « Ce débat ne vaut même pas la peine d’être soulevé car le problème ne se pose même pas » ; Plus loin, il rajoute « L’analyse de la soutenabilité de la dette tunisienne montre que, pourvu que les politiques macroéconomiques soient judicieuses, cette dette déclinera à 38% du PIB en 2015 » (in « faux débat », leaders.com.tn).
1.2/ …Au risque de perte de souveraineté
La dette des Etats peut constituer une menace pour la souveraineté. Si les emprunts contractés ne justifient pas un investissement rentable à moyen et long terme, le risque d’une situation de surendettement est réel. De facto, les Etats se trouvent exposés à l’opinion des agences de notation et les emprunteurs exigeraient des primes de risque plus élevées.
Le risque de perte de souveraineté pour un Etat pourrait se présenter lorsqu’il ne peut plus faire appel aux canaux classiques de financement. Il se trouve donc dans l’obligation de solliciter un soutien extérieur même assorti de contreparties politiques. D’ailleurs, dans le cas de la Grèce, certains parlementaires allemands indélicats avaient même suggéré qu’elle cède quelques-unes de ses îles pour alléger sa dette ! -vu l’engouement de certains de nos partenaires occidentaux pour l’île de Jerba…!-.
Autre exemple assez éclairant : celui de l’Egypte de 1875 dont la dette publique avait été multipliée par 33 fois en 10 ans, devenant absolument « hors de contrôle ». Il fallait, en effet, emprunter aux banques européennes pour financer des travaux d’infrastructures réalisés par des entreprises européennes. Mais aussi le train de vie excessivement coûteux, dispendieux, d’Ismaël pacha, le vice-roi d’Egypte. « Les Anglais et les français placèrent le pays sous tutelle en exerçant un contrôle dual : pendant plusieurs années, le ministre des finances de l’Egypte ne fut autre qu’un banquier anglais et le ministre des travaux publics, un banquier français, avant que le pays ne soit finalement directement placé sous protectorat en 1882 ». ( Riaz Akhoune et Vincent Lepage in la revue Diplomatie, N°54, janvier-février 2012, P.13.).
1.3/ Que faudrait-il faire ?
La Tunisie dispose encore d’une marge de manœuvre : Elle peut encore emprunter particulièrement auprès de nos partenaires du Golfe, voire même organiser un emprunt obligataire national où la bourgeoisie tunisienne et certains Tunisiens résidents à l’étranger pourraient apporter, grâce à un sursaut patriotique, leur concours à cet effort national. Ces nouveaux emprunts ne doivent surtout pas servir pour payer les frais de fonctionnement de l’Etat (salaires des fonctionnaires et dépenses courantes) mais doivent impérativement, nécessairement, être investis dans un grand programme d’infrastructure (routes, hôpitaux, universités,…). Il faudrait donc une politique budgétaire expansionniste, active, contra-cyclique, en somme une politique de relance par l’investissement. Pour que cette politique atteigne son objectif, son optimum, et que le principe du multiplicateur keynésien joue pleinement, il faudra, obligatoirement, confier les travaux à des entreprises tunisiennes tout en leur fixant l’obligation de n'utiliser, dans la mesure du possible, que des produits et des matériaux locaux. Faute de quoi, nous courrons deux risques majeurs :
1/ l’argent injecté dans le circuit économique, au prix d’un endettement, risquerait de relancer, en cas d’importation excessive, l’économie de nos partenaires, surtout chinois –dont la qualité des produits laisse, d’ailleurs, à désirer- et européens. L’exemple de la France en 1981 est assez significatif à cet égard : Pierre Mauroy, Premier ministre socialiste de François Mitterrand, avait mis en place une politique de relance par la consommation. Ce choix s’est avéré contreproductif : une hausse excessive de l’inflation -près de 10% en 1983 et un taux d’intérêt qui a atteint les 14%- et, surtout, un déficit chronique du commerce extérieur. En effet, la hausse de la consommation a entraîné une forte augmentation des importations.
2/ Un endettement excessif pourrait avoir pour conséquence la perte de notre souveraineté à l’instar de l’Egypte en 1882 ainsi d’autres nations : Terre-Neuve (une grande île au large de la côte atlantique de l'Amérique du Nord) qui a renoncé à sa souveraineté au profit de l’Angleterre en 1934 sous le poids d’une dette devenue insoutenable. Autre exemple assez frappant : le bombardement par l’Allemagne, la Grande-Bretagne et de l’Italie en 1902 des ports du Venezuela considérée comme mauvais payeur ((in la revue Diplomatie, op. citée).
2/ Le chômage
2.1/ De la typologie du chômage…
L’analyse du chômage se heurte déjà, à vrai dire, à la crise de l’analyse de cet épineux problème. Le débat récurrent entre les libéraux et les keynésiens et leur prolongement contemporains sont intellectuellement, conceptuellement, nécessaires mais très insuffisants, voire incapables, pour éclairer notre situation. Pour contourner une telle besogne, nous proposons, d’une manière beaucoup plus pragmatique et empirique, la typologie suivante, qui est d’ailleurs largement enseignée :
Type de chômage | Caractéristiques | Victimes | Causes |
Frictionnel
| Chômage incompressible. Entre 3 et 6% selon le niveau de développement des pays et le niveau (degré) de mobilité. En Tunisie, avec un taux de chômage de près 20% (estimation de février 2012), on peut estimer la contribution du chômage frictionnel à hauteur seulement de 3 points ; vu la faible mobilité géographique et l’absence souvent de volonté de changer de métier ou de carrière professionnelle. | Principalement les jeunes étudiants après leur première arrivée sur le marché du travail.
| Il résulte du délai qui sépare le moment où un individu quitte son emploi et le moment où il en trouve un autre. Mobilité géographique. Volonté de changer de métier. Reprise de travail après un congé parental (pour élever ses enfants, assez présent dans les pays occidentaux) |
Chômage conjoncturel | Chômage temporaire. En Tunisie ce type de chômage s’explique principalement par la hausse de 6 points (soit plus de 225.000 personnes, près de 30% des actifs non occupés). Le taux de chômage avant la révolution était, d’après les statistiques officielles de 14 % alors qu’aujourd’hui, Il a atteint les 20% (soit près de 750.000 demandeurs d’emploi). | Actifs exerçant dans certaines branches de l’industrie (Automobile, textile, BTP) et du tertiaire (le secteur touristique,…). Les jeunes et les femmes en sont les principales victimes. | causé par un ralentissement de l’activité. |
Chômage structurel
| Chômage durable qui donne lieu souvent à des nouvelles formations qualifiantes et des stages de reconversion. Leur nombre pourrait se situer à un peu plus de 100.000 personnes. | Des personnes intégrées dans le monde du travail que le déclin de certaines industries a mises au chômage. L’exemple des bassins miniers et la fermeture de très nombreuses entreprises exerçant dans le textile | Mutations sectorielles, progrès technique, vieillissement de l’appareil productif, déséquilibres démographiques, réglementation inefficiente, inadaptation des qualifications de la main-d’œuvre. |
Le chômage volontaire | Chômage qui provient du refus des chômeurs de travailler pour le salaire qui assurerait l’équilibre entre offre et demande de travail. On peut estimer cette contribution à environ 4 points (soit 15%, près de 115.000, de la population active non occupée). | Jeunes diplômés et personnes très qualifiées. | Salaire jugé insuffisant par rapport au niveau de diplôme et de qualification. |
Chômage de précarité
| Chômage de courte durée mais répétitif, récurrent, décourageant. On peut estimer le nombre de ce profil de chômeurs à hauteur de 125.000 personnes soit près de 15% de la population active non occupée. | Actifs faiblement qualifiés et sans diplôme. Ils alternent des périodes de chômage et des périodes d’emploi précaire. | Le besoin de souplesse des entreprises pour s'adapter à la demande. Le poids du l’économie informelle en Tunisie, particulièrement en BTP et le secteur touristique. |
Chômage d’exclusion
| Chômage de très longue durée rendant trop faible l’employabilité de certains chômeurs. Ils pourraient représenter 5% des chômeurs.
| Actif sans qualification, jeunes et personnes de plus de 50 ans. Concentré principalement dans les zones rurales | La personne se sent marginalisée et exclue de la société. Il s’agit donc d’un état d’esprit. Elle vit grâce à la solidarité familiale |
Pour résumer le tableau ci-dessus, je peux affirmer que les principales causes du chômage sont : la conjoncture économique (près de 30% des chômeurs), l’inadéquation (qualitative et quantitative) entre les besoins de l’appareil productif et le système éducatif et de formation professionnelle (15% des actifs non occupés) ainsi que les mutations sectorielles, le progrès technique, le déséquilibre démographique (75% des demandeurs d’emploi ont moins de 30 ans) et sans oublier la précarité.
Il existe, sans doute, d’autres angles d’approche permettant d’analyser l’épineux problème de chômage en Tunisie. Je suis évidemment conscient des limites d’une telle typologie : un chômeur volontaire peut être aussi considéré, au début de son parcours de recherche d’emploi, comme étant en période transitoire ce qui renvoie à un chômage frictionnel. On parlera alors de chômage naturel. Ou encore, un chômage volontaire peut être interprété, par certains aspects, comme du chômage structurel vu l’inadéquation entre les besoins de l’appareil productif et le système éducatif et de formation professionnelle. Les proportions et les chiffres affichés sont le fruit de calcul et d’approche personnelle ; la valeur exacte n’est pas une fin en soi, il faut les interpréter comme étant des ordres de grandeurs pour mieux cerner les caractéristiques de ce fléau, à savoir le chômage. Cette analyse a au moins le mérite de mettre en lumière d’une part, les différents profils des chômeurs et, d’autre part, la nécessité de se doter d’une véritable politique d’accompagnement personnalisé des chômeurs pour améliorer leur employabilité.
2.2/ …à la nécessité d’une véritable politique d’accompagnement personnalisé des chômeurs…
Il est urgent de mettre en place une véritable politique d’accompagnement personnalisée des chômeurs. L’objectif serait d’améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi en leur apprenant à se vendre (élaboration d’un portefeuille d’expériences et de compétences), à construire un projet professionnel, à ne pas se sentir seul –ce qui représente pour un chômeur un soutien moral très précieux- mais aussi à se prendre réellement en charge, etc. Ceci revient, dans un sens, à les responsabiliser en leur faisant prendre conscience que leur situation est en partie liée, peut-être, à des manques de qualification personnelles ou à une inadéquation par rapport aux besoins de l’appareil productif et donc du marché du travail. En ce sens, il faudrait mettre en place des structures compétentes avec un personnel spécialisé capables d’apporter des réponses et d’orienter les chômeurs dans leur recherche d’emploi. A titre d’exemple, on pourrait envisager la création des structures passerelles entre les chômeurs et les entreprises ou encore entre les entreprises et les structures de formation professionnelle. Ou encore, on pourrait développer la formation en alternance et généraliser un tel concept même pour les formations du supérieur.
2.3/…mais aussi de réformer le système éducatif et de formation professionnelle
Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises dans mes publications précédentes, il importe que le gouvernement reprenne le dossier de la formation professionnelle et de l’apprentissage industriel et mette en chantier une politique éducative plus audacieuse. Parvenir à une meilleure adéquation (quantitative et qualitative) entre, d’une part, le système éducatif et de formation professionnelle et, d’autre part, l’appareil productif, constitue assurément la solution de l’avenir. L’introduction de l’enseignement des sciences économiques, dès le secondaire, pourrait être également envisagée : en effet, familiariser les jeunes dès leur jeune âge avec le monde de l’entreprise et leur environnement socioéconomique et juridique, c’est développer et susciter chez eux l’esprit d’entreprendre et de créativité.
3/ Les investissements étrangers
D’après le bulletin des statistiques financière de mars 2012 (N°217, disponible sur le site de la BCT), les investissements étrangers ont atteint en 2011 près 1.608,9 MDT contre 2.175,5 MDT en 2010. Monsieur Nourddine Zekri, Directeur de l’Agence de Promotion des Investissements Extérieurs, explique cette chute d’environ 27% par « l’arrêt des opérations de privatisation et des grands projets prévus pour l’année 2011 » (tap.info.tn). En réalité, dès 2009, la Tunisie a commencé à connaître une baisse constante du volume de ses IDE. En effet, en 2008, elle avait enregistré son niveau le plus élevé des investissements étrangers soit 3403,7 MDT contre 2.287,4 en 2009 ce qui correspond à une chute de près de 33%.
Sur le plan international, dès le premier trimestre 2009, donc, après le déclenchement de la crise financière de 2008, la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) avait prévu, dans son rapport annuel, que les IDE allaient baisser de 30% dans le monde en 2009 et que la reprise ne pourrait pas avoir lieu avant 2011, voire 2012. Elle avait estimé le volume des flux à 1.200 milliards de dollars pour 2009 contre 1.700 milliards de dollars pour 2008. Cependant, les révolutions arabes, la faillite partielle de la Grèce, la tourmente due à l’endettement qui souffle sur l’Europe et les Etats-Unis, n’ont fait qu’aggraver la situation. L’année 2011 a donc été riche en événements exceptionnels. « Leur enchaînement, écrivit Daniel Fortin in les Echos, dans un délai très court, a paré l’année des couleurs du chaos ». (Les Echos, Hors-Série, N°8, janvier 2008, P.5).
Il est intéressant à présent d’observer qu’au terme des deux premiers mois de l'année 2012, l'investissement étranger réalisé a atteint 291,2 millions de dinars contre respectivement 215,3 millions de dinars et 275,1 millions de dinars sur la même période en 2011 et en 2010. La hausse des IDE observée au cours des deux premiers mois 2012 est de 35,1% par rapport à 2011 et de 2% par rapport à 2010. Ces investissements de janvier et février 2012 sont répartis à raison de 271,4 millions de dinars en investissements directs étrangers (IDE) et 19,8 millions de dinars en portefeuille. En filigrane, l'analyse du flux des IDE effectué montre une concentration sur l'énergie et les industries manufacturières pour des valeurs respectives de l'ordre de 160 millions de dinars et 59,8 millions de dinars. D’ailleurs, plus de 70% du stock des IDE en Tunisie est concentré dans l’industrie extractive. L’industrie manufacturière n’attire qu’à peine 20% des investissements. Encore faut-il que ces 20% soient porteurs de technologie et de savoir-faire spécifique ? Pour approfondir ce point j’invite les lecteurs à consulter mon article sur « les investissements français en Tunisie : Ampleur et réalité » in leaders.com.tn).
Conclusion
Contrairement à certaines analyses particulièrement pessimistes, voire même alarmistes, je viens de montrer que notre situation est dictée par des considérations d’ordre conjoncturel, voire même exceptionnel. Il convient donc de relativiser sérieusement ces contributions. Je soutiens que la dette tunisienne est encore soutenable (46% du PIB) et que notre pays dispose encore d’une certaine marge de manœuvre pourvu que ces emprunts soient investis dans des travaux d’infrastructure de grande ampleur où les entreprises tunisiennes aient une place de choix. Concernant le chômage, il s’agit hélas d’une tumeur que le système capitaliste porte dans ses gènes. Si le chômage frictionnel est incompressible, les autres formes du chômage ne peuvent être résolu que par une réelle politique d’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi ainsi que la réforme de notre système éducatif et de formation professionnelle pour chercher la meilleure adéquation possible –une adéquation totale n’existe pas- avec les besoins de notre système productif. Pour finir, j’ai cherché à montrer que la baisse du volume des IDE en 2011 s’expliquait en grande partie par la conjoncture internationale. Une conjoncture marquée par une crise financière sans précédent : sur les dix premiers mois de l’année 2008, 25.000 milliards de dollars ont disparu du fait de la chute des cours. Dans un premier temps, l’économie réelle n’a pas été affectée, ce qui a donné un aspect virtuel à cette crise. Mais, dès le milieu de l’année 2009, les signes de récession économique se sont accumulés. Le volume des flux des IDE est passé de 1.700 milliards de dollars pour 2008 à près 1.200 milliards de dollars pour 2009, d’après les estimations de la Cnuced. Il convient, d’ailleurs, de revoir notre stratégie de ciblage des IDE, notre politique en ce sens devrait être plus élaborée en termes de sélection des technologies importées en privilégiant les firmes porteuses de hautes technologies.
Ezzeddine Ben Hamida
Professeur de sciences économiques et sociales
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L'article est intéressant et merci au Professeur BEN HAMIDA de poser ces questions. Je ne suis pas économiste et je ne parle donc que de ma compréhension. Un Point d'histoire d'abord:Le Professeur ne revient pas sur le fait qu'historiquement, la mise sous protectorat de la Tunisie relève également ( comme l'Egypte) des dettes qui avaient été accumulées pour des emprunts du Bey, et dépensées dans des projets d'infrastructure. c'est le remboursement de cette dette qui a conduit la Tunisie a entrer en union douanière partielle avec la France ( La zone franc) pour assurer le remboursement de la dette par les exportations. Faut il emprunter à l'extérieur pour des infrastructures? Les références historiques peuvent se trouver dans les deux sens. EN fait tout dépend ce que l'on fait de l'argent emprunté et si ceci produit des revenus futurs au moins aussi importants que l'argent emprunté. Il ne s'agit pas seulement d'en faire bénéficier des tunisiens par priorité, il s'agit aussi de produire du revenu à long terme équivalent pour rembourser. Sur le plan du fond: Je crois que la Tunisie en est toujours dans une situation fragile qui tient à sa situation monétaire: il lui faut des devises ( grosso modo soit des IDE soit des exportations) pour pouvoir continuer d'acheter des bans étrangers et ... rembourser des dettes qui sont libellées en dollars ou en euros. C'est en cela que les marges de manoeuvres de la Tunisie s'épuisent progressivement .... pas tellement par le poids de la dette... mais plutôt parce que cet endettement devra de toute façon connaitre des limites et que ces limites ne seront pas celles décidées par la Tunisie, mais celles décidé par le marché(!) C'est en cela que la souveraineté pourra être mise à mal... évidemment pas maintenant, mais à un plus mauvais moment ou il faudra d'une part rembourser... et que par ailleurs la Tunisie n'aura qu'un accès limité au marché. ( N'oublions pas que de surcroît, l'ensemble des chiffres de dettes qui sont donnés sont des chiffres du capital et des intérêts échus, mais pas des intérêts à échoir, des intérêts variables souvent !!!) En cela, la situation de la Tunisie est très profondément différente des autres pays cités dans le tableau comparatif: tous ces pays ont aujourd'hui une monnaie convertible par nature ! Je reprends si vous permettez le tableau: l'Angleterre est très endettée, mais cet endettement qui a cru de manière très importante ces dernières années ( pour refinancer leurs banques) n'est pas dramatique pour ce pays qui est hors zone euro et qui est donc capable de financer le remboursement de la dette par création monétaire ( au moins partiellement). Les USA et l'Angleterre le font déjà au travers de ce qu'ils appellent le "quantitative easing" depuis deux ans. Et ça marche....: ils refinance progressivement leur dette par création monétaire.Les marchés ne spéculent pas contre leur monnaie parce qu'ils gardent une confiance mesuré mais réelle dans la Livre sterling et le dollar. En Europe, pour tous les pays de la zone euro, le problème est différent: ces pays par la création même de la banque centrale européenne s'interdisent de procéder à de la création monétaire ( c'est tout le problème qui est apparu l'an dernier avec la spéculation contre des dettes de pays de la zone euro). Ces pays ne peuvent se financer qu'auprès d'opérateurs privés mais pas par création monétaire. L'Allemagne s'y oppose fermement. Ces pays continuent donc d'emprunter sur le marché monétaire mais.... leur croissance étant en berne, il se pose évidemment la question de la soutenabilité du remboursement de leur dette. Notez bien: même si ces pays sortent de la zone euro, ils auront une monnaie convertible par nature; qui flottera peut être très dévaluée, mais internationalement convertible. Ce ne serait pas le cas de la Tunisie. Dans cette histoire de dette il ne fat pas oublier que la dette est largement supportable si on a une croissance soutenue supérieure au taux d'intérêt. Sinon, le pays s'appauvri par remboursement de la dette. Bref, la Tunisie a des marges de manoeuvres a des marges de manoeuvres qui dépendront de deux facteurs essentiels comme toujours: - quel est son niveau réel de croissance économique ( hors inflation)? - quel est sa capacité d'export ( services et produits) pour compenser les importations?( ce qu'on appelle communément le solde de la balance extérieure) Or, ce solde est depuis longtemps structurellement négatif, en partie compensé par des investissements extérieurs et des concours financiers extérieurs. Cela va t'il continuer? Rien n'est moins sur. Enfin sur le chômage, je crois surtout que la réflexion importante est de mieux apprécier comment la modernisation économique réelle des dix dernières années n'a profiter qu'à une partie de la population, en laissant des campagnes "en marge du développement". On se rend certainement compte aujourd'hui que les soit disant incitations fiscales pour le développement régional ne suffisaient pas( mais franchement y a t'on jamais cru?). par quoi les remplacer? quelle politique de développement régional ( et notamment agricole) mettre en oeuvre? En tout cas, je remercie encore votre contributeur de sa communication.
Par ces simples mots, je tiens à remercier monsieur Laurent Hugelin pour ses observations particulièrement judicieuses. Par ailleurs, je n’ai pas voulu évoquer le surendettement de la Tunisie qui a conduit au protectorat en 1881 car il s’agit d’un fait qui est largement enseigné dès le premier cycle en Tunisie et par conséquent il s’agit d’un élément historique connu de tous. J’ai voulu tout simplement montrer que d’autres pays étaient victimes de ces pratiques. Encore une fois merci.
L'explication de cet accroissement trop grand (presque 100%) et trop asymétrique du taux de chômage tunisien par un simple fait conjoncturel me semble trop simpliste. Comme la société, l'économie de marché tunisienne était réprimée aussi; pas de respect des droits de propriété, pas de liberté contractuelle, pas de liberté individuelle, accès inégalitaire aux différents marchés etc... Tout ceci a conduit à une implosion qui a permis de dévoiler des vérités réprimées jusque là, comme le taux de chômage par exemple. Ce choc semble être passager, mais il se transforme en un effet durable sur le chômage. Je ne suis pas pessimiste mais, en l'absence de décideurs économiques crédibles, il me semble que ce phénomène va persister pour quelques années (hysteresis).