Taoufik Habaieb: Attention, Fragile !
La stabilisation tant recherchée se trouve chaque jour secouée par de nouvelles manifestations de violence, sous différentes formes. Chaque fois que les Tunisiens croient voir la sécurité se rétablir, la paix sociale se raffermir et l’activité économique reprendre, de nouveaux incidents surgissent, ici et là. Avec leur lot d’affrontements, d’apparition de hordes incontrôlées dont se récusent les forces de sécurité, de descentes musclées et d’entraves à la liberté d’expression. La sérénité du débat politique s’en trouve affectée et l’action du gouvernement plombée. Un climat de violence que rien ne justifie et que personne n’arrête, marquant une grave fuite en avant, un dérapage dangereux. Pour tous.
Les évènements douloureux qui ont émaillé la commémoration du 9-Avril, avec l’interdiction des manifestations sur l’avenue Bourguiba, puis l’annulation de cette décision, l’appel au meurtre proféré contre des personnalités et la communauté juive tunisienne, les menaces de privatisation de la Télévision publique, le harcèlement de ses équipes et les attaques contre son siège en ont marqué le paroxysme. Tout comme, dans les régions où se sont multipliés appels à la rébellion, grèves générales, barrages sur les routes et sit-in bloquant des entreprises.
Face à cette escalade, la société civile redouble de vigilance et de résistance, sans pouvoir cependant peser de tout son poids pour y mettre fin. Quant aux partis politiques, à l’exception d’Ennhadha, ils demeurent, pour la plupart, fragilisés par leurs querelles intestines, en dépit des tentatives de regroupement et de fusion. Le CPR, livré à son sort par Moncef Marzouki, est traversé par une crise qui risque d’accélérer sa division. Ettakatol essaye d’arrêter l’hémorragie des démissions et de remobiliser les troupes qui lui restent. Quant à ce grand parti uni du centre, tant promis, il tarde à sortir des limbes. N’ayant pu rallier à leurs rangs Al Massar (PDM, PPT, etc.), le PDP, Afek Tounès et d’autres formation, ont dû lancer leur nouveau Parti Républicain. Au moment même où ce PR annonçait sa création, il s’est trouvé confronté à la fronde d’un groupe d’élus du PDP à l’ANC. La situation n’est pas meilleure au sein de la famille destourienne qui n’arrive pas à se regrouper. Et Béji Caïd Essebsi ne semble pas se décider encore, laissant des proches lancer un deuxième Appel de Tunisie et recueillir des signatures en sa faveur.
Sont-ce là les soubresauts inévitables de toute transition démocratique qui éclot dans la douleur et les sacrifices ? Ce ne saurait, en tout cas, être une fatalité à laquelle la Tunisie et les Tunisiens doivent se résigner. Le programme d’action et la loi de finances complémentaire soumis par le gouvernement à l’Assemblée nationale constituante, même s’ils demeurent limités et n’apportent pas les signaux forts attendus avec une vision à moyen terme, gagneraient à être mis en oeuvre, sans retard, dès leur adoption. La situation générale dans le pays, tant économique que sociale et, partant, politique, ne saurait souffrir la moindre lenteur. Renouer les fils du dialogue, restaurer la sécurité et la confiance, faire respecter la loi et s’atteler à l’essentiel, élaborer la Constitution et engager des mesures économiques et sociales d’urgence, sont les grandes réponses attendues par les Tunisiens.
Taoufik Habaieb
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Effectivement, la situation dans ce pays qui m'est cher, est très préoccupante. elle risque bien de favoriser l'arrivée d'un "sauveur" ou d'un dictateur
Les différents évènements et troubles rappelés ci-dessus procèdent-ils de la surmédiatisation dont parle Mr GHANNOUCHI ? Par ailleurs sur le plan de la politique intérieure du pays, il convient de dénoncer l'attitude égoïste de certains politiciens de base, qui visent à une embellie personnelle plutôt qu'à celle du pays, et de ce fait, chacun tirant la couverture à soi, comment espérer une union de ces différents partis ? Ambition mal à propos !