Lu pour vous - 26.05.2012

Chroniques d'une année de braise

Relire aujourd’hui ces chroniques éparses rédigées par Mohamed Jaoua à chaud, pour la plupart dès le déclenchement de la révolution et réunies dans un recueil qui vient de paraître, offre, avec le recul, un deuxième regard pour mieux comprendre ce qui se passe en Tunisie. Quinze textes publiés dans les principaux médias tunisiens, notamment Leaders, qui gardent toute leur actualité et enrichissent le débat.

«Ce recueil s’ouvre, comme l’écrit l’auteur en avant-propos, sous forme d’une épître aux jeunes Tunisiens, écrite à l’occasion de la rentrée universitaire 2010. Il m’a paru instructif de placer ce document – écrit à un moment où nul n’imaginait encore ce que la fin de l’année nous réserverait– en prologue à ces chroniques de l’année de braise que fut pour nous 2011.

Car il témoigne du sentiment partagé, fait d’espérance et d’impuissance, qui était alors le mien, comme sans doute celui d’une grande partie des intellectuels tunisiens de ma génération.

J’écrivais alors ne pas vraiment croire «à l’utilité des conseils de vieux sages pour changer le cours des choses et le comportement des plus jeunes». En ajoutant «Dieu merci ! car que resterait-il sinon aux jeunes à découvrir de la vie s’ils devaient – s’ils pouvaient – s’approprier l’expérience des milliers de vies vécues avant eux ?».

Alors oui, Dieu merci, nos jeunes ont osé un autre chemin que le nôtre pour dessiner une sortie radicale de la crise de régime que nous vivions. Et pour nous restituer notre fierté de peuple libre ».

«Ce n’est sans doute pas le moindre des mérites de cette jeunesse, ajoute-t-il, que d’avoir pulvérisé en quelques semaines des siècles d’accumulation de cette doxa imbécile qui nous condamnait advitam aeternam à la tyrannie, celle de nos propres gouvernants comme celle de l’étranger.

Alors la liberté et la dignité, oui. En vérité, elles furent acquises avant même la fuite du tyran, alors que ce dernier faisait ses derniers tours de piste, de reculade en renoncement, en ayant cessé d’être le sujet de l’histoire. Elles furent acquises à l’instant même où le peuple eut vaincu sa peur, et que celle-ci changea de camp.

Et il faut avoir vécu ces moments à l’étranger pour mesurer à quel point le peuple tunisien éblouit alors le monde, retrouvant en quelques semaines le statut de peuple libre et digne que plus personne ne pourra désormais lui contester.

Cette année de braise aura marqué son retour par la grande porte dans le feu de l’histoire. A nous de faire en sorte qu’il ne le quitte plus jamais ».

Mathématicien, professeur à l’Université de Nice-Sophia Antipolis, actuellement détaché à l’Université Française d’Egypte, Mohamed Jaoua avait auparavant travaillé pendant plus de vingt ans au sein de l’université tunisienne.

Il y a notamment créé l’IPEST et l’Ecole Polytechnique de Tunisie et activement contribué à la réforme des études d’ingénieur dans les années 90. Il a ensuite créé à l’ENIT le premier laboratoire de recherche en mathématiques appliquées, le LAMSIN, qui abrite la Chaire UNESCO «Mathématiques et développement» dont il a été le créateur et titulaire. Il fait aussi partie du groupe fondateur d’Esprit.

Chroniques d’une année de braise
Par Mohamed Jaoua
Imprimerie Tunis Carthage,
Avril 2012

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