Latifa Moussa :Amin Maalouf, des croisades vues par les Arabes à l'académie française
Le 14 juin dernier, Amin Maalouf a fait son entrée à l’académie française, temple sacré des magiciens du verbe, ou s’immortalisent les grands noms de la littérature française.
La cérémonie de réception d’Amin Maalouf, sous la mythique coupole de l’académie française, était en effet célébrée en grande pompe, avec une forte assistance. Des personnalités libanaises se sont déplacées spécialement pour partager ces moments exceptionnels avec l’enfant prodige du pays du cèdre. Cèdre que Maalouf a voulu à jamais estampillé sur les boutons de son habit vert d’académicien. Une cérémonie dominée par notre émotion et par la fierté qui submergeait chacun de nous de voir enfin une lumière dans le tumulte incontrôlable qui secoue le monde arabe.
Un symbole de la double culture arabe et française entre dans ce cercle si prestigieux et clame dans son discoursd’investiture : « j’apporte avec moi tout ce que mes deux patries m’ont donné :mes origines, mon accent, mes convictions et mes doutes. » « Un mur s’élève aujourd’hui en Méditerranée entre les univers culturels dont je me réclame ... Mon ambition est de contribuer à le démolir ».
De mémoire d'académicien, « on n’a jamais eu autant de monde (des chaises ont dû être rajoutées) et d’émotion. m'a confié «un immortel».«Le discours de Amin Maalouf était très beau et très émouvant ; l’ambiance, plutôt inhabituelle ».
En effet, la tradition orientale a changé pendant quelques heures le cours traditionnel des heures de gloire de la coupole.
Le véritable invité d’honneur de cette consécration suprême était, sans aucun doute, le Liban,avec ses belles montagnes et ses merveilleux villages qui illustrent d’ailleurs toute l’œuvre d’ Amin Maalouf et qui, d’autre part, a été cité à plusieurs reprises dans les discours.
Créé en 1635 par Richelieu, ce rassemblement prestigieux de romanciers,d’hommes de lettres et de science qui ont illustré la langue française et qui se perpétue depuis des siècles, a ouvert grands ses bras à cet étranger venu d’Orient avec des lettres françaises plein la tête. Le Liban est son pays d’origine,la France son pays d’adoption. La langue arabe est sa langue maternelle et c’est aussi sa mère qui l’a poussé à explorer la langue française et ses mystères ; ce qu’il a fait jusqu'à la dominer.
Personne mieux que lui n’a parlé du thème de l’exil, et pour cause il en a tellement souffert. En écrivant « Les identités meurtrières », il a probablement voulu s’exorciser et nous aider à le faire aussi. « Je me sens, dit-il, chrétien dans le monde arabe et arabe en Occident. »
Son talent littéraire, son génie à nous envouter en jonglant avec les mots et les phrases nous a entrainés avec lui dans des lieux impénétrables où l’imaginaire n’a plus de limites.
Ses romans sont des voyages merveilleux dans le temps et l’espace ; et ses personnages tels « Léon l’Africain », « Samarcande »,« le rocher de Tanios » (prix Goncourt en 1993), sont des personnages qui nous entraînent avec eux à travers le monde de ses romans, entre notre passé et notre présent comme si nos histoires étaient les mêmes.
Si Amin Maalouf nous a souvent entraîné avec lui dans cet imaginaire merveilleux de nos « origines », il nous a néanmoins souvent rappelé nos identités meurtrières pour nous ramener à la réalité du « dérèglement du monde ».
Cette consécration est doublement méritée d’autant plus que lui, l’homme venu d’Orient, a donné à la langue française une dimension symbolique d’ouverture et de tolérance.
Latifa Moussa
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