« L’happening joyeux de la révolution risque de se transformer en grande déception », prévient Abdelbasst Belhassen, président de l’institut arabe des Droits de l’Homme. Dressant l’état des libertés après le 14 janvier, lors de la table ronde de la Fondation Averroès pour la démocratie et le progrès, il a déploré un grand cirque médiatique sans cesse nourri par de nouveaux faux problèmes (tels que le mariage des filles mineures, la complémentarité de la femme et autres), la grande désertification culturelle et surtout l’émergence de nouvelles institutions qui cultivent l’ignorance et oeuvrent à sa propagation.
« La révolution a-t-il souligné, a pourtant posé au monde entier de grandes questions. Elle est en effet une révolution civile qui revendique des valeurs universelles. Elle transforme la relation avec le pouvoir de la verticalité à l’horizontalité, en prônant une large participation de tout un chacun. Elle a sorti tous les laissés pour compte de la marginalité et du silence qui leur était imposé, liant fortement les droits politiques, économiques et sociaux, et rendant impossible toute tentative de les confiner à nouveaux hors de toute implication effective. Comme elle a rouvert le champ à de nouvelles relations internationales et alliances.
Mais, si de nombreuses opportunités ont été saisies, de grandes menaces ont surgit, s’amplifiant, estime Belhassen. Parmi les acquis réalisés, notamment au sein de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, indique-t-il, une intense participation de la société civile dans l’élaboration du processus de transition, à travers le dialogue, la négociation et la confrontation des points de vue ce qui a permis de faire adopter 6 décrets-lois essentiels. Il cite également la formulation de propositions concrètes avancées pour instaurer la justice transitionnelle, regrettant cependant que l’absence du dialogue et d’une vision droitl’hommiste de la transition conduit vers la violence.
Quant au quatre grands dangers qui guettent aujourd’hui la révolution, Abdelbasset Belhassen cite en premier lieu l’Incorporation des controverses idéologiques dans la rédaction de la nouvelle constitution, comme si on voudrait faire de la loi suprême un outil de domination totale. Le retard pris dans la réforme économique et sociale, ajoute-t-il, ne peut qu’exacerber la tension et le mécontentement. En troisième danger, il pointe du doigt la large instrumentalisation du lexique sémantique en jouant sur la terminologie et détournant les vocables de leur véritable sens comme parler des droits de la famille au lieu de ceux de la femme, ou utiliser complémentarité au lieu d’égalité et autres. Le quatrième danger, selon Belhassen, provient de la tentative de mettre la main sur l’Administration publique en procédant à des nominations partisanes et sans tenir compte de la compétence ce qui ouvre la voie à l’affaiblissement de l’État et à la régression de la qualité des services publics. En exemple, il épingle particulièrement l’accumulation des détritus et la dégradation alarmante de la propreté et la situation des forces de l’ordre.
Un fondement essentiel des droits de l’Homme, rappelle-t-il en conclusion, c’est l’existence d’un Etat fort dont l’étiolement risque de favoriser l’émergence de structures et institutions parallèles dans tous les domaines, pour prendre sa place, dans le maintien de l’ordre, l’enseignement et partout ailleurs. C’est ce qui doit nous recommander de consolider les fondements de l’Etat et d’œuvrer pour sa neutralité, mais aussi de privilégier la solution des problèmes économiques et sociaux et de cultiver un esprit de citoyenneté fondé sur le dialogue et la négociation.