Notes & Docs - 10.12.2012

Nouveau Code des investissements : objectifs et gouvernance

La réussite de la transition démocratique et l’élaboration d’un nouveau modèle de développement économique constituent les principaux défis à relever.

Il est indéniable que le projet du nouveau code de l’investissement représente un élément essentiel dans l’amélioration du  cadre général  de l’investissement. Toutefois, on se doit de souligner qu’on ne pourrait prétendre que ce texte, à lui seul, va apporter toutes les solutions aux multiples problèmes que nous affrontons actuellement.

A cet effet, il est utile de rappeler que notre mission phare consiste à orienter notre économie nationale vers la création du nombre requis d’emplois particulièrement pour les diplômés du supérieur ; ainsi que de générer de la croissance susceptible d’offrir à nos jeunes de meilleures perspectives. L’amélioration de l’environnement des affaires passe inexorablement par la garantie d’une plus grande  transparence, le respect des règles de concurrence loyales, la mise en œuvre de nouvelles formes de gestion en partenariat publique / privée (PPP), l’assainissement et le développement du secteur financier, la révision du cadre législatif et réglementaire de la micro finance et l’amélioration de la gouvernance des politiques actives d’emploi.

Ce faisant, nous devons aussi accélérer le développement des infrastructures et des activités productives tout en veillant à réduire le déséquilibre régional et assurer la promotion des services sociaux notamment les services de santé et les programmes de sécurité sociale. Ces efforts permettront la réalisation d’une meilleure cohésion sociale.

La bonne gouvernance représente une condition nécessaire à la réussite de ces initiatives. Cet objectif s’articule autour des axes visant une amélioration tangible de l’organisation de l’administration et de son fonctionnement  dans le sens d’une plus grande célérité et efficacité (Programme de réformes administratives « guillotine »), la modification de la réglementation des marchés publics, la fluidité de l’accès à l’information dans le cadre du programme « Open Gov », la lutte contre la corruption et la consolidation du système juridictionnel  (administratif et judiciaire).

La prochaine phase de croissance de la Tunisie doit se construire sur un nouveau modèle de développement basé sur une plus grande implication de  l’investissement privé et sur l’exportation et sur tous les secteurs capables de nous valoir une réelle montée en valeur ajoutée, ce seront là les piliers de la stabilité de notre pays,  l’Etat saura les encourager et les promouvoir.

Le projet d’élaboration du nouveau code

Contexte de la réforme

Dans cette dynamique de réformes et d’ajustements, le gouvernement actuel  a engagé une série de réformes structurelles afin de poursuivre son effort vers l’édification de l’Etat de droit articulé autour des principes de bonne gouvernance, de transparence, mais aussi d’efficience. L’élaboration d’un nouveau Code d’Investissement est l’une des réformes qui est mené actuellement, sur la base d’une large consultation, impliquant les différentes structures publiques ainsi que les représentants du secteur privé et de la société civile à l’instar de l’IACE.
La définition d’une nouvelle politique pour l’investissement constitue une étape nécessaire, qui vient en amont du code, pour dessiner les objectifs et priorités à venir et le code ne sera, en fait, qu’un des instruments au service de cette politique.

Nous avons préféré opter pour une  «  refonte » du code d’incitation aux investissements au lieu de  « réforme » afin de mettre en exergue le caractère ambitieux de notre démarche qui ne peut être assimilée à une simple modification de quelques articles de la législation actuellement en vigueur. Le but étant de relancer réellement notre économie et de la rendre encore plus compétitive.

Ce projet est menée par une équipe incluant des représentants des principaux ministères concernées soutenue par le cabinet Ernst & Young pour la gestion du projet ainsi que par le cabinet Kallel & Associés pour les aspects juridiques. L’assistance technique fournie par la SFI, appartenant au groupe de la banque mondiale, nous donne les moyens de cette ambition. Je profite de cette aubaine pour remercier tous les intervenants dans ce projet pour leurs contributions et je les invite à poursuivre leurs efforts en vue de finaliser cet important projet.

Objectifs de la nouvelle politique d’investissement

La nouvelle politique d’investissement devra répondre à quatre priorités nationales identifiées lors des différents travaux, à savoir :
• la montée en valeur ajoutée de la production de biens et de services, avec une meilleure utilisation de la technologie et de l’innovation ;
• le développement régional et inclusif, en appliquant une discrimination positive en faveur des régions intérieures ;
• l’emploi et le développement du capital humain, en renforçant les compétences, en améliorant la formation et la productivité et en contribuant à la revalorisation du travail et l’expertise ;
• le développement des exportations et l’internationalisation des entreprises tunisiennes en améliorant leur compétitivité et en les intégrant davantage dans la mondialisation.

Le nouveau code

La nouvelle structure du code de l’investissement tend vers un certain équilibre entre  les différents aspects importants liés à l’investissement en relativisant, un tant soit peu, l’intérêt accordé jusqu’à ce jour aux incitations au détriment des autres règles  à l’instar de l’accès au marché, les garanties allouées aux investisseurs ainsi que des structures de gouvernance de l’investissement et des procédures.

Accès au marché

Nous nous attelons à améliorer les conditions d’accès au marché tunisien et ce conformément à nos traditions d’ouverture et à nos engagements bilatéraux et multilatéraux tout en préservant nos intérêts stratégiques. Le code de 1993 avait  présenté le principe de la liberté d’investissement comme étant la règle alors que dans les faits les entraves à la création de richesse n’ont cessé de s’accentuer au point de vider la règle sus indiquée de sa substance.

A ce titre, nous envisageons de réduire le nombre d’activités soumises au régime des autorisations, ce nombre dépasse actuellement les 170 activités. Une telle approche permettrait  d’éviter les risques de rentes ou de surcoûts liés à ces verrouillages.

Dans le même ordre d’idées, nous visons la réduction, de manière significative, des limitations. En premier lieu, cette libéralisation se fera dans le périmètre du code en enlevant le régime de l’autorisation de certaines activités tels que les Publinets, carnaval, cirque etc…Ensuite, on passera en revue les différentes réglementations qui sont en dehors du champ du  code de l’investissement afin de s’assurer que les procédures notamment les cahiers des charges ne constituent pas une entrave à la liberté d’entreprendre.

L’objectif étant de fournir un cadre clair et des procédures de constitution et d’installation simples pour les investisseurs tunisiens et étrangers.

Il est également important de faciliter l’accès des compétences étrangères en Tunisie dans la perspective d’une société du savoir, pour cela nous souhaitons introduire plus de flexibilité pour l’emploi des cadres étrangers notamment  pendant la phase de lancement du projet au moyen de pourcentages du nombre d’employés, ce pourcentage pourrait être dégressif dans le temps. La généralisation de cette disposition aux sociétés onshore réduira la dichotomie avec les entreprises du régime offshore.

Garanties

Les investisseurs sont toujours soucieux des garanties que les législations régissant l’investissement leur offrent. Le nouveau code, devra leur assurer les garanties nécessaires pour un traitement juste et équitable ainsi qu’un accès à un système de règlement des différends, inspiré des meilleures pratiques internationales, basé sur l’arbitrage privilégiant la conciliation tout en leur laissant éventuellement le libre choix des tribunaux nationaux s’ils le requièrent.

Cet ensemble de garanties doit impérativement inclure des mesures préservant leurs droits à une indemnisation équitable en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique ou de nationalisation.
Ces garanties engloberont également le respect du principe des droits acquis, corollaire de la stabilité des situations juridiques pour les investisseurs. De même, le nouveau code traitera des questions du rapatriement des dividendes, des bénéfices ainsi que des produits de cession ou de liquidation des capitaux investis afin de permettre une plus grande célérité et une simplification de ces opérations . Un délai maximum est envisagé pour le traitement de cette demande avec une obligation de motivation de tout refus.

Il reste que ces garanties devraient être assorties d’obligations à la charge de l’investisseur qui doit respecter les différentes réglementations notamment en termes de protection de l’environnement, de la santé ou de la concurrence. Il devra également veiller à la sincérité, l’exactitude et l’exhaustivité des informations fournies dans le cadre de son investissement.

Incitations fiscales et financières

Notre approche relative aux incitations fiscales et financières est de construire un système plus efficace basé sur la performance en fonction des priorités nationales, cette approche est en phase avec l’approche développée par l’IACE.

Nous avons pour ce faire étudié plusieurs scénarios afin de déterminer la meilleure option en veillant à garantir la cohérence au sein du système fiscal dans sa globalité, sachant, par ailleurs, que des réformes de la fiscalité et de l’organisation de l’administration fiscale s’imposeront d’elles même  dans le moyen terme.

L’analyse coût/bénéfice des incitations actuelles  , réalisé au cours du projet du code, montre que le régime exportateur concentre plus de 70% du volume des incitations [environ 2% du PIB par an.] Notre actuel objectif est de rééquilibrer cet effort de l’Etat vis-à-vis des trois autres priorités nationales en rationalisant les incitations et en supprimant les mécanismes qui sont tombés en désuétude ou n’ayant pas atteint leurs objectifs initiaux.
A titre d’exemple, nous travaillons à la mise en place d’un système inspiré du crédit impôt recherche appliqué en France et unanimement reconnu pour soutenir l’innovation et la montée en valeur ajoutée.

En ce qui concerne le développement du capital humain, nous maintiendrons sans doute la prise en charge des charges patronales avec des mécanismes de bonification en fonction du nombre d’employés ou de leur qualification. Mais nous comptons également mettre en place une prise en charge plus conséquente de l’Etat des coûts de formation du personnel en privilégiant le système de certification.

L’état des lieux des incitations, nous montre à l’évidence que la générosité des mécanismes de soutien au développement régional n’a malheureusement pas permis d’atteindre les objectifs escomptés, faute de n’avoir pas pu attirer en nombre les investisseurs dans les régions défavorisées.

Pire encore il n’a même pas pu les fixer dans leurs propres régions, ce qui a contribué à l’amplification du déséquilibre régional. Il est donc nécessaire aujourd’hui de privilégier les primes d’investissement pour le développement régional en les bonifiant aux investisseurs dans les filières régionales.

La simplicité du système est primordiale pour garantir la réussite de ce nouveau système à l’instar du mécanisme de la loi de 1972. Dans le même cadre, la mise en place d’une structure chargée du suivi et de l’évaluation des  incitations permettra de corriger ou d’ajuster ce système en temps utile. Elle garantira le bon usage de ses instruments.

Gouvernance de l’investissement et Procédures

Ce nouveau code devra également améliorer davantage la gouvernance de l’investissement en assurant une meilleure coordination entre les différents intervenants ainsi qu’un accueil et une orientation efficaces des investisseurs à travers notamment la mise en place d’un interlocuteur unique traitant l’ensemble des démarches et procédures  en lieu et place des agences éparpillées.

Un Conseil National de l’Investissement présidé par le Chef de l’exécutif sera chargé de valider la politique de l’Etat en matière d’investissement et d’en superviser la mise en œuvre.

L’élaboration d’une telle stratégie sera l’apanage d’une Instance nationale de l’Investissement, établissement public à caractère non administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière ayant pour mission entre autres de mettre en œuvre la politique du gouvernement de l’investissement et sa promotion en tant que structure d'appui aux entreprises et aux promoteurs.

Cet organisme aurait des représentations régionales afin de s’aligner aux impératifs de décentralisation. Il est prévu d’accorder une autonomie de décision à ces structures notamment pour les projets ne dépassant pas un certain seuil financier à déterminer.

Nous travaillons par ailleurs à un programme de facilitation des procédures administratives.
L’accession récente de la Tunisie au statut de partenaire privilégié de l’union européenne permettra à notre pays d’assoir une nouvelle plateforme de coopération. Le plan d'action du Partenariat Privilégié offre une feuille de route ambitieuse qui traduit la volonté de la Tunisie de mener les réformes dans tous les domaines, il traduit également la confiance de notre partenaire dans les choix et les projets de réformes engagés par le gouvernement tunisien.

L’histoire de notre pays montre que nous sommes un pays respectueux de ses engagements et des intérêts de ses partenaires, où il fait bon vivre et investir. Dans ce contexte, je vous engage à faire plus que jamais confiance à notre économie et à appuyer nos efforts de reconstruction par vos investissements et vos projets entrepreneuriaux. J’ai personnellement confiance dans le dynamisme et la créativité de nos jeunes.

Riadh Bettaieb
Ministre de l’Investissement et de la Coopération Internationale
(*) Allocution prononcée lors des 27èmes Journées de l’Entreprise, IACE, à Port El Kantaoui, le 8 décembre 2012

 

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