Convoqués à 14H30 ce mardi après-midi au siège de l’Assemblée nationale constituante pour le fameux débat d’investiture, les membres du gouvernement sont tous arrivés à l’heure. L'équipe est au complet, sauf Noureddine Behiri, retenu par une urgence, nous dit-on. Une autre absence très remarquée, celle du général Rachid Ammar. Présent en décembre 2011, lors de l'investiture du gouvernement Hamadi Jebali, il n'accompagne pas aujourd'hui son nouveau ministre, Rachid Sabbagh.
Les nouveaux étaient les premiers à se présenter devant le perron historique du vieux palais, s’annonçant discrètement aux services de sécurité et du protocole, non sans une visible émotion. Conduisant pour la plupart d’entre eux, eux-mêmes leurs petites voitures personnelles, ils sont à la fois fiers de leurs entrée et soucieux de ce qui les attend.
La montée des escaliers en marbre encadrés des lions légendaires, la traversée du premier puis du second patio et parcourant la longue allée avant de descendre au rez-de-jardin leur fait découvrir les lieux chargés d’histoire, récente et ancienne. Conduits dans un salon attenant à la grande salle des séances plénières, ils font connaissance, les uns avec les autres. Le chef du Gouvernement salue ses co-équipiers un à un. Lundi, il avait reçu les tout nouveaux à Dar Dhiafa pour des entretiens en tête-à-tête. Certains étaient allés à la Kasbah rencontrer le staff et le secrétaire général du gouvernement pour bien se préparer à leur entrée en fonction. Mais, c’est la séance d’investiture qui pour le moment suscite leur curiosité.
Quittant une réunion avec les présidents de groupes parlementaires, le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaafar vient à leur rencontre, avec ses félicitations et ses vœux de plein succès. Le quorum étant atteint, il ne reste plus qu’à passer dans la grande salle des séances plénières.
L'arène des grands duels
Les nouveaux ministres l’ont vue mille fois à la télé mais entrent dans cette arène pour la première fois, curieux de voir ses détails et attentifs aux élus. Ils seront bien servis. A peine le président Ben Jaafar a-t-il ouvert la séance et alors qu’il annonce l’ordre du jour mentionnant l’adoption d’une proposition de loi sur la feuille de route, il est interrompu par plusieurs voix sur les bancs du groupe démocratique. Il n’avait même pas eu le temps de souhaiter la bienvenue au chef du gouvernement et à son équipe. Premier à dégainer, Issam Chebbi, crie au piège d’un vote précipité sans discussion préalable en plénière. Le relayant, Iyad Dahmani, rappelle que la convocation à cette séance ne comporte qu’un seul point à l’ordre du jour à savoir le débat sur l’investiture du nouveau gouvernement.
Ben Jaafar appelle les présidents de groupes parlementaires à expliquer aux élus l’accord convenu. Sahbi Attig (Ennahdha), abonde dans le sens du président de l’ANC. Mohamed El Hamedi (Alliance démocratique) souligne l’importance d’une adoption par loi de la feuille de route, mais pose la question de la sanction en cas de non respect des échéances qui seront fixées. Raouf Ayadi (Wafa), revient comme toujours sur le préalable de la poursuite des symboles de l’ancien régime et la lutte contre la malversation. Quant à Mouldi Riahi (Ettakatol), tout en soutenant le président Ben Jaafar, réclame quelques jours de plus pour davantage de concertations.
De leurs bancs, de part et d’autre du perchoir, les nouveaux membres du gouvernement Larayedh ont ainsi en direct un avant-goût des débats au sein de l’ANC. De quoi dissuader plus d’un d’accepter un maroquin ministériel. Mais, ils ne sont pas encore au bout de leurs surprises. Solennellement, Ali Larayedh monte à la tribune prononcer son discours programme. Applaudissements chaleureux dans les bancs de la coalition et courtois, ailleurs.
A la reprise des travaux, après une courte pause, le débat commence. Les élus n’on pas la langue dans la poche, le ton monte et les accusations se multiplient. La nuit est tombée et la soirée s’annonce longue. Stoïquement, Ali Larayedh garde son flegme, prenant parfois des notes. Quant aux nouveaux ministres, ils savent maintenant à quoi s’en tenir.