Les propositions d'Elyès Jouini pour sauver l'économie tunisienne
Le mardi 7 mai, nous avons rendu compte de manière succincte d’une conférence d'Elyès Jouini(*) sur l’économie tunisienne prononcée à Tunis à l’invitation de Tunis-Dauphine et de la Chambre de Commerce Franco-Tunisienne. Vu son importance, nous y revenons avec une synthèse plus complète, rédigée par l'auteur lui-même.
Plus de deux ans après la « Révolution de la dignité », la Tunisie n'a toujours pas recouvré la confiance qui lui serait nécessaire à sa sortie de crise. Les promesses tardent à se concrétiser. Le chômage flambe. La machine se grippe. On renoue avec les coupures d'électricité, les pénuries d'eau minérale, de lait disparues depuis les années 60. On en oubliepresque l'acquis précieux de la révolution :la démocratie.
Les institutions internationales revoient les prévisions de croissance à la baisse. Les autorités tablaient sur une croissance de 3,5% en 2012 et 4,5% en 2013. Cette dernière ne devrait guère dépasser les 2,7% et 3,5%. A ce rythme là, la Tunisie, estime la BAD, devrait figurer parmi les 10 économies africaines les moins performantes.
L’économie tunisienne est aujourd’hui très mal en point. À une politique économique qui a privilégié la rente au profit d’une minorité proche du pouvoir a succédé une politique économique court-termiste qui fait la part belle à la consommation.
La situation sociale est inquiétante car le mécontentement est plus grand. La croissance déjà ralentie et inégalement répartie pendant les dernières années de Ben Ali n’est toujours pas suffisante.
Le temps est venu de réfléchir à une nouvelle politique économique.
Commençons par faire un état des lieux de la situation.
Le plus évident d’abord : les moteurs extérieurs de la croissance ont disparu. La forte dépendance à une Europe malade en est la cause principale.
Ensuite, l’investissement est aussi au plus bas. L’investisseur étranger a fui et l’investisseur local recule devant autant d’incertitudes comme en témoigne la baisse des intentions d’investir (-57 % à Siliana, -43 % à Jendouba -44 % à Kasserine et -29 % à Sidi Bouzid).
Pour l’instant, la seule politique privilégiée est celle de la consommation (on peut même parler d’une fuite en avant): contrôle des prix, approvisionnements en produits de consommation importés, alimentée par une politique monétaire accommodante de faible taux d’intérêt.
En bref, le rebond modeste de l’économie en 2012 (estimé à 2,7% vs. -1,8% en 2011) ne suffira pas à atténuer la contestation sociale.
Certes, au troisième trimestre 2012, la production minière, pétrolière et agricole s'est ressaisie. L'indice de la production industrielle a progressé; l'activité touristique et celle du transport se sont un peu rétablies.
Comment ne pas se réjouir ?
Des frémissements trop fragiles**
Mais ne rêvons pas. Ces frémissements sont fragiles. Trop fragiles. Et sans cesse remis en cause par l'instabilité politique. La croissance économique actuelle est insuffisante. A moins de 6%, ce qui suppose 5 milliards de dollars d'investissements, la Tunisie ne pourra s'extraire de la crise actuelle. Pour absorber la demande additionnelle d’emploi le taux de croissance devra être de 7% au moins.
En l'état, cet objectif paraît difficilement atteignable. D'autant que l'horizon se couvre. La récession qui frappe l'Europe, principal partenaire s'éternise et pèse sur la reprise tunisienne. Et ce n'est presque rien comparé aux incertitudes politiques.
Renouer avec une croissance élevée est primordial. Mais en aucun cas suffisant… L'héritage légué par le régime de Ben Ali en est la preuve vivante.
Des décennies durant, la Tunisie, bon élève des institutions internationales, s'est attelée à produire une croissance forte et stable. Pas moins de 5% en moyenne, par an, et en termes constants, entre 1986 et 2010...
On a vu le résultat. Menée sans souci d´être partagée, cette croissance n’a fait que creuser les inégalités sociales et régionales, et avec elles… le lit de la révolution.
Aujourd’hui, ces défis se posent avec la plus grande acuité car le gouvernement de la Troïka a pris du retard en ne lançant pas les réformes nécessaires.
Pour relancer la croissance, la troïka avait pourtant un atout de taille dans sa manche. Lors du G8 des 21 et 22 avril 2012, le gouvernement Caïd Essebsi avait obtenu, l'engagement de la communauté internationale, à travers « Le partenariat de Deauville », à soutenir la Tunisie après la révolution.
Une base solide sur laquelle l'ex premier ministre, Hamadi Jebali, se disait prêt à s'appuyer, s'engageant à mobiliser 8,3 milliards de dinars de financements extérieurs...
Or, pour l'heure, force est de constater que si les bailleurs de fonds sont au rendez-vous sur la base de ligne de crédits, les projets concrets, eux, ne se matérialisent pas et les investisseurs privés se font désirer...
Que les investisseurs soient attentistes n'a rien d'étonnant. Le contexte politique et social inquiète. Les réformes manquent de visibilité. Et prennent du retard. Censé simplifier les procédures administratives et compléter la palette des avantages fiscaux, le nouveau code d'investissements aurait dû être finalisé en 2012. On l'attend toujours. Idem pour le nouveau plan d'aménagement du territoire …
A cela s'ajoute le manque de réactivité des autorités. Clairement en cause dans l'échec de certains projets. Exemple, celui de Fidelity.
Pour faire front, les autorités ont exploité la marge de manœuvre qu’offraient la situation budgétaire et les réserves de change du pays. Pour faire face au renchérissement des produits énergétiques et alimentaires, l’Etat est intervenu à hauteur de respectivement 1,5 et 1,1 milliards dinars. Il a également subventionné les transports, aidé les entreprises sinistrées et alourdi le poids de l'administration en créant de nouveaux emplois dans le service public.
Dans ce contexte, le déficit budgétaire s’est considérablement alourdi, passant entre janvier et octobre 2012, à 6,9% du PIB, contre 1,3% en 2010.
Cette mobilisation des ressources sans plan de développement cohérent a conduit S&P et Fitch à dégrader la Tunisie de deux crans en l'espace d'un an.
Dans leur collimateur, l'accroissement de la dette publique du pays mais aussi et surtout le manque de vision. Les déficits budgétaires et celui des comptes courants se creusent et cette simultanéité risque de peser à terme lourdement sur les ratios d'endettement.
Des taux de chômage explosifs
Le problème majeur enfin est celui du chômage.
Au premier semestre 2012, 709 700 demandeurs d'emplois. Soit, près de 19% de la population active.
Près de 72% des chômeurs en 2011 ont moins de 30 ans.Un tiers sont diplômés.
Comment un pays peut il laisser ainsi désespérer sa jeunesse ?
Le problème réside dans une politique de l'éducation qui n'a absolument pas pris en compte le fossé qui existait entre les compétences des jeunes travailleurs et celles qui étaient recherchées par les employeurs du privé.
Dans les conditions de production actuelle et sans une montée en valeur ajoutée et en gamme technologique dans les secteurs existants et/ou l’émergence de nouveaux secteurs à haute valeur ajoutée (télécoms, services, finance et énergie), il sera impossible de créer suffisamment d’emplois pour résorber le chômage des diplômés du supérieur.
Mais le pire, c’est l'intérieur du pays où les taux de chômage sont explosifs.
Les inégalités entre les régions côtières et l'arrière pays déshérité ne se sont pas atténuées. Le fossé s'est même creusé. Les grands chantiers qui auraient dû amorcer un début de sortie de crise n'ont toujours pas vu le jour. De l'aveu même du ministère de l'industrie, sur les dix premiers mois de 2012, à Sidi Bouzid, les investissement ont chuté de 30% et les offres d'emplois de 22%. A Siliana, ils se sont respectivement effondrés de 44% et 66%.
Privées pendant des décennies de financements, des régions entières ont littéralement été piégées dans des « trappes de sous-développement ». Dans ces régions, l'employabilité des jeunes est très faible, et le taux de chômage des diplômés supérieur atteint des records dans le Gouvernorat de Gafsa (42%) suivi de Jendouba (36,3%), Kasserine (35,9%) et Siliana (35,1%).
L'INS a démontré qu'entre 2000 et 2010,l’incidence de la pauvreté a baissé à 15,5% en 2010 contre 23,3 % en 2005 et 32,4% en 2000.Mais pendant cette même période, le Centre-Ouest et le Sud-Ouest, ont vu leur taux de pauvreté augmenter par rapport à la moyenne nationale. Dans le Centre-Ouest, le taux de pauvreté extrême était six fois plus élevé que celui du Grand Tunis en 2000 et est devenu treize fois plus élevé en 2010. En 2010, le taux de pauvreté était sept fois plus élevé dans les campagnes que dans les grandes villes, alors qu'il n'était que quatre fois plus élevé en 2000.
Pour une croissance inclusive
Alors que faire ?
Il faut un véritable programme qui se décline en actions et objectifs de court-terme, de moyen-terme et de long-terme et qui cesse de se focaliser sur les indicateurs pour viser plutôt une croissance inclusive, pérenne et soutenable. Ainsi, en 2011, comparé aux autres pays arabes en transition (Egypte, Jordanie et Maroc ), la Tunisie avait le déficit budgétaire et le ratio d'endettement public les plus bas, mais était le seul pays à enregistrer une récession, avec le taux de chômage le plus élevé, et le niveau de réserves extérieures le plus bas.
La voie de la prospérité passe par la mise en place d’une « soft infrastructure » qui permettent aux citoyens de libérer leur potentiel et de prendre part au développement de leur pays.
L’atout le plus important de la Tunisie est sa marche entamée et résolue vers une démocratie de plus en plus participative. Mais, comment transformer la révolution en institutions portant le message que l’Etat est au service du citoyen ?
Pour le bien-être de la cité, dirigeants et citoyens, riches ou pauvres, chefs d’entreprise ou employés, doivent partager le sentiment que l’Etat est à leur service, au service de l’intérêt général. Les biens publics de l’Etat (école, route, etc.) sont financés par eux et pour eux. La fiscalité peut être le vecteur de ce message.
Le véritable test sera la réussite d’une réforme de la fiscalité. Elle ne sera pas indolore car elle permettra de juger les différentes composantes de la société (entreprises et ménages riches et pauvres) par leurs actes et non par leur parole. Elle permet également de réaliser une grande partie des objectifs de la révolution de la dignité en fournissant les ressources nécessaires pour une relance de la croissance.
Les prélèvements ne seront compris et acceptés que s’ils sont également considérés comme justes et ne se révèlent pas comme un obstacle contraignant en termes de compétitivité globale de l’économie.
Il est indéniable aujourd’hui que les professions libérales, les commerçants, les intermédiaires, ainsi que tous ceux qui ont des revenus autres que les salaires ne supportent pas la même charge fiscale que les salariés. Un rééquilibrage est nécessaire. Il faudrait à la fois un contrôle plus strict et des incitations. Allier fiscalisation et généralisation de la couverture sociale, en rapprochant les bases de calcul de l’une et de l’autre permettrait plus aisément de généraliser l’impôt.
Il s’agit également d’améliorer la lisibilité du système fiscal.
L’IS admet notamment un arsenal de déductions et exonérations peu cohérent qui cible une panoplie d'objectifs parfois conflictuels. Une étude de la Banque Mondiale commandée par les autorités a conclu que la dépense fiscale ainsi encourue est à 80 % inutile.
De plus, le régime forfaitaire constitue une véritable échappatoire à la fiscalité réelle. Le nombre important de « faux » forfaitaires représente à la fois des ressources moindres pour les finances publiques mais également une concurrence déloyale pour les entreprises qui respectent les règles.
Les exemples internationaux témoignent de l’efficacité de systèmes comportant une base imposable aussi large que possible, en contrepartie de taux les plus faibles possibles et un lien entre la base d’imposition et la base de couverture sociale dont bénéficie le contribuable.
Les entreprises se plaignent également de la concurrence déloyale du secteur informel.
Concernant ce secteur, il faut davantage porter l’attention non aux personnes qui en font une activité de survie, mais plutôt aux circuits en amont qui les alimentent et qui constituent de vrais dangers pour l’économie nationale. Il ne s’agit pas de sanctionner les contrevenantsmais de gérer la transition du secteur informel au secteur formel. Pour cela, les avantages que procure la légalité doivent être suffisamment attractifs et lisibles.
Il s’agit d’abaisser « le coût du droit », c’est à dire de rendre la création d’une entreprise plus protectrice et moins coûteuse qu’une activité illégale.Il s’agit également d’alléger les délais de création des entreprises, d’alléger les documents officiels requis et d’instaurer une imposition adaptée.
La réforme de la fiscalité locale est un autre chantier plus lent qui devra s’articuler avec la volonté de la mettre au service du développement des régions les moins favorisées. Il serait utile de penser à des mécanismes de restitution aux régions d’une partie des richesses qu’elles produisent et une part des impôts collectés au niveau national pourraient être reversés aux régions déclarées à développement prioritaire.
Les nouvelles ressources dégagées par l’Etat pourrontalors être canalisées vers des projets d’infrastructure afin de désenclaver le pays, améliorer la compétitivité du territoire et permettre une intégration mondiale de l’ensemble du territoire.
L’objectif est d’intégrer totalement les réseaux logistiques internationaux et de réduire les coûts de transaction liés au commerce extérieur.
L’Etat pourrait investir dans ces projets d’infrastructure économiquement justifiés.
Ces projets permettraient de stimuler la demande globale, notamment sur la consommation et l’investissement en générant de nombreuses externalités.
Ils seraient en mesure de créer des emplois dans les régions défavorisées, pour accompagner la croissance économique et répondre aux revendications sociales pressantes.
Ils permettraient également de désenclaver les régions intérieures du pays en les connectant par exemple aux réseaux autoroutiers, portuaires et autoroutiers avec des connexions vers l’Algérie, la Libye et l’Afrique sub-saharienne pour faire de la Tunisie un hub logistique vers l’Europe et le Proche-Orient.
Cependant, le taux d’exécution actuel est trop faible pour répondre au contexte social. Aujourd’hui, il dépend du temps nécessaire et des étapes incompressibles de lancement des projets, de la productivité de l’administration, des lenteurs des processus d’appel d’offre et de la disponibilité des matières premières. Or, il ne faut pas confondre devoir de transparence et lenteur. A une situation d’urgence, il faut des structures d’urgence. Des structures ad hoc rattachés directement au premier ministre doivent piloter les projets nécessaires à l’économie nationale.
Concernant le financement, dans un contexte budgétaire difficile pour l’Etat, outre la mobilisation des ressources dégagées par une réforme de la fiscalité, nous estimons que l’Etat pourrait intervenir via la Caisse des Dépôts récemment créé sans que cela augmente son endettement. Il faudrait également augmenter la participation du secteur privé via des Partenariats public-privé et,pour les investissements les plus lourds, des émissions d’obligations sur le marché local.Car au stade actuel, les investisseurs, étrangers et privés sont trop timides pour s’engager seuls.
L’investissement représentait l’équivalent de 24% du PIB en 2011 (-2,3% par rapport à 2010) ce qui reste inférieur à un pays voisin comme le Maroc qui affiche un pourcentage proche de 35%. Il s’agit donc d’une composante incontournable de l’activité économique qu’il s’agit de développer et qui a besoin d’un secteur financier réellement mobilisé pour soutenir l’entrepreneuriat et la prise de risque.
La Tunisie entame cette transition avec un certain nombre d’acquis : un PIB par habitant parmi les plus élevés d’Afrique, un niveau de développement socio-économique proche des pays de l’OCDE, une population jeune et éduquée.
La Tunisie affiche également une infrastructure de base satisfaisante mais les efforts restent à poursuivre pour assurer un meilleur maillage territorial et la modernisation des réseaux.
L’environnement proche de la Tunisie offre des opportunités certaines aux entreprises. La Turquie, la Libye, l’Algérie et l’Afrique Subsaharienne connaissent et connaîtront en effet une croissance largement supérieure à la moyenne mondiale.
L’entrée en vigueur d’un accord de libre-échange avec la Turquie n’a pas été suivie d’un important développement des IDE et des exportations en provenance de ce pays. Le Maroc a su mieux « nourrir » son accord de libre-échange avec la Turquie. Les exportations marocaines vers la Turquie ont été multipliées par 3 tandis que les échanges dans l’autre sens ont été presque doublés.
La Tunisie est engagée dans plusieurs processus d’intégration avec les pays de l’Union européenne, les pays arabes y compris ceux du Maghreb et avec les pays d’Afrique. Néanmoins, la signature de ces accords de libre-échange n’est pas une fin en soi s’ils ne sont pas suivis d’un décollage des échanges commerciaux. Ils permettent tout juste de créer des cadres juridiques pour les faciliter.
Les voisins directs libyens et algériens offrent des opportunités certaines aux entreprises tunisiennes. D’autre part, l’Europe vieillissante offre des opportunités à la Tunisie. Le départ à la retraite des baby boomers pose un problème de financement dans un contexte où les comptes de sécurité sociale sont déficitaires pour la plupart des pays de l’UE. Le développement du tourisme médical serait gagnant-gagnant pour l’ensemble des parties.
L’Afrique enfin affiche une croissance soutenue et solide. C’est la région du monde ayant affiché la croissance la plus vigoureuse lors de la dernière décennie juste après la Chine. De nombreux pays se bousculent au portillon pour recueillir les fruits de ce développement : la Chine, bien sûr, l’Europe, le Brésil, l’Afrique du Sud mais surtout un pays voisin… le Maroc. Les entreprises tunisiennes devraient aussi sortir de leurs frontières et se diriger davantage vers ce continent où leur expertise est attendue.
Dans le domaine des TICs, la Tunisie affiche le taux de pénétration d’Internet le plus élevé d’Afrique à 38 %, contre une moyenne continentale de 9,6 %. Le secteur des télécoms pourrait continuer à faire l’objet d’investissements et l’Etat a un rôle essentiel à jouer. Rien ne sert de laisser chaque opérateur construire ses réseaux de très haut débit (fibre optique et 4G). Des économies d’échelle sont possibles via la création d’un opérateur mutualisé national.
Mais il ne faut pas oublier les secteurs fortement créateurs d’emploi existants et à moderniser ou réanimer d'urgence.
Le tourisme pèse pas moins de 7% du PIB tunisien – et 11% si l'on y ajoute l'artisanat – et emploie 400 000 personnes, de manière directe et indirecte. Mais il est inégalement réparti sur le territoire (90% des 190 000 lits en exploitation sont sur le littoral) et le touriste étranger dépense seulement un tiers de ce qu’il dépense dans des destinations comparables (275 Euro/séjour vs 725 au Maroc, 700 en Egypte, 710 en Grèce et en Turquie). Il est également inadapté aux nouvelles habitudes individuelles du touriste européen qui transite moins par les tour-opérateurs, très dépendant du marché européen et soumis à une forte saisonnalité (70% réalisé sur 4 mois).
La diversification et la montée en gamme sont nécessaires.
Les efforts à fournir en matière d’aménagement sont à la mesure des potentialités que présentent les régions intérieures.
Il faut également développer de nouvelles filières: affaires, congrès, croisières font partie des segments à investir. Il en est de même pour le tourisme résidentiel et le tourisme médical.
Le tourisme reste dépendant de la quantité de passagers drainée par les tours opérateurs. Le Maroc, signataire de l’accord open sky avec l’UE depuis 2006, a ainsi pu accroître le nombre de passagers aériens de 6 millions de passagers en 2004 à 15 millions en 2010. Et a fortiori, d'augmenter les recettes par nuitée, puisqu'avec cette clientèle, elles sont en moyenne de 30% supérieures à celles réalisées avec les groupes.
Plus généralement, il nous faut revoir le modèle de développement pour améliorer l'élément valeur ajoutée des exportations tunisiennes et soutenir la croissance des branches à plus forte valeur ajoutée pour absorber les travailleurs qualifiés.
Le modèle de développement tunisien était basé sur des branches d'activités à faible valeur ajoutée et à forte intensité de main-d’œuvre non qualifiée. Ce modèle de croissance est désormais caduque pour deux raisons :
- une génération de jeunes diplômés plus qualifiés que leurs aînés ;
- des coûts salariaux en hausse depuis la révolution.
C’est en rompant avec ce modèle qu’il sera possible de s’orienter vers un nouveau modèle de croissance tournée vers les exportations.
Ce travail de longue haleine doit s’effectuer de pair avec un développement destiné à protéger l’investisseur, local ou étranger, et à lui offrir de meilleures conditions de travail. La Tunisie doit :
– faciliter le fonctionnement des marchés,
– et, en même temps, adopter des mesures pour parvenir à une société plus égalitaire en protégeant consommateurs et travailleurs,
– œuvrer enfin à une intégration dans les marchés mondiaux.
Car le maître mot est celui d’une croissance inclusive :
- grâce à une fiscalité créatrice de liens entre les citoyens et entre ces derniers et l’Etat,
- grâce à des infrastructures à même de créer une cohésion territoriale,
- grâce à un développement industriel lui-même inclusif : montée en gamme et élargissement territorial dans le tourisme,développement de l’agriculture, promotion de l’entrepreneuriat,mobilisation de toutes les compétences.
Elyès Jouini
*Vice-président de l'université Paris-Dauphine et ancien ministre du gouvernement de M. Béji Caïd Essebsi
**Les intertitres sont de la rédaction
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Bonne lecture à conserver
Que Dieu exhauce vos voeux et surtout que nos politiques s'entourent d'experts talentueux.Vous avez évoqué le tourisme médical à juste titre seulement nos cadres du tourisme ne sont jamais parvenus à asseor une stratégie pour mettre en pratique leurs décisions ,un exemple parmi d'autres.J'ai toujours parcouru tes écrits et commentaires avec beaucoup d'interet et de plaisir .
à lire et concerver
Malgré l’importance de votre article, je me rends à l’évidence que comme la plupart de nos universitaires y compris les plus brillants d’entre eux, vous restez très théorique dans vos analyses et parfois évasifs sur des points cruciaux au processus de développement dans un pays tel que la Tunisie qui se trouve dans une situation spéciale tant au niveau internationale qu’au niveau nationale. D’abord, la création d’un système fiscal national cernant les contributeurs régis par le régime forfaitaire basé sur les activités libérales et autonomes des petits entreprises allant de l’épicerie du coin jusqu’à les médecins, avocats et toute sorte de services. Je vous réponds que les autorités fiscales n’ont pas les moyens nécessaires et l’aptitude de effleurer ces secteurs sans faire des dégâts énormes qui peuvent toucher ce secteur encourageant les évasions fiscales plus importantes que celles actuelles. Ensuite, le développement qui n’est pas basé sur des mécanismes clairs et transparents peut encourager la fermeture du système à une frange d’investisseurs qui connaissent bien le système et rejeter toute possibilité de nouvelles entrées. Avant de créer le mécanisme du marché, il va falloir créer le mécanisme de la transaction transparente et faire une grande compagne de communication autour d’elle. Enfin, un mécanisme sans décentralisation ne peut jouer en faveur des régions défavorisées qui n’ont pas l’habitude d’entreprenariat privée. Ceci nécessite d’abord une attention particulière et pourquoi pas la création des banques régional pour soutenir cette activité ainsi que un très grand effort de la part du gouvernement et de la société civile pour créer des soutiens logistiques et procédurale pour accompagner les petits projets , créer des bureaux ad hoc représentant tous les intervenants dans ces projets au niveau régionale. Bien que mon commentaire est infiniment long, je reste à ce niveau de remarques. Merci
Merci Monsieur le Ministre Elyès Jouini, pour nous avoir présenté votre vision sur l'état actuel de L'économie Tunisienne. Ma déduction par la situation me permet de dire, pour que pour arriver à sortir la Tunisie de cette impasse il faut une nouvelle République Tunisienne. 1) Séparation de l'Etat et du Religieux. 2) Un remaniement de toutes les structures d'Etat et du système exécutif(Gouvernement ),exemple : des contrôles à tous les niveaux par des commissions de l'Etat , pour le bien fondé des missions et l'aboutissements de celle-ci en évitant les corruptions. 3) Préparer la décentralisation des Régions, nommer des personnes expérimentés (Nord-Sud)(Est-Ouest), et les repositionner tous les 5 ans, pour éviter tout envie de dicta-te sur la population. 4) Préparer le Peuple à remplir ses devoirs et ses droits, par des actes citoyens (IS, IR, Taxes,…), par la communication, par les Médias, Tv, journaux, etc.. même parmi les familles les plus pauvres tout le monde à une TV ou une radio, mais attention, tout en transparence, il y a eu et il y a tellement de corruption, que le Peuple se sent lésé. L'Etat et le Gouvernement, doivent se montrer incorruptibles par ces actions bénéfiques pour tous. Du pauvre au riche, tous sont des acteurs indispensables pour l'émergence économique pour que le pays reprenne sa destinée florissante. Je m’arrête là, le but est de vous transmettre ma solidarité pour un futur Etat Démocratique, égalitaire, et prospère … Ridha ELKHANTOUCHE