News - 17.10.2013

Le piège se referme

On doit reconnaître que sur le plan strictement politique, c’est à dire sur le plan de la conquête du pouvoir, Ennahdha a admirablement manœuvré avec une habilité et un cynisme absolu reléguant tous ses opposants à des enfants jouant dans une cour de récréation.

Sa première victoire déterminante, par delà celle des élections de 2011, est d’avoir obtenu de ne pas préciser un délai à la constituante, la première assemblée au monde élue sans qu’il n’y ait un terme fixé à sa dissolution. «On» a cru naïvement que l’accord signé avant les élections et qui fixait à un an la durée de cette assemblée allait être tenu par les vainqueurs. On n’avait pas affaire à des «gentlemen» mais à des hommes et des femmes avides de pouvoir, aveuglés par leur désir de revanche.

Nous en sommes presque à deux ans de pouvoir. Ce temps a permis à Ennahdha d’affirmer son emprise sur l’administration, on parle de plus de quatre mille nominations dans les rouages essentielles de l’Etat. Cela a fait partie d’une stratégie mise en place depuis les débuts et pour le comprendre, il faut réécouter les propos tenus par le cheikh Ghanouchi à des salafistes dans cette vidéo qui avait fait tant de bruits. On réforme dans le même esprit l’enseignement à sa base pour créer le tunisien de demain. Qui ne se rappelle la fameuse parole du cheikh Mourou qui déclarait qu’on ne pouvait pas faire confiance à la génération actuelle car trop occidentalisée et parier sur les enfants plus faciles à formater.

Nous nous acheminons sûrement vers  des élections truquées puisque tout le pouvoir administratif appartient désormais au parti au pouvoir. C’est tout l’enjeu des prochaines élections et  l’opposition ne cesse de le dénoncer à juste titre mais, celle-ci et la prochaine Isie, malgré toute leur vigilance, ne pourront rien contre le système mis en place. C’est pourquoi l’actuel gouvernement s’accroche bec et ongles au pouvoir pour rendre impossible tout retour en arrière. Le projet de Ennahdha est de se retirer du pouvoir quelques semaines seulement avant les élections, empêchant ainsi le prochain premier ministre d’opérer un véritable changement. A ce sujet, il faut faire confiance à Ennahdha pour choisir à ce poste une personnalité consensuelle qui ne sera pas une menace.

Alors on peut dire déjà et sans faire de défaitisme que Ennahdha a gagné, comme l’annonce à grands cris le cheikh Ghanouchi qu’un tunisien sur trois votera pour son parti et on peut le croire hélas tant la naïveté et la crédulité d’une partie de nos concitoyens sont désespérantes et parfois exaspérantes et ces gens au pouvoir si manipulateurs.

Il y a tous les risques hélas pour que le 14 janvier 2011 n’ait été qu’un joli rêve empli de promesses. Si je parle ainsi c’est que nous avons affaire à des gens méchants et cyniques capables de toutes les violences.

L’islamisme politique est une véritable tragédie pour le monde arabe. Ils sont prêts à détruire leur Etat pour se maintenir au pouvoir. Regardez l’état de l’Irak, de la Syrie, de l’Egypte,  du Yémen, de la Libye… Et les dictatures installées en Iran, en Arabie, au Qatar… N’y a-t-il pas des raisons de désespérer ? Le tunisien méritait-il cela ?
Nous avons réclamé une démocratie et nous sommes tombés dans le vice structurel de toute démocratie, celui du principe intangible d’ « un homme, une voix » or l’immense majorité de notre population vote par passion et non selon sa raison. On vote par inclination, par superstition, par appartenance à un clan ou une région… tout cela est bien loin de représenter un choix sensé et réfléchi par connaissance de cause. Alors nous avons le gouvernement que nous méritons et encore une fois le spectacle du monde arabe est le reflet de ses passions et de ses contradictions.

Tous les politiques du monde entier jouent sur ce vice structurel en faisant des promesses inconsidérées lors des élections qu’ils s’empressent d’oublier dès qu’ils sont élus, profitant de la naïveté de leurs électeurs. Il ne faut pas se faire d’illusions mais les politiques sont un mal nécessaire dont on ne peut se passer.
C’est ainsi que les démocraties fonctionnent mais les plus évoluées respectent un autre principe structurel fondamental qui est l’essence même d’une démocratie, celui du respect des libertés fondamentales de tout citoyen, homme et femme, ce sont les libertés de parole, de pensée, de croyance, de circuler, inscrites au fronton de toute constitution qui se respecte.

Alors, à tous les apprentis dictateurs qui se profilent dans cet horizon sombre, prenez-le ce pouvoir qui vous fascine tant et laissez-nous nos libertés fondamentales. Vautrez-vous dans ces lambris et ors de votre république mais laissez-nous vivre libres, sans contraintes d’aucune sorte. Nous ne voulons pas connaître le sort de l’Irak ou de la Syrie et leur violence barbare, ni celui de la Libye et son anarchie suicidaire, ni celui du Liban qui a vécu quatorze années de guerre civile pour se retrouver au même point.

Vous tricherez et vous prendrez le pouvoir. Encore une fois, prenez-le mais respectez le tunisien qui ne demande qu’à vivre en paix.

Pour créer un citoyen éduqué au fait de la chose publique, il faut du temps et on  ne pourra pas faire l’économie de ce temps. C’est une évidence cruelle et pourtant incontournable et il n’y a rien de pire que de prendre ses désirs pour des réalités. La Tunisie aura le gouvernement qu’elle mérite et contre cela on ne peut rien. Certes, il viendra certainement un jour pour la Tunisie le temps de la Démocratie…
Entre-temps…                                                              

Foued Zaouche
 

Tags : Ennahdha   Foued Zaouche   Tunisie  
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20 Commentaires
Les Commentaires
Mohamed Obey - 17-10-2013 16:29

Quand je regarde ce texte-tableau triste _que les tunisiens n'auraient jamais imaginé que tels seraient les reflets de leurs désirs d'une Révolution_ je sens un rétrécissement dans la gorge, un nuage planer sur l'étendue du ciel... Mais la seule consolation qui me sauve, c'est de retrouver mes confrères intellectuels tel que M. Foued Zaouche...

Héla - 18-10-2013 00:59

Au point où nous en sommes, avec les efforts soutenus d'un peuple debout et sans peur, il serait décent de ne pas publier ce genre d'article défaitiste. Dans le contexte oppressif passé et présent, la liberté et la démocratie s'arrachent et ne se mendient pas. Ou bien vous luttez ou vous gardez le silence, par décence.

METAHNI - 18-10-2013 07:07

Je partage entièrement votre analyse si Foued, en précisant notamment deux ou trois choses pour l'Histoire, et en appelant un chat un chat. La responsabilité de Y.BEN ACHOUR au sein de la haute Commision, qui a, en fin de compte préparé le terrain à la Nahdha sur le plan juridique. Celle de K. JENDOUBI, qui a avalé des couloeuvres et s'est tu alors que des irrégularités flagrantes ont été commises à différents niveaux de l'organisation des élections d'Octobre 2011. Enfin, la responsabilité historique de la gauche tunisienne et à sa tête H.Hammami, ce grand naïf qui croit faire de la politique, pour imposer une assemblée constituante laissant la porte grande ouverte à ce régime, ne se rendant absolument pas compte qu'elle se faisait royalement manipuler par les islamistes en sous main. Le résultat est aujourd'hui celui que vous décrivez, si justement.

Monia - 18-10-2013 08:01

" L'islamisme politique est une tragédie" cette verite absolue que tous les exemples confirment explique notre present et notre avenir. Les nahdaouis ne lâcheront pas le pouvoir, ils falsifiront les elections et les gagneront, mais le "piège se refermera" sur eux inéluctablement, ils auront été des héros tragiques qui, par définition, courent à leur propre perte.

Slim - 18-10-2013 08:21

Tous les maux de la terre sont attribués aux islamistes! Aucune responsabilité aux dictatures qui ont gouverné après les indépendances, qu'elles soient laïques, nationalistes arabes ou de gauche! Vous oubliez manifestement et volontairement dans votre tableau noir la Turquie et la Malaisie...

Abdelkefi - 18-10-2013 09:09

Il a une contradiction majeure dans vos propos. Avez-vous vu une dictature. qui. Vous accorde des libertés? La Liberté. s'arrache. Vous voulez vivre en paix. La paix s'arrache également. Laisser. tomber. , baisser les bras. c'est ce que. Vous. Préconisez, alors que, plus que jamais la Tunisie.a. besoin. de nous. .

Mahmoud Thamri - 18-10-2013 11:24

Bravo Si Foued !C'est une analyse objective et réaliste de notre situation politique,que je partage entièrement ! Mais,il y a un mais ,le pays rencontre d'autres problèmes extremement graves (sécurité et terrorisme ,économie en complète déconfiture....)et qui risquent sérieusement de fausser tous leurs calculs !Si la situation continue comme ça ,c'est à un autre scénario qu'il faudrait s'attendre !!!

aida bouchadakh - 18-10-2013 11:48

Il est plus que temps de réaliser que le peuple est majeur et vacciné et qu'il votera pour qui il voudra et plus personne, non personne, ne pourra lui voler sa voix. La majorité qui se dégagera des élections gouvernera le pays. Que cette majorité ne plaise pas à certains, ne change strictement rien à l'affaire, ils constituront l'opposition que nous espérons constructive. La démocratie c'est ça et rien autres.

fadhel - 18-10-2013 15:13

pour lutter contre ce fléau,les tunisiens doivent multiplier les institutions et leur laisser une place dans les médias.il faut changer de mentalité et se détacher des politiciens.on peut servir notre pays sans être au pouvoir mais il faut être courageux pour subir les conséquences de nos actes,et être oublier si on aboutit à un résultat positif.les révolutions sont commis par des hommes courageux et profitent aux opportunistes

ouanesa - 18-10-2013 17:31

Excellente analyse avec un penchant au découragement car, Cher Monsieur, vous sous_estimez la voix du peuple tunisien qui n'acceptera plus de se soumettrec à nouveau à une autre dictature dont l'ambition est de changer l'idendité du tunisien

berger - 18-10-2013 23:27

êtes-vous sûr, monsieur, que vous avez connu une telle liberté avant la Révolution, autrement dit actuellement?je ne crois pas , je suis tunisien et je n´ai pas joui de tant de liberté avant, sous Ben Ali et meme sous Bourguiba. Vous dites au pouvoir "prenez le, et vous allez meme de l´ accuser de "tricher"les elections. Allons allons ne dites pas que vous n´etes pas libre de parler, d´ecrire et de peindre? Je vois que vous pensez en tant que (privé) et non en tant qu´intellectuel. Où est l´interêt que vous devriez porter à la chose publique. je n´y vois rien. Pour mettre les points sur les "I". il ya bien une revolution actuellement, elle ira en évoluant, et en s´améliorant. ca c´est sûr ,et elle triomphera. Avez-vous essayer de diriger une revolte?alors bien sûr que non. Donc il vous faut parlez avec les autres, avec le peuple, et non croire que vous possedez seul la vérité universelle de l´histoire.D´ailleurs, vous n´avez meme pas de confiance au people non plus. C´est un grand probleme.

ADEL JALEL CHEKKI - 19-10-2013 08:30

Je sens comme un air de nostalgie à l'époque de Ben Ali ...Je me demande comment l'auteur a pu réunir en si peu de lignes tant de contres vérités, de mauvaises analyses et de parti pris ? Il est facile de démonter point par point toutes ses affirmations et ses extrapolations morbides. Mais à quoi bon ...

mellidiaf - 19-10-2013 09:47

c est une analyse de depressif,en realite nahdha a perdu le pouvoir,le peuple qui a finalement compris n en veux plus et les occidentaux, depuis l affaire de l ambassade des usa ,se sont retournes contre les islamistes.Nahdha a au contraire tres mal joue.

Fatouma - 19-10-2013 13:12

Les commentaires m'ont plu ,autant t que (l'article juste mais assez défaitiste) )oui il y a eu beaucoup de naïveté et de démesure des égos face au machiavélisme .Toutefois les commentaires montrent la vitalité et le refus du peuple Mais il faut être réaliste "ils "ne vont pas partir ,et s'ils le font sous pression ils essayeront de faire éclater la 'cocotte'avant pour se "soulager" de leur haine et hargne. pourtant ils parlent au nom de Dieu le clément le miséricordieux .

el khlifi mokhtar - 19-10-2013 16:46

Article trop pessimiste qui se fonde sur les partis et occulte le peuple dont les réactions sont inattendues.Qui aurait pu prédire la chute de l'ancien Président?

bechir toukabi - 27-10-2013 00:33

Article pessimiste, mais surtout defaitiste. Le maleur de notre société est qu'elle compte ube classe moyenne silencieuse, qui accepte toutes les dictatures, même celle d'Ennahdha. Le pire c'est qu'on a une nouvelle classe de defaitistes, de masochistes, qui croient aux illusions de la liberté.

Riadh Chatti. - 28-10-2013 11:05

Analyse très pertinente ! La Tunisie est loin de la démocratie !! MALHEUREUSEMENT !!! Mais il ne faut pas perdre espoir malgré les difficultés et obstacles de toutes sortes !!!!

bechir toukabri - 28-10-2013 14:54

Nous avons une majorité silencieuse (la classe moyenne, qui représente 60% des Tunisiens), qui a laissé les islamistes nous violer durant 2 ans. Voilà qu'un intellectuel nous propose de baisser le pantalon?

Candide - 01-11-2013 15:08

ABDIQUER devant des bandits et des voyous ? Impensable. C'est comme si je regardais ma femme se faire violer devant moi, sans rien faire, sans rien dire en allant même jusqu'à les encourager de continuer. Mais qu'est devenue cette hargne du 14 janvier où tout un peuple unis s'est rassemblé dans un même combat, celui de la liberté. La liberté, ne se mendie pas, elle se prend avec fierté, la rage au cœur et le sang bouillonnant dans nos veines. Qu'est c’est que ce discours d’intellectuel, de pleureuse, de lâche et de traitre ? C’est une guerre que nous menons, et comme dans toutes les guerres, il y a des individus qui se rallient au supposé plus fort. Nous ne sommes quand même pas tombés si bas au point de leur lécher les babouches, avec comme seule récompense, un os à ronger. C’est trop vite oublier ce peuple qui soufre et cette jeunesse sans avenir et désœuvrée. Pensent-ils la même chose ? Ce n’est pas certain. Redressons la tête, haut le menton. Ce n'est pas possible de lire de telle absurdités, ça me révolte et j'en pleure. NON! Ils ne passeront pas, j'ose croire à la vigilance du peuple. Le discours Nahdhaoui est destiné à convaincre les plus vulnérables, mais plus personne n'y croit. Cela est et a toujours été, de la désinformation.

librexp - 12-11-2013 17:46

Le piège se referme mais selon l'auteur sur le peuple Tunisien. Heureusement, notre pays ne vit pas en autarcie et surtout n'a pas ou peu de pétrole. Sinon, le plus offrant gardera le pouvoir

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