Dialogue national: Les enseignements d'une pérégrination périlleuse
«Patience est clé de délivrance»
Paroles du Prophète Mohamed
Après une attente tumultueuse, la fumée blanche a été au rendez-vous, certes aux derniers instants de cette première phase décisive du dialogue national, mais l’enjeu en valait la chandelle car nous tenons déjà notre futur chef du gouvernement.
Les péripéties et l’aboutissement des réunions marathoniennes et des tractations intrigantes n’ont pas été sans conséquences sur les équilibres des forces politiques et surtout sur la perception du citoyen tunisien de "la chose politique". Incontestablement, Il y a les gagnants sous une forme ou une autre…et les perdants. Les faits d’armes des uns, et la confusion et les tergiversations des autres regorgent d’enseignements et ne demandent qu’à être épiés et projetés dans le prisme politique pour entrevoir les tendances dominantes de demain.
Le grand gagnant de cette quête laborieuse d’un homme providentiel pour La Kasbah est sans le moindre doute Ennahdha. Ce parti a fini par redorer son blason et se remettre en selle pour les prochaines échéances politiques. Tout au long de cette première phase du dialogue national il a savamment évité de prendre les devants. Dés la première semaine du dialogue, Ennahdha a annoncé clairement que tout candidat neutre était le bienvenu et ce indépendamment des soutiens initiaux dont il bénéficiait. On a cru même comprendre qu’Ennahdha n’avait pas d’objection concernant Mustapha Kamel Nabli. Mais sachant dés le départ que le rancunier locataire de Carthage ferait barrage à cette candidature Ennahdha a évité intelligemment de polémiquer pour une proposition compromise d’avance. Ennahdha a fait de même pour la candidature de Zebidi.
Faites vos jeux messieurs, Ennahdha acquiescera! L’opposition avait tout pour elle : un constat d’échec pour le gouvernement Larayedh, un Président fortement compromis après la publication du livre noir, et un quartet piloté par une Ugtt équidistante des différents belligérants et qui pouvait faire preuve d’une certaine mansuétude à l’égard de l’opposition. Le contexte international demeurait aussi favorable, le bastion de l’islam politique, la confrérie des frères musulmans étant en perdition, cherchant à panser ses blessures, dans la résignation.
Mais voilà, l’opposition a fait étalage de ses limites et de son incohésion. Le front de salut qui a entamé le dialogue en présentant un semblant d’unisson s’est vite vu rattrapé par le syndrome des égos démesurés et des calculs politiciens. Et la palme d’or reviendrait certainement à Ahmed Nejib Chebbi, l’éternel gaffeur. C’est lui qui a défendu bec et ongles la candidature D’Ahmed MESTIRI à la primature, alors qu’on croyait ce dernier désistant, ouvrant ainsi un boulevard à Ennahdha. Du jour au lendemain, et mesurant à sa vraie ampleur la fissure au niveau du front de salut, Ennahdha a décidé que MESTIRI soit son unique candidat. Alors qu’on s’acheminait vers l’épilogue du dialogue, les équilibres ont changé et Ennahdha a pris la main jusqu’à la fin. La manœuvre était subtile, et Ennahdha soufflait le chaud et le froid tout en veillant à rappeler qu’elle était prête à faire des concessions. Essebsi de son coté, s’est amusé lui aussi à jouer cavalier seul avec sa proposition saugrenue de haut conseil d’Etat. Une proposition qui vise à ôter l’assemblée nationale constituante de tout pouvoir et à saper tout le projet du quartet, un coup d’Etat institutionnel. Ennahdha ne voyait pas cette proposition d’un mauvais œil (sans pour autant l’appuyer), car il s’agit d’un schéma où le partage de pouvoir avec Nida Tounes allait de facto être établi.
Quant au front populaire, il se verrait attribué le "Razzie Award" du dialogue national. Souvent sous les pantoufles d’Essebsi, Hamma Hammami n’a jamais eu une ligne directrice. Entre suivisme, coups de gueule et volte-face, il a fait montre d’une adolescence politique patente. Au lieu d’adopter une démarche intelligente qui s’interdirait toute perturbation des efforts de la centrale syndicale, étant donnée la proximité naturelle entre l’ugtt et le front populaire, H.H a ouvertement critiqué la démarche du quartet et le front populaire a fini par prendre la décision de boycotter le dialogue national…irrationnel quand tu nous tiens !
Il est vraiment ahurissant de constater que le front de gauche tunisien devienne plus critique qu’Ennahdha à l’égard de l’ugtt…un précédent historique !
Le front populaire a beaucoup perdu après cette première phase du dialogue national, et le projet d’un parti de gauche tant rêvé par les militants du front semble aujourd’hui et plus que jamais réellement menacé.
L’interrogation fondamentale demeure celle relative à l’appréciation de la conduite du dialogue par l’ugtt (principale composante du quartet) et des impacts du dénouement final sur son image et son positionnement. D’aucuns considèrent qu’Ennahdha a réussi à neutraliser l’ugtt avec subtilité en acceptant de prendre part au dialogue national et en évitant officiellement d’entraver sa marche. Cette vision des choses est incomplète et n’évalue pas leur juste mesure les bénéfices engrangés par la centrale syndicale. D’abord, l’arrêt des hostilités de la part d’Ennahdha ne peut que profiter à la centrale syndicale qui mobiliserait ainsi toutes ses énergies et forces vives pour les prochaines phases politiques et socio-économiques.
Paix des braves ou trêve tactique ? Seuls les mois prochains nous le diront. Toutefois, faire le raccourci hâtif quant à une éventuelle indulgence de l’ugtt à l’égard d’Ennahdha, c’est méconnaitre les valeurs historiques de la centrale syndicale. Taxer l'ugtt de crédulité serait injuste. La centrale syndicale demeurera certainement vigilante pour parer à toute dérive ou manœuvre menaçant les valeurs républicaines et les institutions de l’Etat.
Ensuite, l’ugtt a renforcé son image de garant de l’intérêt du pays et de rassembleur. L’ugtt a réussi là où beaucoup spéculaient sur son échec: Elle a réussi à bousculer les clivages politiques et a fait preuve d’une patience édifiante.
Wided Bouchamaoui a été aussi très en vue durant ce dialogue national. Elle était ici et là, prêtant une véritable main forte à H.ABASSI dans les moments difficiles et rappelant à ceux qui ne voulaient pas l’entendre, que l’économie était prise en otage par les caprices et stratagèmes politiques des différents belligérants.
Ce dialogue national avait aussi son «bouffon», l’alliance démocratique qui, à force de vouloir adopter une démarche au parfum consensuel et à connotation dite constructive, a fini par tomber dans les travers du vouloir plaire à tout le monde. Qui n’a pas gaussé de ce bizarre double vote lors du dialogue national ? Au lieu de soutenir son candidat ou s’abstenir, l’alliance démocratique a inventé ce double vote infantile soutenant ainsi simultanément MESTIRI et ENNACEUR…pour maintenir l’équilibre…Bravo messieurs les funambules !
Ben Gharbia, Baroudi, Bouriel et compagnie, gagnez en maturité s’il vous plait, ne confondez pas impétuosité et imprudence et surtout n’oubliez pas qu’à force de quêter le consensus vous pouvez être dans l’aliénation joyeuse.
Entre des participants auréolés et d’autres discrédités, sans parler de ceux pour qui rien n’est finalement à signaler, la Tunisie tient avec frémissement son prochain chef de gouvernement.
Sans doute, Ennahdha est consciente que son bilan au pouvoir est catastrophique; mensonges et balivernes n’ont été que source d’opprobre pour le parti. En acceptant la main tendue de l’ugtt, et en anticipant le désordre désormais ambiant au niveau de l’opposition, elle a voulu sauver les meubles.
Maintenant, Ennahdha est perçu dans une position qui était au-delà de ses espérances, et il peut envisager l’avenir avec plus de sérénité. Stratégie, coup de poker ou concours de circonstances favorables ?….importe peu…Ennahdha a réussi à renverser la vapeur. Certes la messe n’est pas définitivement dite, mais la tendance n’est pas trompeuse.
Un homme providentiel manquait certainement à l’opposition…Qui a tué Chokri Belaid?
Oualid Jaafar
Blogueur
TERRANOVATUNISIE.BLOGSPOT.COM
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