Diplôme d'expertise comptable: Quelle réforme?
Il est temps que le Ministère de l’Enseignement Supérieur engage une véritable réforme de l’Enseignement Supérieur de la comptabilité et notamment, le cursus qui mène au Diplôme d’Expertise Comptable (DEC). Certes, la Tunisie a adopté le système LMD (Licence Master Doctorat) à l’instar de la plupart des pays européens et non européens; mais la filière comptable n’a pas eu la chance d’avoir la faveur des responsables chargés de la réforme universitaire.
La crise financière récente et ses répercussions sur l’économie mondiale ont démontré l’urgence de la mise en place d’une régulation internationale des systèmes d’informations financières.
La comptabilité traduit sous forme chiffrée les actes juridiques et les transactions économiques qui affectent le patrimoine des entreprises. En effet, depuis le XVe siècle la comptabilité est devenue la source la plus sûre de l’information économique et financière. Cependant, la multiplicité des référentiels comptables est à l’origine des difficultés de communications financières et du désordre monétaire international.
Face à cette situation, la normalisation comptable est devenue incontournable afin d’assainir la communication financière et de permettre une lecture plus aisée des documents financiers établis selon un référentiel unique.
J’espère que la réforme qui sera engagée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur tiendra compte des objectifs clairement définis à l’avance telles que :
- La reconnaissance internationale du Diplôme d’Expertise Comptable tunisien pour faciliter l’installation des experts comptables tunisiens au-delà de nos frontières;
- L’organisation d’un examen national pour l’obtention du Diplôme d’Expertise Comptable. Les établissements d’enseignement supérieur auront pour mission de préparer les étudiants à cet examen.
Si l’on observe les réformes engagées par d’autres pays étrangers et notamment la France, on constate que la formation supérieure au Diplôme d’Expertise Comptable peut être réalisée selon l’une des deux filières suivantes :
- Une filière spécifique : à partir de l’obtention du baccalauréat, l’étudiant intègre le cursus d’expertise comptable composé de trois niveaux de diplômes.
- Le niveau 1: le diplôme initial de comptabilité est délivré à tout étudiant qui capitalise 13 unités d’enseignement sur 6 semestres soit l’équivalent de la licence (180 ects),
- Le niveau 2: le diplôme supérieur de comptabilité délivré à tout étudiant qui satisfait à 7 unités d’enseignement supplémentaires sur 4 semestres soit l’équivalent du Master (120 ects supplémentaires),
- Le niveau 3: le diplôme d’expert comptable délivré après 3 ans de stages, la présentation d’un mémoire et la réussite à une épreuve écrite de synthèse.
Chaque niveau de diplôme fera l’objet d’un examen national organisé par le Ministère de l’Enseignement Supérieur.
- Une filière universitaire classique qui consiste à intégrer après le baccalauréat une formation en licence de gestion (6 semestres). La licence permet, après une sélection, d’intégrer la préparation d’un master spécialisé d’expertise comptable (4 semestres). Le grade de Master permet d’avoir l’équivalence partielle du niveau 2 de la filière spécifique et de se retrouver au niveau 3.
Filière | Diplôme | ||
| N1 180 ects | 120 ects | 180 ects |
Filière classique | Licence
180 ects |
+ UE manquantes
|
Il faudra envisager des passerelles entre les deux filières afin de favoriser la réussite de l’étudiant.
Bien entendu l’enseignement proposé dans les deux filières doit s’inspirer des recommandations internationales et la conception d’un référentiel de formation spécifique au contexte tunisien tout en laissant une place prépondérante à l’enseignement des normes comptables et d’audit préconisées par les normalisateurs internationaux.
Il faudra aussi encourager et faciliter la conclusion des conventions bilatérales entre les universités tunisiennes et les universités étrangères afin de favoriser la co-diplômation et indirectement la reconnaissance mutuelle des diplômes indispensable au principe de la liberté d’installation des professionnels de la comptabilité et de l’audit et l’harmonisation des référentiels de formation.
Naturellement, il est inconcevable de ne pas faire participer à cette réforme les représentants de la profession comptable. En effet, les membres de l’ordre des experts comptables sont des professionnels responsables et impliqués activement dans la vie économique du pays. Grâce à leur expérience ils peuvent enrichir les débats et les travaux des éventuelles commissions.
Enfin, il est à craindre que le Ministère de l’Enseignement Supérieur opte pour un « bricolage » du système actuel et présenter ce travail comme une véritable réforme. Les enjeux sont très importants pour les professionnels de la comptabilité, les entreprises, les banques, la bourse, l’Etat tunisien… Il faut avoir le courage de mettre en place les moyens nécessaires et les compétences nationales pour doter notre pays d’une formation comptable reconnue au niveau international.
Hachmi DJEMMALI
Maître de conférences université LYON 3
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Outre la participation des représentants de la profession, je suis convaincue que la participation de jeunes expert-comptables récemment diplômés ainsi que de jeunes Expert-comptable stagiaires issus de cette formation, ayant subi le système actuel et ressentant le besoin du marché par rapport à cette formation et ce métier ainsi que par rapport aux professionnels du chiffre de manière plus générale contribuerait à mener une réflexion de qualité pour cette réforme. Cette réforme doit intégrer un double niveau de réflexion, à savoir le cursus qui mènera à la formation d'experts-comptables, ainsi que celui qui mènera à la formations d'autres professionnels du chiffres, qui tous les deux ont des parcours et des formations en grande partie confondus, et qui tous les deux ont une grande contribution à l'équilibre de l'économie, et surtout représentent un niveau d'offre qui est au dessous du besoin du marché tunisien. Une réforme de qualité de ce diplôme, de cette formation et de ce cursus universitaire représente une aubaine pour le problème de l'employabilité des diplômés qui se pose avec acuité ces années. J'espère que tous les responsables mèneront cette réflexion avec gravité, et considèreront le rapport de la banque mondiale sur la qualité de l'information financière en Tunisie publié en Octobre 2006.
le reforme comptable en tunisie :l 'importance et ses enjeux