Nos ordures: quel gâchis!
Ces jours derniers, certains imams et des politiciens surfant sur les thèmes religieux n’ont cessé de discuter de «mécréance», d’ «apostasie» et d’«excommunication» voire de «polygamie» alors que la crise bat son plein dans le pays. Le Journal Télévisé déprime avec sa litanie de grèves dans la plupart des secteurs et notamment à l’Université. Dans les facultés, il semblerait que les étudiants décident, de leur propre chef, d’assister aux cours ou de prendre des vacances (sauvages) une fois les examens bâclés!
Plongés dans les bien mystérieuses tractations de la rédaction de la Loi Fondamentale et les jeux enivrants de la politique, responsables et politiciens – gens «sérieux» comme le dit, par dérision, Antoine de Saint Exupéry dans «Le Petit Prince» - ne s’abaissent pas à s’occuper de broutilles par trop terre-à-terre!
Prenons l’exemple de la crise des ordures qui secoue notre capitale - et même dans sa voie principale emblématique - et nos grandes villes. Plutôt qu’ «apostasie» et «excommunication», nos théologiens ne feraient-ils pas œuvre bien plus utile en prêchant la propreté, le respect de l’environnement et le sens des responsabilités en rappelant, par exemple, les hadiths pertinents comme «La propreté est inhérente à l’Islam et la saleté est caractéristique de Satan»?
Maigre consolation : la question des ordures se pose avec acuité en Egypte aussi et, dans son discours inaugural, l’éphémère président Mohamed Morsi y a consacré un développement conséquent (voir notre article sur le site de Leaders). Pareillement, en Palestine, la question des ordures met aux prises les autorités palestiniennes aux forces de l’occupation («Israël défie la Banque Mondiale et interdit aux Palestiniens l’usage d’une décharge», Haaretz, 09 janvier 2014). Ces dernières refusent que les Palestiniens utilisent la décharge d’Al Minya à l’est de Bethléem construite selon les règles de l’art par la Banque Mondiale. C’est la première décharge moderne dans le sud de la Cisjordanie. Comme elle se situe en zone C, l’autorisation de l’Administration civile israélienne (en fait, l’Armée d’occupation) est nécessaire. Or, celle-ci exige que les poubelles des colonies environnantes y soient aussi enfouies. Ce que refusent aussi bien la Banque Mondiale que les Palestiniens. Les choses sont claires pour la BM: les fonds alloués doivent profiter exclusivement à la population palestinienne. Pour l’Autorité Palestinienne, il n’y a pas de coopération possible avec les colons sionistes.
Dans notre pays, les éducateurs, les chercheurs et les étudiants, de leur côté, ont un rôle à jouer à cet égard. Ils devraient se pencher sur ce rapport que la Banque Mondiale a consacré, en 2012, à la question des ordures sous le titre «Quel gâchis» (What a waste ). A l’heure où les diplômés-chômeurs cherchent désespérément du travail, ils y apprendront que « l’écologie industrielle » est une discipline en plein boom. Cette nouvelle branche du savoir s’attache à l’étude de l’échange et de la réutilisation des matériaux dans la sidérurgie, l’industrie chimique, la fabrication du ciment et du papier car les déchets d’une activité peuvent être les produits de départ d’une autre. En fait, l’écologie industrielle intègre le système industriel dans la biosphère et le considère comme un cas particulier d’écosystème. Au Danemark, la communauté de Kalundborg est pionnière en matière d’écologie industrielle: ainsi, par exemple, les boues riches en azote et en phosphore d’une fabrique de produits pharmaceutiques servent d’engrais aux fermes du voisinage et le gaz naturel brûlé dans les torchères de la plus grande raffinerie danoise alimente à présent une fabrique de plaques de plâtre.
Pic mondial des ordures au cours de ce siècle
Pour la vénérable revue scientifique Nature de Londres (vol. 501, 31 octobre 2013, p. 615- 617), les déchets solides que nous mettons dans nos poubelles sont «un sous-produit de la civilisation». Ainsi, l’Américain moyen rejette aujourd’hui mensuellement son propre poids d’ordures. Quand les services municipaux fonctionnent correctement, ces déchets disparaissent de notre vue et nous les oublions vite. Ces matériaux devenus inutiles sont ramassés, certains sont recyclés ou compostés et la plupart sont soit mis en décharge contrôlée soit incinérés. Le compostage est maintenant pratiqué dans beaucoup d’immeubles à Paris même. L’incinération n’a rien à voir avec cette désastreuse pratique, si répandue hélas chez nous, et qui consiste à brûler de manière sauvage les ordures.
Au cours du siècle dernier, la production des déchets a été multipliée par dix du fait de la croissance de la population, de son urbanisation et de son aisance matérielle. En 2025, elle doublera à nouveau. Que nos responsables municipaux (quand on se décidera enfin à les élire!) le notent bien et prévoient les budgets en conséquence ! Certains médias évoquent souvent les gaz à effet de serre et leurs effets sur le climat mais la production des ordures est bien plus rapide que celle de nombreux polluants environnementaux. Les plastiques encrassent les océans et les cours d’eau dans le monde, menaçant la biodiversité. Au cours des années 1960 à 1990, l’équipe du Pr Richard C. Thompson (Université de Plymouth en G.B) a montré que les fibres de plastique et les fragments de polymères synthétiques se sont fortement accumulés sur les plages et les fonds marins britanniques d’où une énorme concentration de plastique chez le plancton. Ce qui constitue une grande menace pour la vie marine. Les auteurs soulignent que cette situation n’est pas l’apanage des Iles Britanniques et peut se retrouver partout sur la planète. Les sacs en polymère provoquent en outre des inondations dans de nombreux pays en développement car ils bouchent les canalisations d’eaux usées. L’Inde, tout comme le Bangladesh les ont interdits pour cette raison. En Tunisie, ces sacs sont partout et on y sert même la viande et le lait sans prendre la peine de vérifier si leur plastique permet le contact alimentaire. En janvier 2002, le gouvernement sud-africain a contraint l’industrie à fabriquer des sacs moins éphémères et plus chers pour éviter leur rapide mise au rebut : on a immédiatement observé une réduction de 90% de l’usage des sacs en plastique. Pareillement, en Irlande, par l’introduction d’une taxe en mars 2002, on a assisté à une réduction de 95% de leur usage. En France, les supermarchés font payer les sacs en plastique.
Dans les villes des pays émergents, le problème des ordures est particulièrement aigu. Au fur et à mesure que les citadins deviennent plus riches, la quantité d’ordures qu’ils produisent atteint la limite. Avec la stabilisation de la population des villes et l’augmentation des niveaux de vie, les spécialistes prévoient un pic de production des déchets solides au cours du siècle. Sans contrôle de la démographie et sans réduction de la consommation, la planète souffrira. Le philosophe Jean Baudrillard écrivait en 1996: «La consommation est devenue la morale de notre temps. Elle est en train de détruire les bases de l’être humain.»
En 1900, affirment Daniel Hoornweg (Université de l’Ontario) et ses deux coauteurs dans Nature, le monde comptait 220 millions de citadins (13% de la population) qui produisaient 300 000 tonnes de déchets par jour. En 2000, 2,9 milliards de personnes vivent dans les villes (49% de la population mondiale). Elles génèrent quotidiennement plus de trois millions de tonnes de déchets solides. En 2025, cette production doublera et nos auteurs de dire que celle-ci remplira chaque jour « une rangée de bennes à ordures longue de 5000 km » ! Ce sont bien sûr les pays riches qui produisent le plus de déchets : ceux de l’OCDE totalisent 1,75 million de tonnes par jour. Mais la culture de certains permet de limiter les dégâts. Ainsi, un Japonais produit un tiers de moins de déchets qu’un Etasunien alors que le PNB des deux pays est pratiquement le même.
Nos responsables devraient noter ce que révèle le rapport «Quel gâchis» remis à la BM par Perinaz Bhada-Tata et Chris Kennedy. Ils prévoient que le monde produira 6 millions de tonnes de déchets solides en 2025 alors qu’il n’en générait que 3,5 millions en 2010. Pour les experts, les villes africaines en expansion vont voir leur volume de déchets augmenter dans les prochaines années. L’aisance change la composition des poubelles. La richesse d’un pays peut être évaluée aujourd’hui par le nombre de téléphones portables - voire les jouets, les appareils électro-ménagers - mis au rebut. Les déchets solides deviennent ainsi un bon moyen pour apprécier l’impact des villes sur le milieu.
Que faire?
D’abord réduire les volumes et recycler. La ville de San Francisco aux Etats Unis se propose de parvenir ainsi à zéro déchet en 2020. Réduire les volumes se fait en appelant les industriels à coopérer pour, par exemple, mieux concevoir les emballages. Dans le bâtiment, on peut encourager les stratégies qui maximisent l’emploi des matériaux existants car la construction et la démolition conduisent à un flux de déchets solides impressionnant. C’est ici que les concepts de l’écologie industrielle peuvent le plus servir.
Mais il y a aussi l’éducation : expliquer que les déchets menacent nos eaux, empoisonnent nos sols et polluent notre air s’ils ne sont pas correctement gérés. Notre pays produit un grand volume de déchets végétaux qui peuvent être compostés et conduire à un produit marchand.
Il y a aussi la législation qui peut rendre le fabricant responsable des produits et des déchets qu’il crée et l’obliger à reprendre la marchandise en fin d’utilisation (téléviseurs, réfrigérateurs, fours à micro-ondes, sèche-cheveux…) Dans l’Union Européenne, cela est devenu la norme.
Il faut enfin inculquer une éthique de la consommation en réorientant les priorités sociales vers l’amélioration du bien-être plutôt que vers la simple accumulation des biens; pour le philosophe Patrick Viveret, la consommation peut agir non comme le moteur qui dirige l’économie mais plutôt comme l’instrument qui donne accès à une meilleure qualité de vie. Un mouvement «Zero Waste» (Zéro déchets) existe de par le monde. Son logo est: «Refuse, Reduce, Reuse, Recycle and Rot» (Refuser –ce dont on peut se passer- Réduire, Réutiliser, Recycler et Composter). Il s’agit en fait d’un mode de vie envisagé par le grand écologiste et philosophe américain Henry Thoreau Walden (1817-1862) qui enseignait: «C’est en proportion du nombre de choses dont il peut se passer qu’un homme est riche.» Des villes comme San Francisco, Hambourg, Turin, Milan, Salerne, plusieurs villes du pays basque espagnol… ont mis en pratique ces concepts. La société civile tunisienne pourrait y trouver un vaste champ d’activités. A noter que samedi 01 février 2014 se tient une grande journée Zero Waste Europe à Bobigny, en banlieue de Paris, avec la participation de quelques responsables du mouvement dans les villes citées ci-dessus.
Nos prêcheurs feraient œuvre utile et serviraient le pays et son environnement s’ils mettaient de tels thèmes dans leurs homélies. Quant à nos chercheurs et à nos étudiants, ils peuvent y trouver bien des sujets à creuser au bénéfice de ce pays. Le Prophète ne dit-il pas: «Maudite soit la science qui n’est pas utile [aux hommes].»?
Mohamed Larbi Bouguerra
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Sur la question du recyclage et la réutilisation des dechets , vous avez évoqué le Danemark, il serait interssant de voir comment ce pays est arrivé à faire de ce secteur une veritable activité économique. Il ya bien sûr le besoin d´avoir des villes et de quartiers propres, mais il ya surtout un autre aspect du probleme,c´est de ne pas rester en reste dans cette region. Lá joue curieusement les instincs et l´amour propre un grand role; le Danemark est entouré de pays bien plus nantís par le hazard, il est entouré d´un côté d´un pays frère la Norvège , un pays petrolier, de l´autre côte´l`Allemagne qui est un pays industriel. Le danemrk fait de cette situation geographique de mauvaise fortune bon Coeur. Les dechets c´est la réponse danoise à la Norvège d´un côté et l´Allemangne de l´autre. Autrement c´est la mort; l´histoire leur montre l´exemple. En effet il ya plusieurs aspect et moyens, comme la technique,l´encouragement par la politique économique mais l´essentiel vient de cette analyse de leur situation geographique et économique. L´energie est traitée avec trop de delicatesse au Danmark de sorte que l´utilisation de la bicyclette est devenue une affaire nationale, de même pour la réutilisation des dechets , et qu´on exporte la technique à d´autre pays. Ya t-il en Tunisie des intellctuels qui aiment leur pays et qui veulent ne pas rester des pauvres dans leur regions ou pays. le travail de l´ èlite politique , syndicale et intellectuelle joue ici un grand role en definissant et vulgarisant le problème.
comme vous avez raison!!!!je pense comme vous,que l'education manque et cela dans tous les pays y compris la france ,mon pays merci
Merci si Bouguerra Je vis depuis 40 ans à l étranger,mon Coeur et mon âme n ont jamais quitté la Tunisie. Je rentre chaque année et je constate que l environnement se détériore de plus en plus et cela me serre le Coeur. Jusqu à quand les habitants de la Tunisie ne réalisent pas que ce pays beau ( et j en ai vu d autres très nombreux ) risque d être asfixié.La Tunisie ne manque de rien seulement on la maltraite au risque de la perdre. Faites des ACTIONS sans perdre trop de paroles. L heure du réveil est arrivée prenez l effort ça vaut la peine. Je vous aime tous et adore mon pays.
Nous sommes très irresponsables face à nos déchets. J'ai très longtemps habité en immeuble et j'étais étonné que les habitants ne prenaient même pas la peine de trier leur bouteilles alors qu'ils savaient que de pauvres récupérateurs passaient chaque matin pour les trier dans les déchets ménagers. Il y a le civisme, il y a le simple bon sens et il y a la rahma entre les gens qui normalement est dans non gênes ? Par ailleurs, il faudrait faire attention en mettant une organisation en place à ce que cela ne profite pas à certains et n'annule le seul revenu de personnes qui vivent malheureusement de cela.
Pourquoi ne pas prendre exemple sur les pays développés? ?Ils ont bien des ordures? Bien que tout cela commence par notre éducation, mais ne désespérant pas, il y a un début à Tout.
Merci Professeur Bouguerra de remettre sur la table un sujet si préoccupant. Ce qui se fait aujourd'hui en matière de récupération de plastique et de déchets metalliques peut constituer un bon début pour aller de l'avant. En plus de l'effort à faire de la part des pouvoirs publics, la société civile gagnerait à se mobiliser pour passer au triage des ordures par chaque ménage et entreprise afin de faciliter la récupération. La mise à part des déchets organiques qui constituent plus de 30% de nos déchets, peut constituer un premier pas salutaire. Ils seraient facilement compostables.
Il manque à la Tunisie un vrai ministere de l 'Ecologie;c 'est une matiére à enseigner à l 'école;le plastique;le métal se recyclent de maniere infformelle ;des associations et grandes marques comme Pantagonia recyclent ;les textiles polaires viennet du plastique du recyclage des vieux vetements (qu'on répare et reexpedie);il y a des bennes à ordures pour le compost;le biodégradable et une benne pour le reste;c 'est unequestion de civisme et de politique ;vous avez vu un ministre tunisien circuler à bicyclettes ou prendre les transports en commun?nos maisons étaient propres sans tous ces produits chimiques actuels;il y a des sites qui donnent ses recettes pour eviter d 'acheter tous ces produits et donnent des recettes pour fabriquer soi meme;pour nettoyer les vetements ;la maison ;la vaisselle etc
Plutôt qu’ «apostasie» et «excommunication», nos théologiens ne feraient-ils pas œuvre bien plus utile en prêchant la propreté, le respect de l’environnement et le sens des responsabilités en rappelant, par exemple, les hadiths pertinents comme «La propreté est inhérente à l’Islam et la saleté est caractéristique de Satan»?....... En effet Dieu est un Dieu d Ordre de Propreté toute la Création dans son harmonie sa beauté sa PROPRETE son système naturel de reclyclage maintient la netteté sur la terre dans le sous sol sous la mer dans les sphères du ciel TOUT prouve la Grandeur du Créateur et traiter ainsi Sa belle demeure la Terre au IL nous a offerte est grave certes mais indigne et mechant,,,, et le Mechant par excellence est Satan. Ne soyons pas PLUS ses suppots ! Allez retroussons nos manches et à nos balais. Sinon Tunisiennes Tunisiens vous voulez quoi ? sombrer dans les épidémies et laisser à nos enfants une poubelle ??? Méditons et AGISSONS