Affaire Orange Tunisie: nouvelles révélations
«Une sourde bataille qui dure depuis presque trois ans et se joue dans le silence feutré des bureaux d’avocats et des cabinets ministériels. Son enjeu est énorme: le contrôle d’Orange Tunisie, troisième opérateur de téléphonie du pays». Ainsi débute l’enquête parue cette semaine dans l’hebdomadaire Jeune Afrique et signée du journaliste Samy Ghorbal, collaborateur régulier de Leaders. Elle apporte des éclairages inédits sur l’affaire qui oppose depuis maintenant trois ans l’homme d’affaires Marwan Mabrouk et l’Etat tunisien. Une affaire qui a connu plusieurs importants rebondissements judicaires au cours des mois écoulés.
Visé par le décret-loi de confiscation du 14 mars 2011, l’ex-gendre du président Ben Ali s’était muré dans le silence et s’en était remis à ses avocats, conscient que ses arguments risquaient de ne pas entendus dans le climat d’exaltation des lendemains de Révolution. Conforté par la décision de la Cour d’appel de Tunis, qui lui a donné raison le 14 février 2014 dans l’affaire de la société «Le Moteur» (concessionnaire de Mercedes en Tunisie), il a finalement accepté de sortir de sa réserve médiatique en se confiant à l’hebdomadaire Jeune Afrique, pour revenir sur les conditions de l’attribution de la licence d’Orange Tunisie, en 2009. Il réfute toute malversation, dit «sa vérité» et s’élève contre ce qu’il considère comme «une spoliation». Serein, Marwan Mabrouk dit «faire confiance à la justice» pour un retour rapide à la légalité.
L’enquête de Jeune Afrique retrace donc les trois années de bataille juridique ayant opposé l’homme d’affaires et l’Etat tunisien, à travers la Commission de confiscation et la holding Al Karama. Elle va à rebours de certaines idées reçues et met en évidence des questions qui restent à ce jour sans réponse. On y apprend qu’un audit, commandé en octobre 2011 par l’ancien président de la Commission de confiscation, le juge Adel Ben Ismaïl, et portant sur la société Investec, actionnaire de référence d’Orange Tunisie, a conclu que le financement de ladite société par Marwan Mabrouk s’était fait « à partir de des revenus et bénéfices qui lui ont été distribués par les sociétés héritées de son père.» Or, rapporte l’hebdomadaire, ses conclusions ont été escamotées par la Commission de confiscation, après le remplacement de ce magistrat, en mars 2012. Curieusement, aucune contre-expertise n’a été demandée.
Autre élément troublant: la décision de céder Investec à la holding Al Karama, chargée de la vente des biens confisqués, s’est effectuée au mépris de l’article 202 du Code des obligations et des contrats, qui stipule «qu’est nul le transfert d’un droit litigieux, à moins qu’il n’ait eu lieu avec l’assentiment du débiteur cédé.» En clair: cette vente a été opérée sans attendre que le tribunal administratif, saisi par Marwan Mabrouk d’un recours demandant l’annulation de la confiscation, ait statué sur le fond. La cession d’Investec par Al Karama a donc eu lieu avant même que la question de la propriété finale d’Investec ait été définitivement tranchée par la justice. Une telle précipitation laisse perplexe? L’affaire a elle aussi été portée au contentieux. Conséquence de cet imbroglio juridique: toutes les décisions prises par Al Karama, et notamment les changements dans la gouvernance d’Investec, d’Orange et des assurances GAT ont été annulés, le 11 février, par le tribunal de première instance de Tunis, qui s’est rangé aux arguments de Marwan Mabrouk. Un dossier à lire dans le magazine Jeune Afrique, daté du 2 mars 2014…
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