La théorie du complot, encore et toujours
Hédi Baccouche était ce lundi l’invité de la Fondation Témimi pour parler de l’expérience des coopératives initiée dans les années 60 par le tout-puissant ministre de l’Economie de l’époque, Ahmed Ben Salah. Il était bien placé pour en parler. Ayant été l’un des plus proches collaborateurs de l’ancien superministre, il avait pris part à la mise en place de sa politique de collectivisation dans plusieurs régions en tant que gouverneur.
On s’attendait à une analyse critique de cette expérience malheureuse dont l’effet sur l’agriculture tunisienne a été catastrophique. On a eu droit une fois de plus aux explications superficielles qu’affectionnent généralement nos hommes politiques. L’échec de cette politique dont l’onde de choc se fait sentir jusqu’à aujourd’hui serait dû à un complot (encore un !) ourdi par Wassila avec la complicité de Caïd Essebsi, alors ministre de l’Intérieur et Béchir Zarg El Ayoun, compagnon de Bourguiba, contre Ahmed Ben Salah. Pas un mot, pas une virgule sur les erreurs de l’ancien superministre, sur l’improvisation et la précipitation avec lesquelles l’opération a été menée, sur l’absence totale de concertation avec les premiers intéressés, les agriculteurs qui l'ont vécue comme une spoliation pure et simple. Pourtant, l’orateur disposait du recul nécessaire pour en parler avec la distanciation et l’objectivité nécessaires. En tout cas, si Wassila a bien été à l’origine de l’échec de cette expérience, elle aura bien mérité de la patrie. Car on a peine à imaginer les dégâts provoqués par cette collectivisation qui avait mis le pays au bord de la guerre civile, dépeuplé les campagnes et paupérisé les paysans entraînant un exode rural sans précédent. Des cités comme Ettadhamen, El Intilaka, Mnihla implantées sur les terres fertiles du défunt Office de Mise en Valeur de la Vallée de la Medjerda, ainsi que la constitution de la ceinture de Tunis datent de cette époque.
Les années 60 ont été marquées par des sécheresses comme le pays n’en avait jamais connues auparavant et n’en a plus connu depuis. En septembre 69, lorsque cette expérience a été annulée, le pays a subi les inondations les plus graves de son histoire. Les agriculteurs y ont vu un signe du destin. Même le Bon Dieu n’avait pas voulu de cette collectivisation. Ce sera le début des vaches grasses, marquées par une croissance à deux chiffres. Hédi Nouira, premier ministre à partir de septembre 70 dira que la pluie a voté pour lui. Mais le pays se serait bien passé de cette calamiteuse collectivisation qui ne pouvait pas réussir parce qu'elle avait été menée à marche forcéee et en dépit du bon sens. Depuis, les Tunisiens ne voudront plus entendre parler de coopératives. Il y a fort à parier qu'ils en seront immunisés pour longtemps encore.
Il reste que l'histoire de cette période est à faire. Il est dommage que cette première grave crise de régime depuis l'indépendance qui avait mis fin au dogme de l'infaillibilité dont s'était entouré Bourguiba soit sous analysée et réduite à quelques intrigues de palais comme veulent le faire croire encore les principaux acteurs de cette période. Pour la première fois, on a entendu le président reconnaître humblement qu'il s'était trompé et demandé aux Tunisiens leur pardon.Une consultation nationale a permis aux citoyens de s'exprimer librement. Cela a duré un mois jusqu'au jour où on a commencé à remettre en question le monopole du parti et réclamé la séparation entre l'Etat et parti.
Mustapha
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La meilleure question qu il fallait poser a Mr Baccouche,c est pourquoi il n a pas repris cette glorieuse epopee avec Ben Ali qu il a tant aide a usurper la Republique de Bourguiba puis a assoir la dictature.Il fallait ensuite l informer car il ne semble pas l avoir ete encore,du prix exorbitant que les Russes et tant d autres ont paye durant 70 ans pour la collectivisation des terres.Lamentables dinosaures qui n apprendront jamais rien de leurs echecs alors qu ils devraient demander pardon a tous ceux qu ils ont spolies et au pays qu ils ont ruines
Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse de Monsieur ADEL, Ce BACCOUCHE a été vraiement Baccouche ( MUET ) quand il fallait parler a BEN ALI pour corriger les dérives de touts genres.
Il faut parler de modernisation agraire et non de collectivisation. La modernisation des structures agraire devait se faire avec l'appui de l'Etat et sous sa tutelle pour permettre le progrès scientifique et l'évolution des méthodes culturales, parallèlement à l'élévation du niveau culturel et civique du paysans tunisien. La modernisation agricole a finalement été faite sous l'aiguillon du capitalisme agraire naissant qui s'est accaparé les meilleures terres au détriment des paysans, ravalés au rang de salariés agricoles sans autres droits que ceux qui le propritétaire terrine veut bien leur consentir. Sous ce régime du capitalisme agraire qu'ont fait triompher Hédi Nouira et Wassila Bourguiba -- eux mêmes grands propriétaires -- nos paysans ne bénéficient d'aucune protection sociale. C'est dans certains cas le régime honni du kahmessat qui s'est réinstallé sous la férule de propriétaires tirant leur autorité de leur allégeance à la dictature. L'échec de l'expérience pionnière de Ben Salah est à la source du flagrant retard de notre agriculture et du déficit alimentaire que connaît la Tunisie. Certes les sacrifices réclamés par l'ancien ministre étaient réels, mais ils étaient partagés. Depuis, la richesse nationale a été accaparée par une minorité qui est en train de pousser les feux de l'ultra-libéralisme dans l'industrie et les services au risque d'un appauvrissement général des classes populaires et au risque aussi d'une perte de la souveraineté nationale du fait des pertes de ressources par l'Etat -- ouverture incontrôlée du marché national à une mondialisation funeste -- de l'endettement extérieur, et du poids du capital étranger dans les investissements. Tous maux que Ben Salah voulait épargner à notre pays dans une perspective nationaliste et solidaire.
L'ancien délégué,Gouverneur,Ministre et enfin Premier Ministre aurait dû reconnaître qu'il s'agissait d'une erreur d'appréciation d'une stratégie de développement qui a réussi dans les pays scandinaves qui ont inspiré d'ailleurs M.Ben Salah - et ce en raison de leur civisme et de leur richesse hydraulique.Sans aucun doute,la manière dirigiste avec laquelle a été appliquée la politique de collectivisation est à l'origine de son échec et je suis sûr que M.Ben Salah aurait mieux analysé cet échec après coup sans interférence politique supposée.La vraie évaluation de toutes les politiques ne sera faite que longtemps après que les acteurs aient pris leur retraite.....!
A la fin des années soixante , j'étais encore étudiant ; et je ne sais plus aujourd'hui dans quel cadre on ( les autorités ) nous a conduit au Sahel et nous a mis en contact direct et sans aucune surveillance avec les agriculteurs , qui étaient satisfaits et convaincus de la nécessite d'abattre les arbres improductifs ...je n'ai décelé aucune contrainte exercée sur les quelques paysans contactés ...
De toute les façons ; le complot y est. ça on ne peut pas le nier. Ce complot vient surtout de ce qu'on appelait le clan des tunisois. Ça s'explique bien puisque c'était les grands propriétaires terriens ! Pour la petite histoire ;je me souviens d'une réflexion anectodique de notre professeur de philosophie, français dans le temps, qui disait " j'ai jamais vu un socialisme appuyée par les américains ! " . La banque mondiale était d'accord ! Vas comprendre quelques choses ? Mais bien sûr ; aussi,existe- t-il une mauvaise gestion. Ahmed ben Salah s'est trouvé tout seul ; sans préparation. La majorité des gouverneurs et des cadres locaux étaient contre lui. Pour dire qu'on était au bord de la guerre civile ; non. Il ne faut pas exagérer. Il n'avait pas le moindre signe de guerre civile. D'ailleurs ; qui contre qui ? N'oublions pas que Ben Salah est un syndicaliste et ce qu'il avait fait étaient l'engagement que Bourguiba avait pris, lors de la lutte de libération pour rallier avec lui l'UGTT dans le but d'isoler Ben Youssef ( vous voyez le tableau !).Donc ; Bourguiba n'était même pas convaincu.Donc ;connaissant Bourguiba ( allahi yarhamhom !) ; ce n'est pas ni étonnant ni impossible que c'était un piège tendu par celui-ci à Ben Salah pour d'une part l'écarter et d'autre part enterrer la question une fois pour toute (peut être pour que l'UGTT oublie l'engagement pris par Bourguiba et ne plus l'embêter avec ça). D'ailleurs ;il n'y avait pas que ça : il y avait la gratuité de l'enseignement et la gratuité de la santé que Bourguiba avait prises à son compte car très populaires. En ce qui concerne l'enseignement ; Ben Salah avait fait des bonnes choses qu'on a tout simplement arrêter après Ben Salah, sans voir l'intérêt des élèves ! Et combien ; d'élèves avaient vu leurs avenirs scolaires arrêtés parce qu'on a tout simplement arrêter le cursus entamés par Ben Salah, sans réfléchir à leurs avenir ( par exemple, la section comptabilité).
Karoui, baccouche appartiennent à cette race de politiciens qui ne veulent pas reconnaître leurs fautes et celles de leurs amis. Ou bien ils n'ont jamais su ou bien ce sont les autres qui ont combiné pour leur saboter leurs projets miraculeux. Il faut reconnaître que s'ils n'ont pas réussi c'est tout simplement parce qu'ils sont incompétents et ne méritent pas qu'ils soient aux commandes du pays.
L experience-si on peut parler d experience- de Ben Salah n a rien à voir ni de pres ni de loin avec le systeme cooperatif volontaire et volontariste scandinave ou meme francais qui prevalait a l epoque et qui survit encore sous des formes diverses dans certaines regions.Il faudrait d ailleurs parler d experience debernicienne( du nom du professeur français d'économie De Bernis et de son école de Grenoble ) plutôt que d expérience bensalehienne.Pour ceux qui ont suivi et qui se souviennt,la meme experimentation a ete tentee au Senegal comme en Tanzanie avec les memes recettes et les memes succes qu en Tunisie,c est a dire une agriculture sinistree en un temps record.Quant a ceux qui raisonnent encore en termes de luttes de classes,il faut juste rappeler que le train est passe depuis tres longtemps et qu il a complètement déraille dans les pires dictatures à côté desquelles celle de Ben Ali était une douce démocratie