Blogs - 02.07.2014

Pourquoi ont-ils si peur de se compter?

«Trahison», «Reniement de la parole donnée», «l’espoir assassiné». Que dire de ces réactions d'El Massar à la décision de Nidaa Tounès de se présenter avec  ses propres listes aux élections, sinon qu’elles relèvent d’une mauvaise foi affligeante. On reproche, aujourd'hui, à ce parti de s'être servi de l'Union Pour la Tunisie pour faire échec à la politique d'endiguement menée par Ennahdha à son encontre dès sa constitution. Mais en contrepartie, ses partenaires trouvaient largement leur compte dans cette alliance. L’émergence de ce parti « né grand», selon la formule consacrée, a revigoré l'opposition après son échec cuisant aux élections du 23 octobre, mis fin à l'arrogance des islamistes et finalement rééquilibrer le paysage politique.

Mais les alliances n'ont jamais ressemblé au mariage catholique. Elles sont par définition éphémères et se font et se défont au gré des intérêts des uns et des autres et de la conjoncture. Ni ange, ni démon, Nidaa Tounès défend ses intérêts, comme le fait El Massar. Derrière les beaux discours dont se gargarisent volontiers les hommes politiques qu'ils soient de droite ou de gauche, se cache souvent une réalité plus prosaïque.  Ce sont les intérêts particuliers qui priment. Après avoir densifié  son maillage de tout le territoire et établi avec Ennahdha une sorte d’équilibre de la terreur, le parti de Caïd Essebsi s’est senti suffisamment fort pour se présenter avec ses propres listes. Doit de lui en vouloir ? Au fond, l'échec de l'UPT était prévisible. Il est le résultat  d’un choc de deux égoïsmes, ce qui est au fond, de bonne guerre, même si El Massar feignant la surprise,  fait aujourd’hui dans le discours victimaire, se parant des oripeaux du «défenseur de  l’union des forces démocratiques». La politique n’est ni morale, ni immorale. Elle est amorale avec sa propre échelle des valeurs. Efficacité et pragmatisme en sont les maîtres-mots, les qualités suprêmes.

Au lieu de composer avec lui, en négociant par exemple avec ses partenaires un programme commun, ils ont cru bon de se défausser sur Nidaa de leurs propres erreurs au risque de l'affaiblir et de le discréditer aux yeux des Tunisiens. Que signifient ces appels à peine voilés  à «nos amis» pour faire pression sur la direction de ce parti et les amener à résipiscence ? N'est-ce pas une ingérence dans les affaires intérieures d'un parti ?  On s’attendait à plus d’humilité de la part des dirigeants d'El Massar et ses deux compères et même à une autocritique. Alors que les dirigeants de Nidaa  étaient sur le terrain, ses partenaires préféraient se pavaner sur les plateaux de télévision. Dans un accès de colère, BCE avait dernièrement qualifié Al Massar de «demi-parti». Il n'était pas très loin de la réalité. Et que dire des deux autres formations de l’UPT  ?

Le paravent de l'UPT

Au fait, cette alliance électorale à laquelle on s'accroche comme un noyé à un fétu de paille, parlons- en: j’ai eu beau interroger les morts et les vivants, les expériences des pays qui nous sont proches comme la France, notamment celles du Front populaire de 1936 et de l’Union de la Gauche de 1978 et 1981, je n’en ai  trouvé aucun trace. A trois reprises, les communistes français et le PS et les radicaux de gauche s’étaient présentés aux élections avec un programme électoral commun mais aussi avec des listes séparées. Il y a eu certes des désistements au deuxième tour  pour le candidat le mieux placé, des arrangements réciproques dans certaines régions et des mêmes des meetings communs, mais à aucun moment, il n'a été question de listes électorales communes.

J'entends déjà les objections des partisans des listes communes : pourquoi aller chercher si loin vos exemples puisque le Front populaire en Tunisie vient d'adopter cette formule ? Il faut préciser que cette alliance est constituée de groupuscules de taille comparable, très proches idéologiquement, qui connaissent leur poids électoral pour avoir pris part aux dernières élections, ce qui ne posera pas problème au niveau du quota réservé à chaque formation, qui n'ont pas les moyens matériels et humains de se présenter en ordre dispersé et surtout n'ont pas vocation à gouverner, mais à exprimer le mécontentement des gens, comme les tribuns de la Rome antique. Ce qui n'est pas le cas de l'UPT qui est une alliance hétéroclite composée d'un grand parti qui se pose en alternative à Ennahdha et de trois formations dont deux unipersonnelles qui se rejoignent sur bien des points, mais divergent sur d'autres. De plus, telles qu'elles sont conçues par El Massar, ces listes communes sont une véritable supercherie, une confiscation de la volonté populaire. Les Tunisiens seraient  appelés à voter pour une entité abstraite, sans savoir vers quel parti iront leurs voix. Par contre,  après les élections, l'alliance pourra se fera en fonction du poids électoral de chaque parti et non en fonction de son poids cathodique. 

Une question  me brûle les lèvres : pourquoi cette obstination de la part des partenaires de Nidaa Tounès à se cacher derrière le paravent de l'UPT ? Ont-ils peur de se présenter à leurs électeurs à visage découvert  et de connaître leur poids politique réel? Leur attitude donne en tout cas à penser.

Hédi Béhi
 

 

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12 Commentaires
Les Commentaires
Ben's - 02-07-2014 13:42

Bien entendu l'auteur de cet "article" est membre proclamer de nidaa il ne s'en cache pas , je rectifierais certaines approximations tout de meme , Al Massar n'a jamais demander quoi que se soi il devrait aller voir les cadres de son parti pour lui corriger son manque d'info. En revanche et je reprend ces mots le paravent de l'UPT a bel et bien servit a nidaa qui etait considerer comme un pariat et un ramassit d'ex RCDistes se qui se confirme d'ailleur de plus en plus et au vu et au su de tout le monde. En bref si faire de politique se resume a denigrer ces partenaires et bien se serait a la porter de n'importe quel imbecile , il ne faut jamais oublier qu'il s'agit la d'unir les forces democratiques et en aucuns cas d'affaiblir ces flancs. Bien sur l'auteur oubli de nous dire au passage qu'il y a bel et bien un deal qui a ete passer entre Nidaa et nahda mais se serait trop honnete de le dire. Que voulez vous que je vous dise , tout ceci suinte les defauts du RCD et ils n'apprenderons jamais de leurs erreurs , c'est dommage pour la Tunisie

Wafa - 02-07-2014 14:33

Vraiment monsieur ? Nida est parti grand ? Ah bon ? Nida était indésirable cher monsieur ! Seule la jet-set en voulait, et seulement par panique, mais sans conviction. Si aujourd'hui Nida est ce qu'il est, c'est en grande partie grâce à Al Massar qui l'a "nettoyé" et l'a imposé aux autres composantes, comme la jabha. Mais ce que vous faites là par cette attaque féroce, ce n'est qu'une tactique pour camoufler votre trahison ! Vous voulez faire du bruit en attaquant AL Massar pour que les gens oublient votre sale coup. Continuez, vous aidez énormément ennahdha comme ça ! Vous oubliez que nous devrions travailler ensemble et que nous ne sommes pas des ennemis, même si vous avez trahi la volonté du peuple (l'Union réclamée par tous), … alors de grâce, travaillez et laissez nous travailler. Mettez votre énergie ailleurs.

Hédi Béhi - 02-07-2014 15:09

Cher Ben's Je vous rassure tout de suite : je n’appartiens à aucun parti. Mais comme tous les Tunisiens, j’ai le droit de commenter l’actualité en toute liberté, tout comme il est de votre droit de me critiquer. Ce que je vous reproche, c’est votre ton insultant et vos critiques qui relèvent toutes du procès d’intention. Je ne crois pas les mériter et pourtant, j’ai tenu à ce que ce tissu d’insanités soit lu par tous nos lecteurs. Cela leur permettra au moins de vous situer. En tout cas, ces réactions violentes de la part de gens qui ne me connaissent ni d'Adam, ni d'Eve, qui ne m'ont apparemment jamais lu auparavant me confirment dans mes opinions. J'ai tapé dans le mille. Je termine par une anecdote : il y a quelques semaines, j’ai interviewé un homme politique très connu. Agacé par mes questions qu’il trouvait trop agressives, il a fini par m’apostropher en ces termes : « Je me suis laissé dire que vous êtes d’El Massar. Cela ne m’étonnerait pas».

zak - 02-07-2014 17:36

j'apprécie particulièrement l'exemple français et les récents 25% du FN aux dernières élections.

kais - 02-07-2014 18:55

Quand je lis ce genre d'article je crois halluciner. Des gens parlent de partis mafias et de la Tunisie comme si nous étions déjà devenus un pays démocratique dans le vrai sens du terme, mais franchement, vous vivez dans une dimension parallèle ou quoi ? De quels partis parlez-vous ? De quelles institutions et de quel état parlez-vous ? De quelle opposition et de quelle démocratie ? De quel poids électoral et de quelle représentativité dissertez-vous ? Mais bon sang de bon sang réveillez vous, la réalité est totalement différente de celle que vous décrivez , elle est totalement aux antipodes de ce que vous racontez. Des partis Mafiosi qui évoluent dans un système corrompu jusqu'à la moelle qui se livrent une gurre pour le magot Tunisie, vous appelez ça... Politique.... Démocratie.... Désolé de vous réveiller Monsieur, La Tunisie n'est même pas un pays pour le moment, c'est un territoire occupé par des gangs mafieux et armés qui bénéficient d'une impunité totale et qui sévissent partout dans le paays, dans tous les domaines et tous les secteurs.

chebil sejir - 02-07-2014 23:56

Je connais l'auteur de cet article depuis des decennies, je confirme qu'il n'appartient à aucun parti, sinon celui du journalisme militant pour le droit d'expression libre. Autant sa plume est virulente, autant sa pensée est saine dénuée de tout parti- pris; mais que voulez vous quand on se sent morveux on ne peut s'empecher de se moucher, du reste les gens du metier connaissent H.B.une des rares réferences dans le milieu journalistique, à briguer la libre pensée, et le droit du citoyen, à une information, dénuée de toute connotation ideologique...cependant dans un pays, ou les connections et les alliances, se font et se defont au gré des humeurs, du prince et consorts, on a du mal à croire à la neutralité fut-elle relative

Jean Pierre Ryf - 03-07-2014 08:21

Cette analyse est une erreur complète car elle ne tient pas compte de la situation particulière de la Tunisie qui est affrontée au risque d'un pouvoir islamique dont on connaît les échecs, la corruption et la philosophie régressive.Alors oui l'union était absolument nécessaire pour faire obstacle a ce risque majeur et c'est l'espoir qu'avait contribué a donner cette union mise a mal par la décision de Nida Tounes.L'émiettement qui va s'en suivre ne servira pas seulement a se "compter" mais a donner la première place aux islamistes. Est-ce cela que veut l'auteur?

Fakhfakh Abdelfatteh - 03-07-2014 13:47

Il y a deux "Nida", l'un rassembleur et humble, l'autre est "prétentieux" et "arrogant". J'avais du respect pour le premier...Pour le second, je préfère ne rien dire. Personne n'a peur de se compter. Al Massar est totalement conscient de son poids électoral tel qu'il est apparu au 23 octobre 2011, ou tel apparait aujourd'hui dans les sondages. Toutefois les choses peuvent évoluer. On peut être un parti sans grandes assises populaires mais être écouté par de larges franges de l'opinion publique. Quoiqu'il en soit : prôner l'union des forces démocratiques et un large front démocratique électoral serait donc le moyen d'occulter sa faiblesse numérique? Soyons sérieux!

aliocha - 03-07-2014 16:28

le vrai rapport de force on l'a vu avec les premières élections de 2011 avec plus d'un million de voix partis en fumée, Nidaa veut-il reproduire la même chose? il se sent fort aujourd'hui mais en s'obstinant de vouloir y aller tout seul il accrédite la thèse du retour de l'ancien RCD et là attention au résultat du vote! on a bien vu des partis tomber comme des châteaux de carte alors qu'ils étaient hauts dans les sondages! on a toujours besoin de plus petit que soit et c'est toujours au plus fort de montrer qu'il est sage!

el hani abdelhamid - 03-07-2014 23:44

analyse perspicace, realiste et tres interessente.vous avez bien mis votre doigt sur le mal : ( Nidaa Tounès défend ses intérêts, comme le fait El Massar....Alors que les dirigeants de Nidaa étaient sur le terrain, prêchant la cause de leur parti, ses partenaires préféraient se pavaner sur les plateaux de télévision.) bourguiba disait qu'on ne construit pas un parti politique par des discussions de salon entre amis, mais en allant precher ses idees a la population dans tous les recoins du pays.

Daniel Delvert - 04-07-2014 23:59

Je regrette de dire qu’El Massar est davantage victime de ses propres erreurs, de ses aveuglements et son manque de discernement politique plutôt que de l’attitude de Nidaa Tounes. Comme beaucoup d’autres Partis Politiques. Jamais, jamais, personne n’a voulu envisager les élections de la future Assemblée à 2 tours. Pire, alors que je la préconisais dans mes nombreux écrits, dans mes rencontres, certains Politiques montraient leur méconnaissance en affirmant qu’une élection à la proportionnelle ne pouvait être à 2 tours… Mais une élection à 2 tours à la proportionnelle, c’est fréquent et cela présente de nombreux avantages : D’abord, cela aurait simplifié les jours et les semaines d’oppositions sur la concomitance des élections présidentielles et législatives, car si ces 2 élections étaient à 2 tours, il était aisé de les faire concorder à la même date et ainsi éviter l’influence de l’une sur l’autre. Mais plus important, l’élection à un seul tour favorise la bipolarisation de la vie politique tunisienne et entraînera par excellence, un match Ennahdha face à Nidaa Tounes, donc logiquement Nidaa Tounès établira ses listes propres. Dans le cas de 2 tours, chacun des Partis se présentait devant les électeurs et pour le 2ème tour, Nidaa Tounès aurait eu à composer, sur chaque circonscription, en fonction des résultats de chacun puisque dans de telles élections les fusions de listes sont possibles au 2ème tour, sous certaines conditions… Fusion de listes mais plus encore, établissement d’alliances avec des programmes consensuels … La Tunisie des élections d’octobre 2011 avait montré sa trop grande diversité de listes, le système électoral avait montré ses aptitudes à broyer cette diversité. Les politiques de 2014, sous l’influence d’Ennahdha et la bienveillance de Nidaa Tounès, ont réécrit la même loi électorale, avec l’accord de tous les plus petits partis politiques. El Massar comme les autres à mis trop longtemps à se réveiller devant de telles évidences… Les résultats risquent de faire apparaître un probable nouvel échec de ces partis.

ayaketfi - 08-07-2014 08:03

"Opposition ou UPT" , continuez àvous entretuer; Cela fait l'affaire d'Ennadha qui reviendra en force par la faute de votre dispercement qui n'arrange en rien pour la compréhention du Tunisien moyen lors des prochaines élections... Vous avez vu le résultat des elections de 2011 par la faute de cette multitude de partis et de sigles ou appelletions inconnues du Tunisien... ET VOUS REITEREZ LES MEMES ERREURS POUR ALLER ENCORE UNE FOIS DROIT DANS LE MUR !! VOUS etes à l'origine de cette incompréhention du Tunisien et donc de ce fort taux d'absentéisme aux élections... REVEILLEZ VOUS car en face..., les "autres" jubillent et se voient encore une fois au Pouvoir...PAR VOTRE FAUTE.

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