News - 27.07.2014

Attentat de Sakiet Sidi Youssef : deux confirmations et une urgence

Troisième attaque meurtrière contre l’armée tunisienne en l’espace de deux mois, après Jebel Ouergha et Chaambi, l’attentat du samedi en fin de journée, près de Sakiet Sidi Youssef, apporte deux importantes confirmations et impose une grande urgence. Les deux martyrs et les quatre blessés s’ajoutent à une liste, déjà longue et qui risque de se prolonger davantage. En Commandant suprême des forces armées, attribution qu'il a revendiquée et obtenue, le président provisoire de la République se trouve à ce titre en première ligne, comptable de sa gestion. Parvient-il à conduire ce combat salutaire contre le terrorisme? A quelles conditions?

La première des confirmations, est l’ampleur de l’offensive jihadiste contre la Tunisie. D’actes individuels, puis en petits groupes, on passe à des bandes organisées, très déterminées, bien entraînées, fortement équipées et bien renseignées, relayées par un appareil de propagande, qui s’acharnent à tuer et à semer la terreur. Irréductibles dans leur aveuglement, ils donnent libre cours à leur haine. Qui les arme, qui les finance, qui les renseigne, leur ouvre les voies, les protège, leur fournit la logistique de base, les caches, les victuailles, les cartes téléphoniques et les recharges ? A toutes ces questions essentielles s’ajoutent d'autres : qui sont leurs complices qui leur apportent par leur action, la couverture politique et médiatique, ou par leur silence, les encourage ?
 
La seconde confirmation concerne le mode opératoire des forces armées. Propulsée dès le déclenchement de la révolution sur tous les fronts, de la protection des frontières à la sécurisation des examens scolaires ou l’appui des contrôleurs des prix dans les marchés, elle a fait preuve de patriotisme, en armée républicaine, attachée à son indépendance, se tenant à l’écart des tiraillements politiques. Son commandement a cependant subi de  fréquents changements qui n’ont pas manqué de laisser leurs empreintes. 

Les dysfonctionnements et les décisions du Commandant suprême des armées

Chef suprême des forces armées, le président provisoire, Moncef Marzouki, est de par les attributions de l’organisation provisoire des pouvoirs publics, seul maître à bord. Le ministère de la Défense nationale, de la nomination de son titulaire à l’ensemble de son fonctionnement, relève de son unique autorité. Il en revendique la tutelle et en assume la responsabilité. A ce titre, il a certainement dû relever, outre le manque de moyens budgétaires, humains et en équipements, des dysfonctionnements qui s’aggravent encore plus à chaque nouvelle attaque. Comment  y remédier ? Le politique, l’homme d’Etat, le chef de l’Etat et le Commandant suprême doit assumer les échecs, en tirer les enseignements et prendre les décisions appropriées.
 
Hormis les cérémonies d’hommage aux martyrs, les adresses enflammées et les drapeaux en berne, d'ailleurs exploités par les terroristes pour tenter de démoraliser la population, presque pas ou peu de grandes mesures effectives sont prises. Du moins, leur impact n’est pas perceptible. L’armée tunisienne est connue pour l’excellence de sa chaîne de commandement, la haute compétence de ses officiers et l’engagement de ses troupes. La confiance des Tunisiens lui est acquise. Elle est totale, inébranlable. Mais, il est clair que l’impulsion à venir du commandement suprême est toujours attendue. Non habituée jusque-là à la guerre contre le terrorisme et à sa dimension régionale, l’armée s’emploie à renforcer ses dispositifs et à pallier tout dysfonctionnement, en développant ses synergies avec les forces de Police, de Garde nationale, des Douanes, des Forêts, de l’administration régionales et locales, bref de tous les partenaires utiles. Pour cela, elle a besoin de décisions de son commandant suprême, le président provisoire de la République. Nous voilà donc dans l’impératif. 

La grande urgence

En temps de guerre, comme c’est le cas actuellement pour la Tunisie qui livre un combat déterminé contre le jihadisme, le moment n’est pas tant à l’imputation des responsabilités qu'à l’appui des lignes de front. Quels sont au plus juste les dysfonctionnements relevés ? Comment ont-ils été réparés? Peu importe ce que Marzouki a jusque-là fait ou n'a pas fait. Tout est consigné, on le saura un jour. Mais, et c’est aussi capital que salutaire, quelles décisions urgentes, structurantes et opérationnelles à prendre en urgence ? 
 
Dans cette démarche, le rôle des Constituants est important. La contribution de l’Assemblée nationale, de par sa fonction de contrôle de l’exécutif, et de législation pour voter les crédits budgétaires, est essentielle. Son soutien à l’armée est catalytique. D’où l’impératif de constituer une commission ad-hoc, non d’enquête sur ce qui s’est passé, pour désigner les responsabilités, mais d’appui aux forces armées. Auditer le mode de fonctionnement, du Commandement suprême à l’Etat-Major, notamment les mesures prises par Carthage, les instructions transmises, le soutien fourni et la synergie avec les autres partenaires établie, sera une première étape. Mais, l’essentiel est de formuler d’urgence, les recommandations appropriées. 
 
Cette commission ad-hoc, composée des représentants de tous les groupes parlementaires, à constituer immédiatement pourrait s’enrichir de quelques experts indépendants et, pourquoi pas, d’anciens officiers généraux de l’armée qui réitèrent sans cesse leurs disposition à servir le pays, encore plus en ces circonstances particulières. Au-delà de tout clivage politique ou idéologique, l’état de guerre contre le jihadisme appelle à pareille prise en charge par les élus du Bardo de cette déterminante mission, en gardant présent à l’esprit, son objectif d’appui aux forces armées.
 
Nous le devons à l’Armée. Nos vaillants soldats postés en avant-garde, sur le front face à leurs agresseurs, nous sollicitent. Les familles des martyrs, nous adjurent. Les mutilés et les blessés ainsi que tous les leurs, le réclament. Les Tunisiens l’exigent. Seront-ils entendus ?
 
Taoufik Habaieb
 
Tags : Chaambi   marzouki  
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3 Commentaires
Les Commentaires
Zouhair Benjemaa - 27-07-2014 16:03

Bravo et merci tout est dit et nous devons nous mobiliser, société civile en tête , pour que la commission indépendante soit désignée

T.B. - 27-07-2014 21:16

Je crois qu´il est necesssaire dans l´armée de definir le but des combats mais aussi il faut bien definir contre qui l´armée se batte. Je pense specialement au qualificatif qu´on donne á l´ennemi; qu´est-ce qu´un jihadiste? le mot lui-même ne sonne pas mal á l´oreille et il n´est pas inconnu, en plus que le mot jhihad est connu á travers la religion et la politique, il faut se rappeler aussi que Bourguiba lui-même s´est attribué le titre de "Moujahed" le combattant supreme" , et il restait toujours "jihadiste" combatant suprême d´aprés lui au moins. Je crois qu´il faudrait qualifier se groupe et le definir par rapport au rôle qu´il joue dans la transition de la démocratie .Puisque il est (le groupe) contre la démocratie, il faut l´appeler contre- revolutionnaire ou retrograde etc.. dans toute guerre on doit donner une definition credible et adequate de l´ennemi. La guerre est une affaire serieuse on le sait.

el khlifi mokhtar - 28-07-2014 07:52

C'est un cri du cœur et de la raison mais il faut des oreilles pour l'entendre et des mains pour agir.La situation que vit notre pays est la conséquence directe du régime politique choisi et que consacre malheureusement la nouvelle Constitution.Nous devons militer pour que cette Constitution instaure un régime présidentiel assujetti à des contrôles a posteriori sinon le pays n'en sortira que difficilement.

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