Elections : parlons chiffres, évitons les dérapages!
Qu’on le veuille ou non l’élection présidentielle du 23 novembre sera le second tour du scrutin législatif du 26 octobre. En effet, on aura affaire au même corps électoral et quasiment aux mêmes forces politiques en présence. Dire que le scrutin présidentiel n’a rien à voir avec le scrutin législatif n’est ni logique ni réaliste s’agissant de deux élections pratiquement simultanées où les enjeux sont les mêmes.
Il est dés lors d’une importance primordiale de faire appel aux chiffres des élections législatives. C’est très instructif.
1.279.942 suffrages se sont portés sur Nidaa Tounés alors que 947. 014électeurs ont voté pour Ennahdha. Quand on sait que la quasi-totalité des électeurs du premier parti des législatives l’ont fait en signe d’adhésion au leader du parti Béji Caïd Essebsi on peut avancer que ces mêmes électeurs au nom de la cohérence du vote vont porter leurs suffrages sur le président de Nidaa Tounés. Il va manquer quelques milliers qui vont se reporter sur certains candidats indépendants, mais ce ne sera pas forcément significatif.
Le gisement de voix du mouvement islamiste, s’il n’est pas la propriété de ce parti comme on le sait va aller à plusieurs candidats puisqu’Ennahdha n’a pas donné de consigne de vote. Néanmoins on peut dire que beaucoup d’entre eux, ne trouvant pas de candidat de leur rangs vont s’abstenir. D’autres vont porter leurs suffrages sur quelques candidats au premier rang desquels l’un ou l’autre des alliés de la Troïka, le président provisoire Moncef Marzouki ou le président de l’ANC Mustapha Ben Jaafar. Dans cette course le premier semble favori puisqu’il a fait appel lui-même aux suffrages du « peuple d’Ennahdha ».
Président d’honneur du CpR depuis son accession au palais de Carthage MMM se présente en candidat indépendant.Il réunira sur sa candidature les électeurs de son parti d’origine (70.999 voix) et peut-être ceux du Courant démocratique de Mohamed Abbou (66183). Cela lui fait un total de 137.182 suffrages dont une moitié n’est pas garantie. Sans l’apport des nahdhaouis, cela ne lui sera pas suffisant pour être qualifié au second tour. Deux candidats peuvent lui barrer la route. Le président de l’Union patriotique libre Slim Riahi dont le parti a glané au total 131.059 suffrages aux législatives ainsi que Hamma Hammami dont la coalition (Front populaire) a obtenu 123.990 voix. Ces deux formations sont dans une dynamique ascendante de victoire ce qui devrait leur permettre d’engranger un surcroit de voix.
Quant aux autres candidats et en même temps leaders de partis politiques, ils n’ont, au vu des résultats des listes de leurs partis, aucune chance de figurer au second tour et encore moins de remporter l’élection.
Ce sont dans l’ordre des suffrages obtenus par leurs partis:
- Le parti Joumhouri (dont le président de son instance politique est Ahmed Néjib Chabbi) : 53.865 suffrages
- Le parti de Moubadara destourienne (dont le président est Kamel Morjane) : 43.860 suffrages.
- Courant Mahabba(de Hechmi Hamdi) : 39.079 suffrages.
- Le parti Ettakatol(le forum démocratique des libertés et du travail dont le secrétaire général est Mustapha Ben Jaafar) :24.451 suffrages.
Quand on sait par ailleurs qu’il y a eu le 26 octobre 3.579.257 votants sur plus de 5 millions d’électeurs inscrits, il y a tout lieu de croire que pour une élection plus simple sur des noms connus et non sur des listes, la mobilisation de l’électorat pourrait être meilleure ce qui serait favorable au(x) candidat(s) qui ont le vent en poupe.
La prise de conscience des candidats de la réalité de leur poids sur la scène politique et la décision du second parti de ne pas donner de consigne de vote à leur électorat ont conduit à ce que la campagne électorale présidentielle se durcit et que la climat se crispe à moins de deux semaines du scrutin.
C’est ce qui explique aussi les dérapages de certains candidats. Ainsi a-ton vu le président- provisoire Moncef Marzouki comparer les tenants de l’ancien régime dont il combat le retour de «taghout» une appellation donnée par les terroristes aux forces qui leur font la guerre. Pour lui c’est à cause d’eux que les enfants des pauvres(les terroristes-ndlr) tuent d’autres enfants des pauvres(les soldats ou les agents de sécurité). Un discours inadmissible.
La crispation on l’a vu aussi du côté du chef d’Ettakatol Mustapha Ben Jaafar qui s’est élevé contre la décision d’Ennahdha de ne pas donner de consigne de vote. «On attendait une position franche et claire», a-t-il déploré.
Il ne fait pas de doute que c’est l’attitude du gisement de voix du parti islamiste qui sera déterminante le 23 novembre prochain. Une abstention importante permettra au candidat de Nidaa Tounés d’être élu dès le premier tour. Une mobilisation pour l’un des candidats en l’occurrence Moncef Marzouki permettra à ce dernier d’être qualifié à un second tour qui se tiendra le 28 décembre prochain.
Les chiffres sont têtus et peuvent expliquer beaucoup de choses.
R.B.R.
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