Nord-Ouest: Le Socle De La Tunisie
La Tunisie est un pays plutôt plat qui possède une longue côte de près de 1200km. Cela en fait un pays ouvert qui au cours de l'histoire a subi de nombreuses invasions. Heureusement celles-ci n'ont pas fait de notre pays un pays tragique car le Tunisien s'est enrichi au contact des envahisseurs et s'est nourri de ces différentes cultures pour faire ce que nous sommes aujourd'hui.
Au milieu de ce plat pays, du côté ouest, pénètre comme un véritable coin, une extension du grand atlas qui forme une chaîne de montagnes, celle-ci va en s'atténuant progressivement pour disparaitre avant d'atteindre le cap bon, on l'appelle la grande dorsale tunisienne.
Cette chaîne, lorsqu'on remonte dans l'échelle du temps géologique, se prolongeait jusqu'en Sicile, mais la formation de la mer méditerranée causa un cataclysmique effondrement qui donna lieu à la formation du golfe de Tunis et nous coupa définitivement de l'Europe.
La grande dorsale a subi, au cours des millénaires, les assauts du temps et les effets de l'érosion causés par de turbulents oueds comme la Medjerda ou l'oued Meliane qui, charriant tous deux une grande quantité d'alluvions donnèrent lieu à la formation de la région de Carthage et de ses environs.
Aujourd'hui cette chaîne couvre tout le Nord-Ouest de la Tunisie, c'est une alternance de djébels (mont Tébessa, djebel Chambi, djebel Serj, Sidi Abderrahmane et Saloum) et de hauts-plateaux. La géologie devient ici histoire car ces montagnes nous ont toujours protégés puisque pratiquement aucune invasion n'est passée par là, elles venaient toutes de la mer ou du désert.
Dans le Nord-Ouest se trouvent les villes du Kef, Siliana, Sidi Bouzid, Kasserine et un peu plus bas Gafsa. Ces villes sont entourées de montagnes, nous sommes là en pays tribal (ouled Ayars, Frechiches, Hemmamas, Majers) fiers et ombrageux, un pays rude par son relief et ses mœurs. Les gens ici sont taillés dans le roc, jaloux de leur indépendance. Le Nord-Ouest a toujours été une terre de résistance, difficile à contrôler, Okba Ibn Nefaa en 688 s'était heurté à la population locale et il fallut très longtemps aux Arabes pour en venir à bout, à tel point que cinq siècles plus tard au 12ème siècle, on parlait encore latin à Gafsa. Cette terre vit aussi la révolte d'Ali Ben Ghdeham, elle fut le bastion de la lutte des fellagas contre l'occupant français et résista farouchement aux légions de Rommel lors de la dernière guerre mondiale. C'est là que commencèrent les émeutes du pain et c'est de là que partit la révolution qui devait se propager à toute la Tunisie.
Malheureusement,aujourdhui, certains islamistes dévoyés ont adopté ce triangle montagneux pour en faire leur repaire.
Véritable "Heartland" cher à la théorie geostrategique de Mackinder, cette région est le socle dur sur lequel s'adosse la Tunisie, mais cette force c'est aussi sa faiblesse car des villes entourées de montagnes, cela ne facilite ni les communications ni les échanges qui ont eu lieu au cours de l'histoire de notre pays. La géographie les a en quelques sorte isolées alors que sur la côte, le relief plat et la mer facilitaient la circulation des biens et des personnes. Cette différence de développement n'est ni intentionnelle ni due à un certain laxisme, elle remonte beaucoup plus loin dans le temps, peut-être même a t’elle toujours été là.
Les différents gouvernements ont essayé de dynamiser l'économie de cette région, créant une zone industrielle à Siliana, une usine de câbles à Gafsa, une briqueterie à Mnihla, une usine de conditionnement de tomates à Sidi Bouzid, encourageant l'installation des usines Benetton à Kasserine etc... Trop peu, trop tard pour ses régions souffrant d'un déficit endémique de développement. L'état qui avait mésestimé l'ampleur du problème a finalement pris conscience et aujourd'hui ces zones sont devenues prioritaires, mais cela est-il suffisant?
L'état ne pourra rien si les populations elles-mêmes ne se mobilisent pas. Il faut rompre le cercle vicieux de la pauvreté et de l'exclusion qui ne peut mener qu'à la fatalité d'un statut d'assisté ou au terrorisme.La population doit se prendre en charge,car c'est par l'adhésion de toutes les parties que cette région pourra progresser et aura enfin l'importance qu'elle mérite et qu'elle aura attendu si longtemps.
Dr M.A Bouhadiba
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