Opinions - 14.01.2015

Tunisie: Quelle posture stratégique adopter à l'avenir?

Depuis que la Tunisie a amorcé sa transition démocratique en 2011, les changements opérés n’ont pas toujours reçusun traitement stratégique. Le pays a traversé de ce fait une forte période d’instabilité qui a bien failli nous couter notre transition démocratique. Fort heureusement, une prise de conscience générale a pu rétablir les équilibres stratégiques de la Tunisieen 2014, tout en se gardant de transformer la question sécuritaire en une sorte d’obsession.

Le choix du gouvernement issu du dialogue national et ont été clairs et judicieux : consolider les acquis ; redéployer les forces ; réinsérer la Tunisie dans son environnement régional. Il ne s’agit pas là d’énumérer les performances dans les domaines de la sécurité et de la défense, mais plutôt de voir comment les consolider avec le prochain gouvernement.

Confiance, Performance et Responsabilité, tels sont les acquis à consolider

Les premières opérations à Châambi et non loin de la capitale ont mis à jour deux données fondamentales : l’existence d’un couloir d’instabilité qui remonte du Sahel, en traversant la Tunisie versla rive nord de la méditerranée (les attentats de Paris de la semaine dernière viennent de le démontrer) ; la nécessité de réajuster les modes opératoires des forces armées et de sécurité tunisiennes pour faire face à des menaces sécuritaires de plus en plus complexes.

Pour ce faire il était préalable de restaurer la confiance au sein del’ensemble de l’appareil sécuritaire et militaire, d’améliorer ses capacités opérationnelles et, en même temps, le réhabiliter en tant qu’institution républicaine, le tout en un temps record.

Si les indices de performance de nos forces armées sur le terrain ne trompent plus, c’est qu’à la base les réajustements nécessaires ont été entamés pour que l’effort consacré à la défense et à la sécurité soit en cohérence avec les priorités de l’Etat et en adéquation avec les capacités opérationnellesdes nos forces.
Nous devons souligner un avantage d’apprentissage et de réadaptation très rapide dont ont fait preuve nos troupes sur le terrain, qui n’étaient guère habituées au sang et encore moins préparées à la guerre contre les groupes terroristes. La dimension technico-professionnelle des personnels militaires et sécuritaires constituera sans-doute un des aspects à développer dans un avenir très proche dans le cadre de Il s’agit maintenant de renforcer cet acquis opérationnel, notamment pour les forces de sécurité intérieure, etde parfaire l’outil de défense et de sécurité nationale pour qu’il réponde à l’intérêt de la Nation et à l’évolution de notre environnement stratégique, avec la flexibilité et l’agilité nécessaires.
Le renseignement de type stratégique (et non pas uniquement opératif) est au cœur de cette transformation.

Vers des formes «d’interdépendances partagées»

Sans jouer les fiers, la Tunisie a pu développer un véritable savoir faire dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, de la sécurité électorale ou de la protection et la gestion des frontières. Cette expérience est à valoriser à une échelle globale, car,somme toute,elle s’est construite sous diverses pressions, où il fallait beaucoup plus compter sur nos propres moyens et capacités que sur l’aide des autres.

Forte de son expérience et des leçons apprises sur le terrain, la Tunisie doit être en mesure actuellement de faire face aux changements majeurs qui secouent la région pour rééquilibrer sa force armée en fonction des défis sécuritaires qui se présentent à elle. Elle doit surtoutredéfinir les options tactiques de ses forces, et procéder à une modernisation des capacités opérationnelles des forces armées pour préserver l’autonomie de décision et d’action de l’Etat, tout en transformant les dépendances subies en «interdépendances organisées».
Les intérêts que notre pays partage avec ses voisins et partenaires dans la région et l’expérience acquise dans le domaine de la gestion des crises et des conflits, sont des atouts pour accroître notre sécurité dans un monde complexe.

Il faut se doter des instruments politiques et technologiques de veille et d’alerte stratégique qui permettent de hiérarchiser les menaces et les risques, d’orienter les choix stratégiques de la Tunisie et de définir les niveaux et modes d’engagement de nos forces de défense et de sécurité.

La posture stratégique de la Tunisie ne peut plus rester la même. Nous avons une responsabilité à assumer dans la région, vis-à-vis de nos voisins, de nos partenaires, mais surtout de nos concitoyens là où ils se trouvent. Si la Tunisie était présente aux côtés des grands dirigeants de la planète dimanche dernier à Paris, c’’est que le monde a changé : il entend proposer à notre pays « un rôle plus actif », sans doute « plus profitable » aussi dans la sécurité régionale. Du dialogue stratégique et des « Confidence and Security Building Measures », il faut passer maintenant à de véritables partenariats, où le Tunisie n’est plus seulement l’invité, mais plutôt le partenaire stratégique.

Un troisième pilier de la diplomatie tunisienne : la sécurité

Quelque chose a changé dans notre pays depuis que nous avons compris l’importance d’avoir une gestion stratégique de la transition démocratique. La Tunisie doit  certes se doter de nouveaux outils de défense et de sécurité et entamer par là-même une transformation de l’armée et de l’ensemble de l’institution sécuritaire. Il n’empêche que le pays dispose de nouvelles opportunités et atouts pour développer la coopération internationale en matière de sécurité régionale. Si la diplomatie tunisienne semble se réorganiser autour de deux axes fondamentaux : être au service de nos compatriotes (diplomatie citoyenne) et devenir un vecteur du développement économique (diplomatie économique), nous pensons opportun de la doter également d’une dimension sécuritaire. Car à la base des mutations stratégiques que vit le monde actuellement c’est la sécurité au service du développement qui au cœur du problème.

Les premières lignes de cette diplomatie sécuritaire semblent avoir été posées au ministère des affaires étrangères avec la nomination d’un directeur général chargé de la coopération sécuritaire ; un véritable attaché ou conseillé militaire du ministre. Nous pensons extrêmement utile de rehausser cette responsabilité à un niveau politique plus élevé ; pourquoi pas un ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères chargé du dialogue stratégique et de la sécurité régionale ?

La Tunisie aura besoin de personnes qui soient à la fois politiques et parfaits connaisseurs des institutions et questions sécuritaires internationales et régionales, pour faire comprendre à ses interlocuteurs (l’Europe, l’OTAN, les USA, etc.) qu’elle constitue actuellement un véritable rempart qui les protège, qui se trouve être aussi fiable que leurs systèmes très sophistiqués, et pourtant avec moins de moyens.

Haykel Ben Mahfoudh 

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