" Celui qui accomplit un effort de réflexion et réussit aura droit ( dansl'au- delà) à deux récompenses, s'il échoue, il aura droit à une " hadith .
Fort de cette assurance du PROPHÈTE ( QSSSL), je vais plaider dans cette contribution en faveur d'une réforme de notre système de défense.Cette question me taraude depuis longtemps, le moment est venu pour poser la problématique de la réforme de notre institution militaire en cette étape critique de son devenir.A voir l'état dans lequel elle se trouve, il est impossible de nier qu'elle offre l'image d'une formation essoufflée voire épuisée à force d'être sollicitée depuis des décennies.
« Si vis pacem para bellum » autrement dit « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Cette sentence est de Flavius Végèce ,un historien latin du lV siècle après J-C.Elle suffit, à mon humble avis, pour secouer de leur léthargie ceux que le peuple nomme les décideurs car ils ont toujours décidé pour lui.
La défense d'un pays ainsi que sa stabilité ne peuvent en aucun cas être fondées sur un hypothétique mode analytico-journalistique. Bon nombre de hauts gradés militaires ont beau tirer la sonnette d'alarme mais rien ne semble se profiler à l'horizon.On continue à tirer à hue et à dia et au moindre éternuement de la paix sociale, on fait appel à l'armée au détriment de ses tâches fondamentales et constitutionnelles.Ceux qui continuent de se voiler la vue pour ne pas voir le volume de la menace réelle qui pèse sur le pays et le problème qui déborde de partout persistent à soutenir que le terrorisme ne représente rien par rapport à la masse des citoyens vivant paisiblement et oublient que quelques centaines de terroristes déterminés suffisent pour mettre le pays sens dessus-dessous pendant des décennies.
Cette frilosité qui a caractérisé les actions et réactions des pouvoirs successifs ne règle aucun problème , bien au contraire, elle en crée .
Les données actuelles générées par la conjoncture sécuritaire très tendue au niveau des frontières, la « balkanisation » de La Lybie, la situation explosive du volcan sahélien dans un espace géostratégique de frontières extrêmement poreuses où le terrorisme et le crime organisé se rencontrent, sont autant de facteurs qui peuvent à tout moment aspirer notre potentiel de défense dans des conflits inextricables et partant, ils constituent un véritable motif d'inquiétude et invitent à l'écoute et à la lucidité .
Tout le monde sait qu'on avait fait, dès le départ, de garder l' armée dans une situation de modestie et surtout de la tenir loin de toute revendication de quelque nature que ce soit. La priorité et l'urgence étaient ailleurs .
Aujourd'hui et au tranchant de deux époques, celle dite transitoire post révolution et celle qui vient de commencer avec l'arrivée au pouvoir de la nouvelle coalition gouvernementale, il est temps d'opérer des changements qui donneraient à cette institution un regain de jeunesse, de prospérité, de potentialité et de crédibilité.
Faut-il écourter la durée du service national obligatoire?
L' Armée tunisienne souffre d'un problème endémique qui sévit depuis la nuit du temps.Il s'agit de l'indifférence des jeunes et des pouvoirs publics à l'égard du service militaire.C'est un phénomène qui remonte, probablement, bien au-delà de l'époque coloniale. Peut-être à la guerre de Crimée ( 1855 ) où un corps expéditionnaire tunisien, comptant une dizaine de milliers de citoyens autochtones, est allé guerroyer au sein de la coalition turquo- franco-anglaise contre la Russie Tsariste. Très peu parmi eux ont regagné le pays .
A l'évidence, la force d'une nation c'est avant tout ses ressources humaines. L'armée est par essence le corps qui a cette spécificité de tirer sa puissance du potentiel humain mis à sa disposition.
Loin de la caricature ou de la littérature du caniveau, je dirais que le problème de notre armée est fondamentalement dans ce facteur humain, le modèle de citoyen produit, sa culture, ses comportements, son savoir - être, bref, sa mentalité.
Or, si l'on veut changer, ne serait - ce qu'un aspect de cette crise complexe qui ravage notre armée, il faudrait commencer par la réforme des cerveaux, une finalité qui s'inscrit dans le droit fil du combat de tous les jours.
Dans l'immédiat, il n'y a rien de plus pressé que d'oser apporter des changements notables dans le système de conscription fondé sur l'appel annuel du contingent et sans lequel l'armée ne peut fonctionner.
Je pense qu'on peut envisager la réduction de la durée du service national pour la rendre de six mois au lieu de douze.( 2mois réservés à la formation commune de base, 1 mois à la spécialisation, et 3 mois au perfectionnement et aux services divers). Cette période de 6 mois est suffisante pour former un combattant individuel ou servant au sein d'une unité de base.
Aussi et en guise de motivations, je préconise de prendre les mesures ci - après:
- Tout citoyen ne justifiant pas de sa situation régulière vis-à-vis du SN, ne peut être recruté dans le secteur public ou privé ou exercer une profession libérable .
- Tout citoyen devant occuper une fonction ou un poste de responsabilité au sein des institutions de l'État et des organismes en dépendants ou être investi d'une fonction élective, doit être dégagé au préalable des obligations du SN.
- Le citoyen en situation d'insoumission est justiciable des tribunaux militaires.
- Dès la cessation définitive d'activité, la réintégration immédiate du citoyen à son poste de travail d'origine ou à un poste équivalant, même en surnombre, est de droit.En outre, il bénéficie de tous les droits qu'il avait acquis au moment de son incorporation et que le temps du SN est compté dans le calcul de l'ancienneté du service exigée pour l'avancement et la retraite
Par ailleurs et en vue de pouvoir absorber le nombre important des jeunes recrues qui pourrait excéder les besoins réels de l'armée, on peut envisager de varier les institutions où s'effectue le SN tel que le MI (Garde Nationales, Police, Protection civile), les unités de développement, la Douane......etc
Opportunité de créer un corps spécial de garde frontière
La connexion terrorisme - grand banditisme et les réseaux de trafic de tous genres n'est plus une simple vue d'esprit d'analystes mais bien une réalité. les prises effectuées à chaque fois par les divers corps impliqués dans la lutte contre ces fléaux d'apparence distincts corroborent bien cette réalité.
Depuis l'implantation dans le nord-ouest et le centre-ouest du pays de groupes terroristes affiliés à l' AQMI et la naissance d'une branche de l' état islamique, l'armée a conçu et mis en place, en collaboration avec les autres composantes de sécurité nationale, un dispositif sécuritaire pour faire face aux visées géopolitiques et géostratégiques du monstre né dans les laboratoires du Quartier Général de Langley où siège la CIA. Toutefois les démarches qui visent à immuniser le pays du poison terroriste et sécuriser pleinement les frontières, ont montré leurs limites. L'imbrication de tant de secteurs de responsabilité dans la zone frontalière a fragilisé le dispositif et s'est traduit par un certain effilochement dans la lutte contre l'infiltration de tout ce qui a un lien avec le terrorisme.
A cet effet, la création d'un Corps Spécial de Garde-Frontière à l'instar de ce qui existe dans plusieurs pays occidentaux ( USA ) et arabes ( Égypte ) s'avère d'une extrême nécessite .
Investi d'une certaine autonomie en terme de commandement, recrutement,équipement, entrainement, gestion... Ce corps agit exclusivement dans la bande frontalière terrestre et maritime. Le reste des corps agissent, chacun en ce qui le concerne, en deçà de la limite de cette zone .
Le corps de Garde-Frontière ferait partie intégrante de l' armée nationale. Celui de la Garde Nationale appartient toujours au MI .
Création de régions militaires
Au risque de déroger au devoir de réserve, je dirais qu'aucune armée, sur cette terre, n'est aussi jalousement centralisée que la nôtre. Pour n'importe quelle broutille, on est obligé de se rendre à la capitale où le tout est groupé, Etats-Majors, Grandes Écoles, Administration, Organes Centraux ...etc .
La création de Régions Militaires, à l' algérienne, serait une option salvatrice qui nous évitera tant d'ennuis d'ordres opérationnel, logistique, administratif...etc. Chaque région militaire possède son propre état-major, ses unités combattantes terre-air-mer, sa base logistique. Le personnel qui s'y trouve serait dans sa majorité originaire de cette région,ce qui constitue une motivation supplémentaire pour les jeunes de s'acquitter de leurs obligations militaires pas très loin de chez eux.
Aussi et comme les autres institutions de l'État, l'armée souffre d'un handicap de taille, celui d'une bureaucratie tentaculairequi doit être élaguée en rénovant son administration, redynamisant sa direction et opérant une reconfiguration pragmatique et possédant une vision moderniste.
D'aucuns pensent, à raison, que le temps n'est plus à la réflexion. Il est plutôt à l'action.Notre système de défense doit sortir, au plus vite, de cette posture de " stand - by " qui a trop duré.Notre armée doit débroussailler son maquis bureaucratique ainsi que ses pesanteurs océanes, elle doit être contre la méthode jacobine qui consiste à tout centraliser.
Le Colonel ( r ) Mohamed Kasdallah