News - 15.02.2015
Tlili, le romancier
M. Tlili est l’auteur de nombreux romans, tous publiés dans la prestigieuse Collection Blanche de Gallimard, et dont le plus connu reste La Montagne du lion, traduit dans les grandes langues du monde…sauf l’arabe ! C’est la chronique d’un village montagnard énonçant la corruption et les effets pervers de la modernité. Cela n’est pas sans rappeler Duvignaud, fin connaisseur de la Tunisie, et son oeuvre majeure consacrée à un autre village tunisien, l’oasis de montagne Chebika, auscultant cette vérité de la réalité tunisienne qu’est l’attente, y trouvant le moteur du changement.
Toutefois, à l’encontre de l’espoir de Chebika, bien qu’il date, on a une tonalité désabusée chez Mustapha Tlili, l’espoir semblant ne plus être le premier acquis de tout changement possible, puisque l’optimisme n’est, au final, que du pessimisme raisonné. Il est vrai, l’oeuvre tlilienne est marquée incontestablement par la douleur du déracinement et de l’exil et par une «rage aux tripes», titre de son tout premier roman, qui emprunte quelques traits à son itinéraire personnel. Récemment augmenté par une Rage sang pour une grande bataille, il y évoque la Palestine, faisant un parallèle entre cette cause et celle de l’Algérie. Le roman décrit un héros désabusé, plein de tristesse et de désillusion, qui se retire à New York pour y finir sa vie et méditer sur l’histoire. On supputerait le comble du défaitisme, le combat des valeurs n’étant jamais perdu, si l’on ne connaît pas de près l’homme qui croit justement que la meilleure stratégie pour évoluer et que les stratégies et les mentalités doivent changer, l’action étant de tout temps, courant à travers les générations. Et pour lui, elle est aujourd’hui une action pour enterrer l’islam politique en pleine décadence.
Car Mustapha Tlili est lucide et même visionnaire. Dans Gloire des sables, il donnait déjà en 1982 quelques clés pour comprendre le terrorisme, racontant la descente aux enfers d’un jeune d’origine algérienne, parfaitement intégré dans le mode de vie américain, et qui tombe, armes à la main, dans une action terroriste à La Mecque.
L’auteur étant de ceux qui pensent que le terrorisme et l’intégrisme sont à mettre au pluriel, on se demande s’il finirait un jour par aller jusqu’à dire que la cause aujourd’hui du terrorisme est pour une grande part l’ordre mondial injuste et les rapports déséquilibrés entre les États, ordre et rapports qui relèvent en premier de la responsabilité de l’Occident. Or, il ne le fait pas aujourd’hui, ne croyant pas à la décadence du monde. Néanmoins, dans Un après-midi dans le désert, il nous livre une méditation sur le temps qui change avec le basculement d’une époque à une autre. Ce qui rappelle que de nombreux sociologues, ceux de la postmodernité notamment, situent les tragédies actuelles du monde dans le basculement d’un paradigme fini, celui de la modernité, vers un autre en gestation, le paradigme postmoderne. Et ce dernier est marqué par la part majeure à donner à la spiritualité contre le matérialisme au risque de se retrouver avec la pire des religiosités, métaphysiques et profanes.
F.O.
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