Pour que tu ne sois pas terroriste...une lettre à mon enfant de 8 ans
Mon cher enfant,
Me voilà, devant ma feuille blanche, l’esprit confus, le cœur serré et les mots qui se bousculent et me fuient car l’heure est grave.
La Tunisie a connul’innommable. Des crimes barbares ayant pris la vie à des innocents dont le seul tort est d’être, selon les obscurantistes des temps modernes, du mauvais bord.
Il s’appelle Seifeddine Rezgui, la voix à travers laquellel ’inhumain s’est exprimé. Un jeune garçon, le cerveau lavé dans les noirceurs de la terreur et qui a cru, par son acte, devenir héros et rejoindre les sirènes du paradis. A l’enfer, il ira et à l’enfer il restera.
Seifeddine a été endoctriné.Rien de plus surprenant vu le prosélytisme ambiant qui a trouvé dans les médias satellitaires et les réseaux sociaux un environnement fertilisant favorable. Il a ainsi rejoint les milliers de jeunes qui, de jour en jour, grossissent les escadrons de la mort au nom d’une religion dont la racine de son nom est la Paix. Mais justifier l'enlisement de cesjeunes par l'endoctrinement ou l'environnement social et économique difficile est une analyse incomplète.
Seifeddine est devenu terroriste car, aussi, il était inculte. Il a cru tout ce qu’on lui disait de la parole du dieu. Il se croyait défendre des principes, mais il ne connaissait pas la cause.
Je ne peux rien faire contre les endoctrineurs.Je les laisse au pouvoir coercitif de l'Etat (bien que ce que l’Etat fait sur ce point ne soit guère rassurant). Par contre, je ferais tout pour que tu ne sois pas une proie facile à qui la lecture de deux versets sortis de leur contexte te transformera en un outil de la mort.
Je peux te paraître excessif, voire même dur, mais me dire que Seifeddine est un cas isolé et que cela n'arrive qu'aux autres serait une grave erreur que je ne me permettrais pas de commettre. Je ne vais pas te fliquer ou t'enfermer dans mes suspicions en t'ôtant toute liberté. Je ne vais pas t’épier ou trier tes amis. Ca ne servira à absolument à rien.Ce que j'essayerais de faire sera de te montrer la voie.
Je ne vais pas te dire que l’Islam est tolérance, amour et liberté. Nous ne sommes plus dans le romantisme et franchement c’est léger comme raisonnement. Non. Ce que j’essayerai est de te montrer ce qui me semble nécessaire de faire si jamais tu veux connaître ta religion.
Mon Cher enfant,
Ne soisjamais unmusulman par procuration. Ne laisse pas les autrest’imposer cequ’est ta religion. Apprends-la toi-même.L’islam a son livre. La parole du dieu révèle dans le coran. Lis-le avec ton coeur, mais surtout avec ton esprit. Lire le coran est un culte, saisir son sens est un devoir. Tu dois comprendre le texte et cen’est guère une tâche facile. Il faut maitriser ta langue :l’arabe, connaître Asbab – Nuzul (« les circonstances de la révélation ») et étudier les interprétations et elles sont nombreuses. Lis al Hadith, mais sache que les six livres peuvent suggérer parfois des interrogations. Assume ces questions etvajusqu’au bout du raisonnement. Apprends les Ulémas, mais sache de qui apprendre.Ils ne sont pas a la télé ou sur la toile, mais, plutôt dans les livres. Il faut savoir séparer le bon grain de l’ivraie. Tout comme l’habit ne fait pas le moine, la barbe ne fait pas le savant.
L’islam est avant tout unefoi. Celle-ci naquitdans le cœur et point dans le paraître. L’Islamest un fond, alors ne soit pas prisonnier de la forme. La foi se développe avec l’espritet celui-ci évolue. Suis le message du prophète SAWS, mais ne répète pas aveuglement, sortis de leur contexte, des faits et gestes des anciens (AssalafAssalah). Les temps ont changé et l’humanité aussi. Comme aux premières heures de l’Islam, on a compris qu’on ne peut pas gouverner la Perse, l’Inde ou Constantinople comme on gouverne à Médine, on ne peut jamais vivre au 21 éme siècle comme si nous étions au 7 éme. C’est le déni même de l’Islam que de lui ôter toute possibilité de vivre avec son temps. Alors saisis le message et ses principes et ne confond jamais religion et religiosité.
L'islamest un ensemble de percepts. Mais l’islamestau ssiunehistoireetcelle-ci n'est pas aussiidyllique que le film Arrisala nous la montre. D'ailleurs sache que c'est une oeuvre artistique et point un recueil historique. Un des malheurs des musulmans est qu’ils appréhendent leur histoire comme une « sitcom ».
L'histoire de l’islam te permettra de relativiser, non pas la religion, mais le musulman. L’Islam est aussi une histoire politique. Elle naquit à « Saqifat Ibn Saida ». Elle "évolua" à travers les califes assassinés, les compagnons du prophète qui s’entretuent à Seffine et un conflit qui s’éternisent depuis quatorze siècles. Je suis certain que tout comme moi, tu te demanderas comment serait le monde d’aujourd’hui si Al-Ma'mun aurait décédé avant son successeur désigné Ali Bin Musa Al-Ridha?!! Apprend d’Ibn Hicham, Attabari, Ibn Khaldoun, Ahmed Amin mais aussi de Taha Hussain, Akkad (Abbas Mahmoud), HichemJait, etc.
L’islam est une pensée.Elle futdéveloppée par des illustres philosophes et penseurs. Leurs travaux ont été des étoiles éparpillées dansl’obscurité dans laquelle Al Umma s’est plongée pendant des siècles.Sache aussi que l’Islam a permis le développement de la pensée et des sciences mais ceux-ci l’étaient déjà dans les terres de la Perse et de l’Inde. Par les conquêtes de ces territoires, elles sont devenues un patrimoine de l’Islam. Alors dire naïvement que les prochains Nobel seront les enfants de l’application de la Chariaa est un raccourci que je ne te conseillerai point de l’emprunter.
Ceux qui veulent la renaissance de l’Islam doivent réveiller cette conscience et point expier les parents ous’échanger des esclaves, encore moins détruire des monuments que ni le prophète ni ses compagnons n’y ont touchés. Alors évite les clichés et les slogans creux et éblouit-ton esprit avec Al Ghazali, Averroès, Al Akkad (Mustapha), Youssef Seddik, etc.
Sache aussi que l’islam est une religion de "la différence"Lacommunauté des musulmans est formée de groupes et de doctrines. Je dis forméeet pas divisée car la foi nous unit. Même les sunnitessuiventdifférentes doctrines ouécoles. Les us, les coutumeset les pratiquen'étaient pas (au temps des conquêtes) et ne sont pas de nosjours les mêmeque ceux de la péninsule arabique aux premières heures de l'Islam. Il fallaitdoncréfléchir pour essayer de trouver les bonnesréponsesdans le respect de l'esprit de l'Islam. Or, les personnes se trompent, les Ulémas se différencient. A Chacunsa lecture et à chacunsacompréhension. Tousveulent la vérité, mais celle-ci est pas toujours évidente. Alors, on essaye de trouver le consensus, mais il n'en demeure pas moins que l'autre opinion est possible aussi. Lis Ibn Malek, Ibn Hanbal, Taher Ben Achour, IbnTaymia. Lis aussi Al Kafi, comprends la penséed’AlMu’tazila et du murjisme. Lis aussi Sayed Kotb etc.N’exclut personne. Lis-tout et ne laisse personne faire ta propre opinion.
Mon cher enfant,
Tul’auraiscompris. La tâcheestarduemaisconnaître ta religion est ta seule assurance contrel’abime.
J’aurais pu te dire que l’Islam est celui des cinq piliers, de respect des parents, du bien contre le mal et toutes les valeurs nobles que j’ai apprise de mes parents et sur les bancs de l’école républicaine. Oui j’aurais pu te dire tout ceci, mais cela n’est guère suffisant. Les choses ont changé et en tant que père, je me dois d'avoir les réponses sur les contre-vérités qu’on pourrait te faire inculquer. Je dois savoir trouver le contre argument si un jour tu me frappera de mécréance car j’écoute de la musique. Cet argument se doit être aussi fort que l’interprétation du verset ou du Hadith qu’on t’asorti.
Alors, oui. Moi aussi je me mets à faire mes devoirs…
Mon cher enfant,
Je terminerai par dire que certes, nous sommes musulmans car nos parents le sont. On aurait pu naître chrétien, juif ou hindou. Mais sache que le privilège de la naissance n'est guère suffisant, car un bon musulman est un musulman qui sait…
Ton père qui t’aime tant...
Mohamed Fayçal Charfeddine
Le 6 juillet 2015
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Monsieur vous faite un effort mérité de pedagogie et de montrer comment on devrait former le vrai musulman, puisque par hazard nous le sommes. Mais vous savez qúe la formation et l´éducation ont plusieurs voies et on ne les connait pas toutes. Cela est connu dans toutes les societes modernes, et il faut preciser démocratiques.¨ En effet c´est dans ce sens, la démocratie, que nous devrions former nos jeunes. Or qu´est ce que la démocratie? d´abord le respect de l´autre quel qu´il soit, le respect en tant individu integre, intelligent capable de travailler pour subvenir á ses besoins et les besoins des siens. C´est une illusion de croire qu´on puisse creer "l´homo Islamicus". Non monsieur, la democratie consiste seulement á ne pas nuire á autrui de quelque facon que ce soit. Et comment nuire sinon par la violence. En effet ce qui est interdit c´est la violence, le recours á la violence. Si quelqu´un a des idées, il n´a qu´a les appliquer soit par la discussion, soit par le vote. On dit qu´on travaille en pour la transition vers la democratie. mais qu´est ce que c´est la democratie? la democratie c´est le chemin non violent. La police est là uniquement pour empêcher la violence dans la societé. On ne peut pas changer l´homme,moi je vois souvent des gens qui chantent, qui dansent et qui crient, la police ne dit rien, elle n´ intrevient que lorsqu´il ya bagarre, c´est pourquoi les pères de la democratie (John Locke, Hobbes, Montesquieu etc..) ont imaginé une société sans violence, mais pas necessairement sans idiots.
Bravo Monsieur. C exactement ce que g permis a mes enfants de faire. Trouver leur proper verite su la religion. Ils sont eduques et peuvent reflechir et trouver la reponse qui leur convent. Moi meme en tant que parent ,vu ce qui se passe, j ai re is en question tout ce que j ai appris a l ecole ou Lu ou vu a la tele. J essai de trouver la logique.
Oui pour le principe de la démarche mais elle n'est pas du tout réaliste.Ton enfant sera vieux sans qu'il parvienne à se faire son idée sur sa religion.La solution est qu'on lui mâche le travail en lui donnant à l'école une bonne base et en organisant des conférences, des débats télévisés contradictoires etc