News - 24.08.2015

Pourquoi la fonction de gouverneur reste-t-elle inaccessible aux femmes ?

Pourquoi la fonction de gouverneur reste-t-elle inaccessible aux femmes ?

Ceux qui s’attendaient à la nomination de femmes au poste de gouverneur ont dû déchanter ce samedi soir lorsque le mouvement des représentants de l’Etat dans les régions  décidé par le chef du gouvernement Habib Essid a été rendu public. Sur les 13 gouverneurs nommés pour la première fois, pas de trace de la moindre femme. Pourtant les partis de la coalition au gouvernement auraient remis des CV de femmes pour occuper cette fonction éminente.

 

Aucun gouvernement après la révolution n’a eu l’audace, et le mot n’est pas fort, de nommer une femme à la tête d’un quelconque des 24 gouvernorats de la république. Bourguiba en son temps qui se plaisait  à se qualifier de « libérateur de la femme » n’a pas eu cette audace. Depuis l’indépendance seul l’ex-président Ben Ali a osé nommer une femme gouverneure et c’était à Zaghouan.


Pourquoi donc ce poste reste-t-il inaccessible aux femmes, alors que des ministres femmes, des ambassadeurs femmes ont été nommées sans problèmes et depuis longtemps.


Il semble que la question a été évoquée en haut lieu mais qu’il a été convenu que « ce n’était pas le moment » de nommer une femme gouverneure. Le pays étant en guerre contre le terrorisme et les femmes ne seraient pas armées pour la mener, aurait-on estimé. Ce ne sont que  des « balivernes » répliquent d’aucuns. C’est bien le moment. Le terrorisme ne peut être vaincu si les femmes ne sont pas en première ligne. Car, les « djihadistes » s’en prennent d’abord aux droits des femmes. De plus dire que ce n’est pas le moment c’est supposer qu’il y a un temps idoine. Si Bourguiba avait attendu le moment propice pour faire sa réforme audacieuse du statut de la femme peu de temps après l’accession du pays à l’indépendance, ce moment ne serait jamais arrivé, rétorquent-il aussi.


Il n’en a pas fallu plus pour que la Toile et les réseaux sociaux s’enflamment. Une dizaine de jours après avoir fêté la journée de la femme en grande pompe, l’absence de femmes dans le mouvement des gouverneurs vient cruellement rappeler que pour le statut de la femme ce n’est pas de lois ou de textes dont a besoin mais bien de pratiques.


Est-ce de la misogynie de la part du chef du gouvernement ou bien du machisme de la classe politique. On ne veut pas le savoir même si on ne le croit pas. C’est plutôt à l’évidence du conservatisme de mauvais aloi, ce souci maladif de conserver les choses en l’état de peur de les voir prendre la tournure que l’on ne veut pas.


Ce que l’on observe dans le même ordre d’idées, c’est que les femmes ont été moins biens loties dans la composition du gouvernement Essid (3 femmes ministres dans des postes de second rang) ainsi que dans le dernier mouvement des chefs de postes diplomatiques et consulaires (où elles sont pratiquement inexistantes, ce qui faisait regretter la proportion du  tiers atteinte l’année dernière par l’ex-ministre des affaires étrangères Mongi Hamdi).


On a beau inscrire dans la Constitution que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs» 21(article)   et  que « l’Etat garantit l’égalité des chances entre l’homme et la femme quant à l’accès de  toutes les responsabilités dans tous les domaines et qu’il œuvre  à réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les assemblées élues » (article 46), ce n’est qu’un vœu pieux tant que la pratique ne concorde pas avec les textes.


Les femmes sont les plus déçues quand bien même elles ne se feraient pas d’illusions. Et revenait comme une litanie l’histoire de ce million de femmes qui ont donné leurs voix à Béji Caïd Essebsi et à Nidaa Tounés pour leur permettre  d’être aujourd’hui au pouvoir et qui à l’évidence ne leur en sont pas reconnaissants.


Les femmes à la tête des régions, ce n’est pas évident même dans les démocraties bien établies. En France il a fallu attendre 1981 et l’avènement de la gauche au pouvoir pour voir la première femme nommée préfet de département. Actuellement sur les 192 préfets  (préfet de région, préfet de département, préfet de police maritime, préfet délégué pour la défense et la sécurité, préfet délégué à l’égalité des chances et représentants de l’Etat dans les collectivités d’outre-mer), seuls 19 (soit moins de 10%) sont des femmes.

Raouf Ben Rejeb

 

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